Lutte contre l'exclusion - Revenu de base : la mission sénatoriale se prononce pour une expérimentation territoriale
Présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur (UDI-UC) du Pas-de-Calais, et rapportée par Daniel Percheron, sénateur (PS) du même département, la mission commune d'information sur l'intérêt et les formes de mise en place d'un revenu de base en France a remis son rapport. Cette mission a été lancée le 31 mai dernier, donc avant que la question de la fusion des minima sociaux et de la création d'un revenu de base s'installe au premier plan, en particulier à l'initiative de Manuel Valls (voir notre article ci-contre du 19 septembre 2016). Mais cette actualité confère au rapport un relief particulier.
Une réforme à coût constant n'est pas réaliste
En dépit - ou à cause - de ce soudain intérêt pour le concept, le rapport fait preuve d'une prudence certaine, en rappelant que "la grande plasticité du concept de revenu de base explique certainement en partie l'engouement actuel : des personnes ou des organisations que leurs buts ou leur philosophie devraient opposer se retrouvent ainsi à défendre une notion apparemment commune, sans pour autant partager suffisamment pour parler d'un projet commun". Après s'être déplacée à l'étranger, la mission souligne d'ailleurs que les expérimentations souvent évoquées par les tenants de ce concept "ne sont qu'à l'état de simples projets, mais surtout qu'aucune d'elles n'aurait pour objet de tester un véritable revenu de base".
Les objectifs d'un éventuel revenu de base restent également de nature très différente, depuis la simple amélioration du dispositif actuel (par la fusion des minima sociaux existants) jusqu'à la modification pure et simple des rapports de l'individu à la société. Sans surprise, la mission s'interroge aussi sur l'impact budgétaire d'une telle réforme, au regard des sommes colossales en jeu. Selon les hypothèses de montant de la prestation - entre 500 et 1.000 euros par mois - le coût brut de l'introduction d'un revenu de base se situerait entre 300 et 700 milliards d'euros par an. Il s'agit bien sûr d'un coût théorique, dans la mesure où le revenu de base devrait se substituer à toute une série de prestations sociales - et notamment de minima sociaux - existants.
Il reste, pour la mission, qu'"en tout état de cause, l'ambition universaliste qui caractérise le revenu de base rend impossible sa mise en place 'à coût constant', sauf à ce qu'il opère une très large remise en cause des mécanismes actuels de redistribution, au détriment des personnes actuellement les plus aidées".
"Une réponse théorique intéressante"
Pour autant, "la mission commune d'information estime que le revenu de base pourrait présenter une réponse théorique intéressante", sous réserve de "privilégier la voie du réalisme plutôt que celle de l'utopie". Tout en constatant que "les conditions de son introduction dans notre pays ne sont pas réunies à ce jour" et que "le revenu de base n'a pas fait aujourd'hui la preuve de ses avantages par rapport à d'autres évolutions de notre système social", elle se prononce donc en faveur d'une "expérimentation territoriale".
Sans entrer dans les détails techniques et juridiques d'une telle démarche, le rapport formule un certain nombre de recommandations. Ainsi, l'expérimentation devrait durer trois ans et être répartie sur plusieurs territoires dans des départements volontaires, avec pour objectif d'y intégrer 20.000 à 30.000 personnes (soit un coût de l'ordre de 150 millions d'euros). La mission préconise aussi de prévoir le versement d'une "somme correspondant au moins au montant du revenu de solidarité active (RSA), qui viendrait se substituer aux minimas sociaux (RSA, ASS, AAH...) perçus par les personnes faisant l'objet de l'expérimentation, jusqu'à concurrence de leur montant, laissant au bénéficiaire tout reliquat supérieur, et qui ne serait pas imposable compte tenu des difficultés constitutionnelles d'une expérimentation en matière fiscale".
Ne pas remettre en cause l'inclusion sociale par le travail
La mission apporte également plusieurs autres précisions importantes sur le périmètre de l'expérimentation. Ainsi, celle-ci devrait instituer "un filet de sécurité", mais sans remettre en cause l'inclusion sociale par l'activité et le travail. Ensuite, bien qu'inconditionnel dans son principe, "le revenu de base n'aurait pas nécessairement vocation à être versé à l'ensemble de la population située sur le territoire français, mais pourrait n'être versé qu'aux individus majeurs dont la résidence fiscale se situe en France". Enfin, ce revenu de base n'aurait pas pour vocation de remplacer l'ensemble des transferts sociaux existants et ne devrait se substituer qu'aux prestations qu'il remplacerait avantageusement.
Si le rapport a le mérite - via l'expérimentation - de ramener le débat à une dimension plus pragmatique, il reste que ses suites demeurent très incertaines. Si on se base par exemple sur la durée de mise en place de l'expérimentation des territoires "zéro chômage de longue durée" - pourtant nettement plus simple en termes juridiques, techniques et budgétaires -, la mise en place d'une expérimentation d'un revenu de base prendra au minimum un à deux ans.