Social - Minima sociaux : la Cour des comptes propose une simplification autour de trois allocations
Constatant des "résultats insatisfaisants" des minima sociaux en matière de lutte contre la pauvreté et de retour à l'emploi, la Cour des comptes recommande notamment de regrouper ces minima autour de trois grandes allocations.
Dans un référé rendu public ce 26 novembre, daté du 21 septembre et adressé au Premier ministre, le premier président de la Cour constate que les minima sociaux, s'ils réduisent bien le taux de pauvreté monétaire brut, "ne permettent pas aux allocataires de sortir de la situation de pauvreté,, la moitié d'entre eux demeurant pauvres 'en conditions de vie'" (autrement dit ont toujours des "difficultés à accéder à des biens d'usage ou à des consommations de base"). Tel est notamment le cas des bénéficiaires du RSA, sachant que le montant de l'allocation reste inférieur au seuil de pauvreté.
La Cour inclut dans son analyse les neuf minima que sont le revenu de solidarité active (RSA), le revenu de solidarité outre-mer (RSO), l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation transitoire de solidarité (ATS), l'allocation temporaire d'attente (ATA), l'allocation veuvage, l'allocation supplémentaire invalidité (ASI), l'allocation adulte handicapé (AAH) et l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (Aspa).
En outre, le taux d'emploi des bénéficiaires "est très faible, de l'ordre de 14% à 17% selon les dispositifs", tout comme les "taux de sortie des allocations au profit d'une insertion durable sur le marché du travail - de 2 à 4% selon les minima sociaux" souligne le référé, sans préciser en revanche que tous les minima sont précisément là pour pallier un impossible retour à l'emploi.
Ces minima seraient donc à double titre plutôt inefficaces… et coûteraient pourtant de plus en plus cher. Le coût total des neuf prestations (hors dépenses de gestion et d'accompagnement) serait passé de 17,3 à 24,8 milliards d'euros en six ans, entre 2008 et 2014, soit une hausse de 30% (et même de 43% en euros courants). "En l'absence de réformes, les projections disponibles suggèrent que ce coût devrait encore augmenter au cours des prochaines années pour atteindre 28 milliards d'euros en 2017", prévoit la Cour. A l'origine de cette courbe : principalement la hausse du nombre d'allocataires (+17% en six ans), notamment des bénéficiaires du RSA (+35%). Mais aussi la revalorisation de l'AAH et de l'Aspa. "L'évolution du coût des minima sociaux représente un enjeu budgétaire majeur, qui se traduit d'ores et déjà par des difficultés pour les départements, chargés du financement du RSA", rappelle la Cour.
Pas d'identité entre le financeur, le décideur et le prescripteur
Autre problème relevé : des "incohérences" entre allocations, tant sur les montants, que sur les ressources et situations personnelles ou familiales prises en compte, ou encore sur l'articulation avec les allocations logement et les prestations familiales comme sur les possibilités de cumul avec un revenu professionnel. Et ce, sans que ces disparités soient nécessairement liées à des "différences objectives de situation". Le RSA serait ainsi le régime "le plus restrictif pour le calcul de l'allocation, que ce soit du fait des ressources prises en compte, des conditions de cumul avec un revenu d'activité ou de l'application d'un forfait logement : 92% des allocataires du RSA se voient appliquer une réfaction au titre du forfait logement, ce qui conduit de facto à porter le niveau réel garanti du RSA à 452,51 euros par mois au lieu des 513,88 euros affichés", relève la Cour. Divergences, complexités, manque de lisibilité pour les allocataires… Tout cela aussi nuirait à l'efficacité et à l'équité du système.
Les complexités sont aussi celles de la gestion des minima. Le fait que ceux-ci soient "financés et gérés par des intervenants différents" serait source "d'inégalités dans l'accès aux droits" et de "difficultés pour ceux qui cumulent différents minima sociaux". En outre, "l'identité entre le financeur, le décideur et le prescripteur des 'droits et devoirs' des allocataires n'a pas été rendue effective", peut-on lire.
Le référé indique par ailleurs que la régularisation mensuelle de la situation des bénéficiaires, déjà prévue pour la future prime d'activité, devrait être étendue à d'autres allocations, notamment au RSA.
Surtout, la Cour suggère que le système actuel soit "resserré autour de trois grandes allocations" : le RSA qui constituerait l'allocation de solidarité de droit commun, l'AAH qui resterait une allocation de soutien au revenu intégrant la prise en compte des difficultés spécifiques liées au handicap, l'Aspa qui est déjà une fusion de dispositifs de minimum vieillesse. Un tel scénario se traduirait par une mise en extinction de l'ASS, du RSO et de l'ATA2, par la fusion de l'ASI et de l'AAH et par un transfert de l'allocation veuvage sur le RSA majoré. Ceci permettrait entre autres de "réduire le nombre de gestionnaires, en s'appuyant à titre principal sur le réseau des CAF".
Le gouvernement envisage bien une réforme
Dans sa réponse datée du 17 novembre, le gouvernement, par la voix de la ministre Marisol Touraine, tient d'abord à faire valoir que "la politique de lutte contre la pauvreté est un enjeu majeur justifiant une dépense conséquente". Il rappelle à ce titre les objectifs et les premiers résultats du plan pluriannuel contre la pauvreté… et assure, chiffres à l'appui, que les minima sociaux ont bien un impact sur la pauvreté. Il souligne en outre que "ces aides sont particulièrement ciblées" puisque "80% de la masse totale des minima sociaux sont distribués aux 20% des personnes les plus pauvres en termes de niveau de vie initial".
Quant au coût en hausse… la ministre en charge des affaires sociales répond de façon ferme à la Cour, soulignant que la lutte contre la pauvreté est "naturellement coûteuse dès lors qu'elle consiste à opérer des transferts financiers", que la dépense croît forcément en période de faible croissance et de chômage, qu'il faut veiller à ce qu'une allocation "constitue toujours un véritable filet de sécurité".
Quant aux "incohérences" mises en exergue par la Cour, le gouvernement rappelle que "chaque minimum social poursuit un ou plusieurs objectifs qui lui sont propres". Et, entre autres, que le retour à l'emploi n'est pas toujours un objectif (Aspa, RSO), ou du moins n'est pas le seul (pour le RSA notamment).
Enfin, Marisol Touraine rappelle qu'un travail de réforme des minima sociaux est déjà engagé : réforme de l'Aspa, création de la prime d'activité, harmonisation des modalité de revalorisation de certaines prestations…
Et la fusion proposée par la Cour ? Attention à d'abord évaluer finement les perdants et les gagnants, prévient le gouvernement, qui en profite pour rappeler qu'il a tout récemment confié au député Christophe Sirugue (décret du 30 octobre) une mission "de réflexion sur une réforme du système des minima sociaux, devant conduire à en réduire la complexité et à en accroître l'efficacité". En se souvenant que c'est déjà sur la base de travaux de Christophe Sirugue sur la fusion prime pour l'emploi / RSA activité que le gouvernement a créé la prime d'activité qui entrera en action au 1er janvier.