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Revenu universel d'activité : la concertation est lancée, mais les questions subsistent

Agnès Buzyn et Christelle Dubos, la secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, ont lancé, le 3 juin, la concertation nationale sur le futur revenu universel d'activité (RUA). L'objectif est de simplifier un dispositif devenu trop complexe, en regroupant plusieurs prestations. Parmi les questions en jeu, celle du périmètre du RUA. Ainsi que celle des moyens.

Après avoir tenu la première réunion du comité d'orientation stratégique (voir notre article ci-dessous du 15 mars 2019), Agnès Buzyn et Christelle Dubos, la secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, ont lancé, le 3 juin, la concertation nationale sur le futur revenu universel d'activité (RUA). Signe du caractère interministériel du RUA, plusieurs autres ministres participaient à cette réunion de lancement, comme Annick Girardin (Outre-Mer), Julien Denormandie (Ville et Logement), Sophie Cluzel (Personnes handicapées) et Gabriel Attal (Éducation nationale et Jeunesse). Olivier Noblecourt, le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, et Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du RUA (voir notre article ci-dessous du 24 janvier 2019) étaient également à la tribune.

Une phase de concertation sur toute l'année 2019

Le principe de cette nouvelle prestation a été annoncé par Emmanuel Macron le 13 septembre 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour), dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. L'objectif est de simplifier un dispositif devenu trop complexe, en regroupant plusieurs prestations au sein du RUA, afin de mettre en place "un système d'aides sociales plus accessible et plus lisible, capable de faire régresser le taux de non-recours, mais aussi de soutenir chaque bénéficiaire dans sa réinsertion et la reprise d'une activité".

La concertation – qui associe notamment les collectivités territoriales, les administrations, les organisations syndicales, les associations, mais aussi les citoyens – doit occuper toute l'année 2019. Elle comprend plusieurs composantes. Tout d'abord une concertation institutionnelle, menée autour du comité national du RUA, avec trois "collèges opérationnels" (associations, partenaires sociaux et territoires) et, en fin de parcours, trois "sous-collèges" (jeunes, handicap et logement). Deux autres groupes, plus informels, seront aussi associés à la concertation : un groupe d'experts (dont notamment des économistes) et un groupe de parlementaires "ambassadeurs de la stratégie pauvreté".

Concertation publique et jury citoyen

Comme il est désormais de règle pour les réformes importantes, une concertation publique sera également organisée durant tout le second semestre. Elle prendra la forme d'une consultation en ligne, de réunions territorialisées et thématiques (regroupant, sur six territoires, collectivités, associations, professionnels et acteurs locaux), de "focus groups" avec des bénéficiaires et des professionnels concernés et, enfin, d'un jury citoyen. Un garant et quatre experts indépendants seront désignés pour assurer la neutralité de ce dernier.

Durant toute cette phase de concertation, les travaux techniques se poursuivront sous l'autorité de Fabrice Lenglart, avec notamment la préfiguration du RUA à soumettre au jury citoyen en novembre et décembre. Objectif affiché : clôturer la concertation en janvier 2020 à travers un événement de restitution, avant de passer à la phase d'élaboration et de présentation d'un projet de loi, annoncé pour 2020. A ce stade, la date de mise en œuvre effective du RUA est encore incertaine, mais elle pourrait nécessiter une phase expérimentale décalant la généralisation à 2023.

Un "document cadre" très ouvert

Sur le fond, la réunion de lancement de la concertation n'a pas apporté d'informations nouvelles, ce qui n'a rien d'anormal sauf à préempter la démarche engagée. Le "document cadre" de la concertation se limite à trois pages à peine et se borne à signaler quelques "points à respecter". Parmi ceux-ci, on, retiendra toutefois que le RSA "devra être au cœur des travaux et les départements, qui en assurent aujourd'hui le financement, tout particulièrement associés aux évolutions qui seront proposées". De même, "les travaux relatifs à l'intégration des aides personnelles au logement dans le revenu universel viseront à préserver les équilibres de notre politique nationale en matière de logement". Pour cela, le document cadre suggère la piste de l'identification, au sein du RUA, d'un "supplément logement", "visant au maintien d'un fonctionnement en tiers-payant et garantissant un taux d'effort limité".

Sans surprise, la question de l'AAH sera également intégrée à la concertation, mais en faisant en sorte que "l'ensemble des montants dédiés aujourd'hui aux personnes en situation de handicap [continue] à bénéficier au secteur du handicap". Enfin, la question de l'accès des jeunes adultes à notre système de solidarité "sera directement abordée".

Une réflexion à enveloppe constante ou une réforme à enveloppe constante ?

Quelques autres points d'attention sont également évoqués dans le document cadre, comme la prise en compte des spécificités des territoires ultramarins, le maintien d'un accueil physique et d'un accompagnement, ou encore la nécessité d'une période de transition.

Mais l'un des points qui devrait être le plus discuté – et déjà contesté par les associations – est le fait que "par souci de rigueur méthodologique, et sans présager des arbitrages finaux, les travaux qui seront conduits dans le cadre de la concertation raisonneront à cadre budgétaire constant".

Pour sa part, Agnès Buzyn a rappelé, dans son discours, les "cinq impératifs" fixés par Emmanuel Macron : l'impératif de dignité ("un vrai filet de sécurité et de lutte contre la grande pauvreté"), celui de simplicité d'accès (lutte contre le non recours aux droits), celui de transparence (pour permettre aux allocataires de prévoir l'évolution de leurs revenus et les inciter à reprendre une activité), l'impératif d'équité (égalité de traitement pour des personnes se trouvant dans des situations équivalentes) et celui de responsabilité (à travers un contrat d'engagement réciproque rénové).

Vers un "rééquilibrage" entre minima sociaux ?

A l'issue de lancement de la concertation, les questions qui étaient en suspens lors de la réunion du comité d'orientation stratégique (voir notre article ci-dessous du 15 mars 2019) le demeurent, sans même parler des aspects techniques, qui s'annoncent très complexes. La principale porte bien entendu sur le périmètre du RUA. Si Agnès Buzyn a rappelé que "le socle qui a été fixé par le président de la République, c'est une fusion du RSA, de la prime d'activité et des allocations logement", toutes les hypothèses sont ouvertes au-delà de ce noyau dur. La ministre des Solidarités a évoqué "notamment" l'AAH, l'allocation de solidarité spécifique (ASS), mais aussi l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa, ex minimum vieillesse).

La seconde incertitude majeure concerne un éventuel rééquilibrage entre minima sociaux, ceux-ci présentant de forts écarts (l'AAH est, par exemple, nettement plus élevée que le RSA). Mais le document de cadrage et les propos ministériels (par exemple sur les allocations logement ou sur le handicap) semblent plaider beaucoup plus pour une juxtaposition que pour une fusion.

Reste la question du coût de la réforme. Si la nécessité d'une réflexion a enveloppe constante a été clairement posée, Christelle Dubos a affirmé, dans son intervention, que "présenter des travaux dans un cadre budgétaire neutre [...] ne préjugera cependant pas des arbitrages à venir sur le plan budgétaire". Une façon de laisser la porte entrouverte. La secrétaire d'Etat a même précisé que "bien évidemment, si on prend les jeunes en compte [...], le budget devra être rallongé".

Des associations qui renâclent

Cette question des moyens inquiète tout particulièrement les associations qui, tout en ne refusant pas de participer à la concertation, redoutent que la réflexion "conduise finalement à faire de la solidarité entre les pauvres, à redistribuer autrement l'argent consacré aux personnes en situation de précarité", selon les explications données à l'AFP par Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

De façon plus large, un collectif de neuf associations - dont le Secours catholique, ATD Quart Monde, Emmaüs France et l'APF – a publié une tribune dans Le Monde pour faire part de sa crainte qu'à "budget constant", cette réforme fasse "nécessairement des perdants". Les signataires rappellent qu'"aggraver la situation de personnes en précarité, en amputant leurs faibles revenus, n'est pas une option". Ils estiment que le RUA ne doit pas non plus "être fondu avec les allocations logement, qui bénéficient aujourd'hui à des ménages pauvres, mais aussi à des ménages modestes qui ne bénéficient pas de minima sociaux". De même, le RUA ne devrait pas non plus intégrer l'AAH, ni l'Aspa, ces prestations ayant "une vocation spécifique visant à prendre en compte l'inégalité de destin des personnes en situation de handicap et âgées".

Mais, dans ces conditions, on voit mal l'intérêt d'une telle mobilisation et d'un tel délai pour fusionner au final le RSA et la prime d'activité... La concertation qui s'est ouverte le 3 juin ne devrait donc pas se limiter à des aspects techniques, mais pourrait au contraire soulever de vrais débats de société.

Le Conseil national de l'habitat se penche sur l'articulation de l'APL avec le RUA

Réuni en assemblée plénière le 3 juin 2019, le Conseil National de l’Habitat (CNH) a créé une commission consacrée aux aides et à l’accès au logement qui abordera notamment l’articulation entre les aides au logement et le futur Revenu Universel d’Activité (RUA), dont la concertation vient d’être lancée. Elle remettra son rapport "à la rentrée".
Le CNH a créé une seconde commission, sur le thème de la construction, qui réfléchira "à la manière de lever les freins au développement de l’offre de logements dans notre pays".
V.L