Habitat - "Rénovons !", un scénario pour venir à bout des "passoires énergétiques"
Un collectif d'acteurs, parmi lesquels le Cler, la Fondation Abbé Pierre et le Réseau Action Climat à l'origine de l'initiative "Rénovons !" ont présenté le 21 février un scénario qui quantifie les coûts et les bénéfices de la rénovation de la totalité des passoires énergétiques dans les logements privés. Selon cette étude, seul un "grand plan" de rénovation, dans lequel l'État injecterait 36 milliards d'euros d'investissement public d'ici 2025, permettrait de rénover les 7,4 millions de logements concernés.
La France n'atteindra pas les objectifs de la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte sans un plan ambitieux de rénovation des logements les plus énergivores – ayant l'étiquette Energie F ou G -, constate le scénario publié mardi 21 février par l'initiative "Rénovons !", un collectif d'acteurs réunissant des associations sociales et environnementales - Fondation Abbé Pierre, Secours Catholique, CLER-Réseau pour la transition énergétique, Réseau Action Climat, Soliha - et la société Effy de conseil en efficacité énergétique.
Il existe actuellement 7,4 millions de "passoires énergétiques" parmi les résidences du parc résidentiel privé en France. Ces logements abritent 2,6 millions de ménages modestes, soit près de la moitié des 5,8 millions de ménages en situation de précarité énergétique, rappelle l'étude, réalisée par le cabinet Sia Partner pour l'initiative "Rénovons !". La loi pour la transition énergétique prévoit l'élimination de ces passoires énergétiques à l'horizon 2025, 500.000 rénovations "performantes" par an dès 2017, dont 130.000 concernant des logements du parc privé habités par des personnes modestes, et une baisse de la précarité énergétique de 15% à l'horizon 2020. Mais pour les auteurs de l'étude, si la rénovation énergétique se maintient à son rythme actuel - 288.000 rénovations performantes par an dont 54.000 concernant des passoires énergétiques – les objectifs de la loi seront loin d'être atteints en 2025, même en retenant les hypothèses les plus optimistes. A cette échéance, 500.000 passoires énergétiques auront été rénovées dans le parc de résidences principales privées et il en restera encore plus de 6,6 millions en ayant déduit les démolitions. De plus, "la précarité énergétique (…) n'aura baissé au mieux que de 5% en 2020" et pourrait même s'accentuer en cas d'augmentation du coût de l'énergie, note l'étude.
Jusqu'à 980.000 rénovations en 2021
Par opposition à un scénario tendanciel correspondant à la poursuite du rythme de rénovation actuel, les promoteurs de l'étude préconisent donc un plan de rénovation ambitieux, prenant en compte ses bénéfices aussi bien économiques qu'environnementaux, sociaux et sanitaires. Destiné aux propriétaires occupants mais également aux bailleurs, ce plan démarrerait en 2017 avec 500.000 rénovations – soit le niveau prévu par la loi – et ferait appel aux dispositifs de financement jugés les plus efficaces et les plus lisibles (subventions du programme Habiter mieux de l'Anah, crédit d'impôt transition énergétique, éco-prêt à taux zéro). Il monterait en charge progressivement chaque année pour culminer à 980.000 rénovations en 2021 avant de diminuer pour aboutir à l'intégralité de la rénovation des passoires énergétiques en 2025. Celles-ci auraient alors atteint au minimum l'étiquette Energie D, c'est-à-dire la moyenne de performance énergétique du parc actuellement.
80 milliards d'euros d'investissement
Le plan nécessite un investissement total de près de 80 milliards d'euros. Plus de la moitié viendrait du secteur privé - les travaux réalisés par les propriétaires occupants ou bailleurs - l'Etat apportant de son côté 4 milliards d'euros par an de 2017 à 2025, soit 36 milliards. Selon l'étude, cet investissement public sera "intégralement récupéré dès 2043" grâce aux recettes fiscales et aux économies générées par l'activité et l'amélioration du niveau de vie des ménages. L'Etat pourrait se voir assuré un bénéfice net de 1,06 euro pour chaque euro investi grâce aux recettes fiscales générées par les emplois nets créés et du fait des économies sur la santé.
Le plan permettrait aussi de réaliser 3,5 milliards d'euros d'économies annuelles sur la facture énergétique des ménages, soit 512 euros en moyenne par ménage et par an. Le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur résidentiel serait réduit de 12,5% à partir de 2026 et les économies annuelles d'énergie à partir de cette date (41 TWh) représenteraient 7,5% de la consommation du secteur résidentiel.
En outre, 126.000 emplois nets seraient créés sur la période 2017-2025 tandis que 758 millions d'euros seraient économisés par an, pour le système de soins, estime "Rénovons!", s'appuyant sur l'étude "L'impact de la précarité énergétique sur la santé" réalisée en 2013 par la Fondation Abbé Pierre.
Economies sur la facture d'énergie
Pour les ménages les plus modestes, le reste à charge, que l'étude juge "supportable" grâce aux aides publiques, n'est pas négligeable : 4.400 euros sur 21.000 euros de travaux, pour une famille avec deux enfants aux ressources inférieures à 16.500 euros annuels. C'est plus du quart des revenus annuels de ce ménage. Mais cette dépense est "compensée par l'économie sur les factures d'énergies au bout de 6 ans", afin de faire passer sa maison de 93 m² de la classe énergétique G à D.
Aujourd'hui, les conditions d'un plan massif de rénovation ne sont pas réunies, constate l'étude : les moyens financiers sont insuffisants, le tissu artisanal est sous-développé, la main-d'oeuvre n'est pas assez formée et le programme "Habiter Mieux" peine à monter en charge. A travers son scénario, le collectif d'acteurs interpelle donc les candidats à l'élection présidentielle pour que la question de la précarité énergétique figure dans les programmes et donne lieu à des engagements de long terme.