Ressources propres de l’UE : l’inquiétant démarrage de la taxe sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés

La Cour des comptes européenne dresse un bilan peu amène de la mise en place de la nouvelle ressource propre de l’UE fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés. Législation européenne défaillante et mal ou non transposée, données collectées disparates, peu fiables et mal contrôlées… les maux sont aussi nombreux que variés. Une situation inquiétante alors que le remboursement du plan de relance européen doit se faire uniquement à partir de ces nouvelles ressources propres de l’UE, qui tardent par ailleurs à poindre.

Si plusieurs rapports récents de la Cour des comptes européenne montrent que le plan de relance européen (NextGenEU), mis en place via un endettement commun des 27 pour faire face au covid, peine à se déployer (voir notre article du 6 septembre) et à répondre aux objectifs assignés (voir notre article du 12 septembre), il faudra pour autant en payer la note. Son remboursement doit normalement être effectué grâce à la création de nouvelles ressources propres de l’UE, qui tardent malheureusement à émerger. Pour l’heure, seule celle fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés a vu le jour début 2021. Une taxe – de 80 centimes par kg de déchets d’emballages en plastique non recyclés – dont on savait que son produit serait faible – 7,2 milliards de recettes en 2023, soit 4% des recettes totales de l’UE – et structurellement appelée à disparaître, l’objectif étant de réduire sa base à néant. Mais avant d’envisager cette extinction progressive, peut-être hypothétique, un nouveau rapport de la Cour des comptes européenne, publié ce 16 septembre, souligne que ses débuts sont particulièrement difficiles.

Le ver d’emblée dans le fruit

Les fées ne se sont a priori guère penchées sur le berceau de ce nouveau-né, dont on peine d’emblée à cerner précisément le nom. "La définition du terme ‘plastique’ varie d’un acte juridique à l’autre", relève ainsi la Cour des comptes. Laquelle observe en outre que des "caractéristiques juridiques essentielles de la gestion des déchets plastiques ont été mises à jour trop tard ou n’ont pas été adoptées". De quoi absoudre en partie des États membres "insuffisamment préparés" à la mise en œuvre de cette nouvelle ressource, et qui ont "tardé à transposer" les textes idoines, recevant en outre un appui "trop tardif de la Commission". Une transposition qui reste par ailleurs imparfaite, puisque la Cour relève qu’au moins 17 États membres n’ont toujours pas correctement transposé au moins "une des dispositions clés pertinentes" du mécanisme.

Données disparates, peu fiables et non contrôlées

On ne sera donc pas surpris que la Cour ait constaté lors de son audit l’existence de données disparates, qui sont par ailleurs compilées différemment d’un État à l’autre, généralement peu fiables et non contrôlées. La Cour déplore ainsi que les contrôles de la Commission ne soient "pas suffisants pour remédier aux risques les plus élevés pour la compilation des données". Pis, elle observe qu’"aucun contrôle n’est effectué pour vérifier que les déchets reçus par les recycleurs sont réellement recyclés", ou encore que "les États membres ne peuvent pas garantir que les conditions de recyclage des déchets d’emballages en plastique exportés en dehors de l’UE sont pour l’essentiel équivalentes aux procédés de recyclage européens".

Des prévisions loin du compte

Ces faiblesses structurelles expliquent sans doute en partie – sans compter chez certains une tendance à l’optimisme en matière de lutte contre le plastique – l’important décalage constaté entre les prévisions formulées en 2021 pour déterminer les contributions des États membres pour cet exercice et les relevés fournis en 2023 ayant trait à ce dernier : presque 1,4 milliard de kg de différence de matière taxable, se traduisant in fine par un montant perçu par l’UE inférieur de 1,1 milliard d’euros à ce qu’il aurait dû être (la France prévoyait par exemple de générer 1,5 milliard de kg de déchets d’emballages en plastique non recyclés, alors qu’elle en a finalement produit plus de 1,9 milliard). Si cette différence reste sans conséquence pour le budget de l’UE, elle ne l’est nullement pour celui des États membres, puisqu’elle doit en pareil cas être comblée par une contribution plus importante de ces derniers au titre de la ressource fondée sur leur revenu national brut. Pour mémoire, un dispositif identique est prévu pour le remboursement de NextGenEU : à défaut de nouvelles ressources propres de l’UE suffisantes, ce sont les États membres qui devront puiser plus profondément dans leurs poches (voir notre article du 12 mai 2023). La France en tête.

 

La France, premier contributeur en 2023

Avec plus d’1,5 milliard d’euros, la France était en 2023 le premier contributeur à la ressource propre fondée sur les déchets d’emballages en plastique non recyclés, devant l’Allemagne (1,4 milliard d’euros). Loin devant l’Italie (855 millions), l’Espagne (686 millions) et la Pologne (532 millions), qui tous trois bénéficient – comme les 14 autres États membres dont le RNB/habitant était inférieur à la moyenne de l’UE en 2017 – d’une réduction forfaitaire fixe de leur contribution (respectivement de 184, 142 et 117 millions d’euros). 

La Cour des comptes relève que l’Hexagone était en revanche en queue de peloton (seule Malte fait pire) au regard du taux de recyclage des emballages en plastique en 2021, avec un taux de 23% (contre 41% pour la moyenne de l'UE).