Patrimoine - Restaurer une église n'autorise pas à en changer l'affectation
Dans une question écrite, Eric Raoult, député de Seine-Saint-Denis, s'interroge sur la procédure de changement de destination d'un lieu de culte. De façon plus précise, la question porte sur la possibilité d'affecter une église appartenant à une collectivité - et qui a fait l'objet d'une rénovation financée pour tout ou partie par cette dernière - à "une utilisation plus étendue". En pratique, ceci recouvre notamment l'utilisation du lieu à des fins culturelles. L'enjeu est loin d'être négligeable, puisque le nombre d'églises en France est de l'ordre de 60.000 et que plusieurs centaines - il n'existe aucun recensement précis - seraient "déconstruites" (détruites) chaque année. Selon le rapport du Sénat de 2005 sur les monuments historiques, même les édifices cultuels classés ne seraient pas à l'abri. Ainsi, sur 15.000 églises classées, environ 2.800 se trouveraient aujourd'hui en danger.
Dans sa réponse, le ministre de l'Intérieur - qui est aussi le responsable des cultes - rappelle que la circulaire du 25 mai 2009 relative aux édifices du culte, qui se substitue aux circulaires de 2003 et de 2005 sur le même sujet, fait un point très détaillé sur les règles applicables en matière de propriété, de construction, de réparation et d'entretien, de règles d’urbanisme et de fiscalité. Cette circulaire rappelle notamment que les édifices servant à l'exercice public du culte (et les objets mobiliers les garnissant) dont la jouissance a été confiée aux ministres du culte, en application des dispositions de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1907, "bénéficient d'une affectation gratuite, exclusive et perpétuelle". Il ne peut donc y être mis un terme qu'après une désaffectation des locaux et dans les seuls cas prévus par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : dissolution de l'association bénéficiaire, cessation de la célébration du culte durant plus de six mois consécutifs (sauf cas de force majeure), conservation de l'édifice compromise par défaut d'entretien... Ainsi que le rappelle la réponse ministérielle, "la participation d'une commune aux travaux d'entretien et de conservation d'un édifice du culte, autorisée par l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905, ne figure pas parmi les cas pouvant entraîner la désaffectation de l'édifice".
En revanche, le législateur, dans un souci de valorisation du patrimoine, a admis la possibilité d'une utilisation d'un édifice du culte à des fins culturelles (visites, expositions, concerts...). L'article L.2124-31 du Code général de la propriété des personnes publiques, en vigueur depuis le 1er juillet 2006, autorise ainsi cette utilisation dès lors que l'affectataire du lieu de culte a donné son consentement et que l'usage du lieu est compatible avec son affectation cultuelle. Cet usage de l'édifice doit donner lieu à un accord précisant "les conditions et les modalités de cet accès ou de cette utilisation". Il peut, le cas échéant, donner lieu au versement d'une redevance domaniale. Une circulaire commune des ministères de l'Intérieur et de la Culture, en date du 21 avril 2008, a précisé les modalités d’utilisation des édifices de culte appartenant à l’Etat à des fins non-cultuelles. Celle-ci est transposable au cas des édifices cultuels appartenant à des collectivités.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : question écrite d'Eric Raoult, député de Seine-Saint-Denis, et réponse du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales (JOAN du 19 janvier 2010).