Rentrée étudiante : des annonces gouvernementales suffisantes dans un contexte "alarmant" ?
Les annonces gouvernementales en faveur des étudiants, récapitulées lors du conseil des ministres du 20 septembre 2023, seront-elles suffisantes pour faire face à une rentrée qualifiée d'"alarmante" par les associations étudiantes. Près d'un étudiant sur deux a déjà supprimé un repas à cause de l'inflation, d'après une étude de l'Ifop. Sylvie Retailleau a repoussé la proposition des quatorze présidents d'université qui appelaient à la création d'une "allocation d'études pour tous les étudiants", lui préférant "des bourses revalorisées au-dessus de l'inflation".
"Parce que les jeunes ne sont pas épargnés par l’inflation, et que les difficultés matérielles ne doivent pas affecter leurs conditions d’études et leurs chances de réussite, la protection des étudiants est une priorité du gouvernement", a déclaré ce dernier dans la communication publiée, à l'issue du conseil des ministres du mercredi 20 septembre 2023. Sa réponse est-elle, comme il le prétend "à la hauteur des enjeux" ? La rentrée universitaire est des "plus alarmantes", rapportent les organisations étudiantes dans leur ensemble, qui se disent déjà très sollicitées pour venir en aide aux jeunes précaires.
Revalorisation des bourses étudiantes
Le gouvernement met tout d'abord en avant la revalorisation des bourses étudiantes de 37 euros à 127 euros par mois en métropole, correspondant à des revalorisations allant de 6% à 34%, au-dessus de l’inflation, avec des montants abondés de 30 euros mensuels en outre-mer. C'est selon le gouvernement "la plus forte hausse des bourses étudiantes depuis 10 ans".
Sans compter qu'en cette rentrée, "76.000 étudiants de plus que l’an passé ont pu bénéficier dès la fin août du versement anticipé de leur bourse", se félicite le gouvernement.
Mais dans un contexte de forte inflation et de précarité économique chez les étudiants, quatorze présidents d'université - parmi lesquelles Montpellier, Aix-Marseille, Strasbourg, Lumière-Lyon-II, Jean-Moulin-Lyon III, Sorbonne Université ou Paris I-Panthéon Sorbonne avaient appelé à la création d'une "allocation d'études pour tous les étudiants" dans une tribune publiée par Le Monde mardi 19 septembre 2023. Ils préconisaient "une réforme structurelle d'envergure des bourses, avec pour objectif la mise en place d'une allocation d'études pour toutes les étudiantes et tous les étudiants, à l'instar de ce qui se pratique dans d'autres pays d'Europe".
"En quoi donner une allocation [à tous les étudiants] va-t-il faire reculer la précarité ?", s'est interrogée, le 19 septembre sur Franceinfo, la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, qui a classé sans suite la proposition, estimant que "donner à tous sans regarder les revenus ne [lui] paraît pas être la solution la plus efficace".
A défaut de réforme structurelle des bourses, le gouvernement prévoit donc d'augmenter le nombre de boursiers, grâce à "la révision des barèmes de revenus, qui conduira à réintégrer près de 35.000 boursiers qui n'étaient pas éligibles, et à reclasser 140.000 boursiers à un échelon supérieur, en tenant mieux compte de leur situation familiale".
Près d'un étudiant sur deux a déjà supprimé un repas à cause de l'inflation
S'agissant de la vie quotidienne, le gouvernement entend limiter les coûts de la restauration, avec le gel des tarifs sociaux à 3,30 euros et 1 euro. "Le repas à 1 euro, créé en 2020, est bien pérennisé. Il ne concerne pas que les boursiers, mais également tout étudiant précaire qui en fait la demande", rappelle-t-il dans sa communication.
L'annonce ne parait pas tout à fait à la hauteur de la gravité de la situation. Selon une enquête "Inflation et précarité : quelle réalité pour les étudiants en France" de l'Ifop pour l'association de distribution alimentaire Cop1, publiée mardi 12 septembre, près d'un étudiant sur deux (46%) a déjà supprimé un repas à cause de l'inflation. Cette étude éclaire crûment un phénomène d'appauvrissement d'une partie de la jeunesse : 36% des étudiants se privent régulièrement d'un repas par manque d'argent, ils sont 58% dans ce cas parmi les jeunes inscrits aux distributions alimentaires. Un quart des étudiantes, sont contraintes de renoncer au moins occasionnellement à l'achat de protections hygiéniques faute d’argent. L'étude met également en exergue des "difficultés importantes concernant les démarches administratives pour 53% des étudiants". "On peut s'interroger légitimement sur l'efficacité des politiques publiques mises en place pour endiguer ce fléau", alerte François Legrand, directeur d’études à l'Ifop en conclusion de l'étude.
Poursuite du plan de construction de logements étudiants
Concernant le logement, le gouvernement assure avoir fait un effort particulier qui se traduit par un "renfort de la communication sur les démarches et aides existantes (aide personnelle au logement, garantie Visale), par un nouveau gel des loyers en résidence Crous, ainsi que par la rénovation de 12.000 logements Crous d’ici la fin du quinquennat". Le gouvernement rappelle qu'il poursuit aussi "le plan de construction de logements étudiants, en lien avec les collectivités territoriales, notamment pour identifier du foncier disponible". "Une nouvelle feuille de route portée avec le ministère du Logement permettra la reprise de la trajectoire de construction nécessaire à l’atteinte de l’objectif des 60.000 nouveaux logements sur lesquels le président de la République s’est engagé", est-il précisé.
"Les 175.000 logements gérés par les Crous hébergent à peine 40% de leur public cible, les étudiants boursiers", regrette la Fédération des associations générales étudiantes (Fage). L'Union étudiante alerte sur le fait que le montant des loyers augmente partout, de 10% en moyenne pour un studio, avec une forte variation en fonction des villes : +34,4% à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), +6,45% à Dunkerque, +9,6% à Guyancourt (Yvelines) ou encore +14,7% à Saint-Denis de La Réunion, les outre-mer étant significativement touchés par cette hausse. Raison pour laquelle l'Union étudiante demande la mise en place d’un plan pluriannuel de création de logements étudiants et la construction en urgence d'au moins 150.000 logements universitaires.
Coût moyen de la rentrée : 3.000 euros
Globalement, le coût moyen de la rentrée atteint 3.000 euros, selon les calculs effectués par la Fage dans l'ensemble des régions, porté par la hausse des frais de loyers (+8,9%) et d’alimentation (+15,4 %). En face, l'aide au logement n’a progressé que de 1,6% et, en sus des frais d'inscription – dont le coût est gelé depuis trois ans –, la contribution à la vie étudiante, sorte de taxe payée par les étudiants à leur établissement, a progressé de 10 euros en cinq ans, pour atteindre 100 euros. Les charges des résidences Crous, quant à elles, ont grimpé de 3,5%.
"En gelant à nouveau les droits d’inscription, les loyers en résidences étudiantes, les tarifs de restauration et en revalorisant les bourses", "ces actions de justice sociale visent à agir en amont des difficultés de pouvoir d’achat", estime pour sa part le gouvernement avant de rappeler qu'il y consacre un demi-milliard d’euros supplémentaire par an.