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Révision constitutionnelle : galop d'essai à l'Assemblée, les suggestions foisonnent

Première bataille à l'Assemblée à partir de ce mardi 26 juin sur le projet de révision constitutionnelle : majorité et oppositions vont faire assaut de propositions en commission, les uns pour enrichir, les autres pour déconstruire certaines mesures voulues par Emmanuel Macron.
Suppression de la Cour de justice de la République, réforme du Conseil économique, social et environnemental, différenciation territoriale, mention de la Corse, sont entre autres au menu du projet de loi "pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace".  Et, plus contestée, l'accélération de la procédure parlementaire d'adoption des textes.
Si elle planchera jusqu'à jeudi sur 18 articles, la commission des Lois de l'Assemblée ne fera que des choix indicatifs sur environ 1.300 amendements de tous bords, dont un petit quart de la majorité. Ce n'est qu'au lendemain d'un discours d'Emmanuel Macron devant Assemblée et Sénat réunis en Congrès à Versailles, le 9 juillet, que la bataille majeure s'engagera pour deux semaines dans l'hémicycle sur le texte tel qu'écrit par l'exécutif.
Parmi les acteurs : le chef de file macroniste Richard Ferrand, rapporteur général du texte, la présidente de la commission des Lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), sur le volet justice, et le patron des députés MoDem alliés, Marc Fesneau, sur les territoires et la procédure législative.
Le président de l'Assemblée François de Rugy, qui a travaillé pour une convergence avec son homologue du Sénat Gérard Larcher (LR), a fait des propositions pour "regonfler" la copie gouvernementale. "La bataille pour le Parlement ne fait que commencer", a-t-il prévenu dimanche.
Le projet de loi doit arriver en septembre au Sénat, où les figures LR et centristes ont posé leurs conditions, parfois drastiques. En sachant qu'une révision constitutionnelle nécessite le vote du même texte par Assemblée et Sénat, puis son approbation par le Congrès à une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Les deux autres textes (ordinaire et organique) de réforme institutionnelle, porteurs des mesures emblématiques de réduction de 30% du nombre de parlementaires, de limitation à trois mandats identiques dans le temps et d'introduction de 15% de proportionnelle aux législatives, ne devraient pas être examinés avant octobre à l'Assemblée.
L'aboutissement de l'ensemble de la réforme a été repoussé à 2019.
Sur le premier gros morceau au menu, le gouvernement a déjà annoncé, par Nicolas Hulot, soutenir l'inscription de la défense de l'environnement dès l'article 1er de la Constitution, et non à l'article 34 (qui définit le domaine de la loi), rejoignant la volonté de plusieurs parlementaires de la majorité. Reste à trouver la bonne formulation.
Paula Forteza (LREM) va porter la proposition d'adosser à la Constitution une "Charte du numérique", issue d'une mission Assemblée-Sénat (voir notre encadré ci-dessous).

"Ce sera un pot-pourri de tous les débats"

Sur un tel projet de loi amendable sans limites, les suggestions foisonnent, de l'exigence d'égalité femmes-hommes... au rétablissement du septennat. "Ce sera un pot-pourri de tous les débats depuis le début de la législature", craint-on dans la majorité.
Ainsi, parmi les quelque 1.300 amendements de divers bords déposés devant la commission des Lois, des élus de la majorité veulent remplacer la notion de Droits de l'homme par "droits humains", des députés LR proposent de remplacer le principe de précaution par celui de "responsabilité", Eric Ciotti entend inscrire la laïcité dans la devise de la République ou interdire le port de signes religieux ostensibles dans les services publics par les usagers et salariés. Des socialistes et les Insoumis voudraient rendre le vote obligatoire et autoriser le vote des étrangers aux élections locales. Ces mêmes élus LFI veulent permettre la convocation d'une assemblée constituante en vue d'une VIe République, interdire les OGM, inscrire dans le préambule un accès gratuit à la contraception et à l'IVG... Les communistes veulent entre autres protéger et promouvoir les biens communs.
Les trois élus corses (non-inscrits) ont aussi été prolixes, proposant tour à tour de modifier le préambule pour insérer la Corse aux côtés des Outre-mer dans les territoires pouvant prétendre à l'autonomie, reconnaître les drapeaux des territoires et régions historiques ou autoriser un hymne co-officiel. Ils plaident aussi pour la reconnaissance des langues régionales, comme les "marcheurs" Paul Molac et François Michel-Lambert.
 

 

Une quinzaine de parlementaires proposent d'adosser les droits numériques à la Constitution
Paula Forteza, députée LREM des français de l’étranger, a déposé vendredi 22 juin un amendement au projet de loi constitutionnelle visant à adosser une "charte du numérique" à la Constitution à l'instar de la Charte de l'environnement adoptée en 2004-2005. Composé de sept articles, ce document a été élaboré avec le soutien de 19 parlementaires parmi lesquels le sénateur Christophe-André Frassa (LR) et le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy. L’objectif de la charte est de consolider des droits existants en "les protégeant pour l’avenir pour qu’on ne puisse pas revenir en arrière", a expliqué Paula Forteza. Le texte stipule ainsi que "la loi garantit à toute personne un droit d'accès aux réseaux numériques libre, égal et sans discrimination", et que " les réseaux numériques respectent le principe de neutralité qui implique un trafic libre et l'égalité de traitement". Elle affirme que "le numérique facilite la participation de toute personne à la vie publique et l’expression des idées et des opinions" et que "toute personne a le droit, dans les limites et les conditions fixées par la loi, d’accéder aux informations détenues par les autorités publiques ou utiles à un débat d’intérêt public et de les réutiliser".

L. Boncourt