Rénovation du bâti scolaire : le Sénat allège la charge financière des collectivités
Le Sénat a adopté une proposition de loi autorisant les préfets à abaisser de 20% à 10% la participation minimale des collectivités dans le financement de la rénovation énergétique des écoles. Une mesure qui sera réservée aux communes et EPCI les plus en difficulté.
Le Sénat a adopté, jeudi 14 décembre 2023 en séance publique, à l'unanimité (340 voix pour sur 340 votants) la proposition de loi (PPL) tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires. Portée par Nadège Havet, sénatrice du Finistère, et Jean-Marie Mizzon, sénateur de la Moselle, cette PPL contient un article unique abaissant à 10% la participation minimale du maître d’ouvrage dans le financement des investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.
L'adoption de cette PPL ouvre donc une nouvelle dérogation à la règle de l'article L. 1111-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui impose un "reste à charge" minimal de 20% au maître d'ouvrage dans les financements apportés par des personnes publiques. En matière de rénovation énergétique des bâtiments scolaires, cette dérogation sera toutefois assortie de deux conditions. D'une part, seul le préfet de département pourra décider de recourir à cette dérogation. D'autre part, le préfet devra, pour ce faire, estimer que la participation minimale de rigueur de 20% du maître d'ouvrage est disproportionnée au vu de la capacité financière de ce dernier. Autrement dit, cette mesure n'ouvre pas un droit automatique et sera réservée aux collectivités les plus en difficulté financièrement.
"Défi d’une ampleur colossale"
Dans la présentation de son texte, Nadège Havet a rappelé que la rénovation énergétique des bâtiments scolaires était "un défi d’une ampleur colossale et d’une importance fondamentale, alors que deux communes sur trois disposent d’une école".
Car si le gouvernement s’est engagé à pérenniser le Fonds vert jusqu’en 2027, avec une enveloppe complémentaire de 500 millions d’euros dédiée au bâti scolaire pour 2024, si le Plan ruralité comporte un programme de soutien à l’ingénierie des communes rurales, et si 862 établissements bénéficiaient déjà en octobre d’un accompagnement dans le cadre du dispositif EduRénov porté par la Banque des Territoires et doté de 2 milliards d’euros, ce seraient quelque 40 milliards d’euros, selon les estimations actuelles, qui seraient nécessaires pour rénover 40.000 écoles d'ici à 2034
Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a d'ailleurs reconnu durant les débats qu'"un tel défi ne peut être réalisé sans l'État, les conseils régionaux et les conseils départementaux", et que pour certaines collectivités, "les 20% restant à charge peuvent être un frein insupportable et insurmontable". Cette PPL "répond complètement aux objectifs du gouvernement et serait de nature à faciliter les investissements nécessaires", a jugé la ministre avant d'émettre un avis favorable.
Non à une exonération totale
Deux amendements ont toutefois été présentés – et rejetés durant les débats. Le premier demandait au gouvernement de dresser un bilan des difficultés que rencontrent les collectivités territoriales dans l'accès aux dotations et subventions dont elles peuvent bénéficier en vue de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Stéphane Sautarel, rapporteur de la commission des finances du Sénat, a motivé son avis défavorable en rappelant que ce sujet avait déjà fait l'objet de plusieurs rapports.
Le second amendement était plus audacieux, puisqu'il proposait que le préfet puisse choisir d'exonérer totalement les collectivités de toute participation au financement d'un projet de rénovation thermique d'un bâtiment scolaire, dès lors que les coûts étaient disproportionnés au regard des moyens de la collectivité. "Dans la ruralité, une commune peut accueillir des élèves des communes alentour et n'aura pas la capacité d'assumer les 10% à sa charge", a plaidé Marie-Claude Varaillas, sénatrice de la Dordogne et auteure de l'amendement. Stéphane Sautarel a ici estimé que cette exonération totale "ouvrirait d'autres voies pour des investissements en lien avec la transition écologique et énergétique qui ne paraissent pas aller dans le sens de l'autonomie et la responsabilité des collectivités". "Si la collectivité n'avait pas les 10% [à sa charge], on pourrait s'inquiéter sur sa capacité à faire fonctionner l'école par la suite", a pour sa part pointé Dominique Faure.
Un troisième amendement visait à "supprimer un gage inutile" porté par l'État seul, alors que la PPL porte sur l'ensemble des financements apportés par les personnes publiques – conseils régionaux et départementaux pouvant participer au financement des rénovations. Il a été adopté.
Le gouvernement ayant déclaré la procédure accélérée sur ce texte, ses auteurs espèrent qu'il sera présenté rapidement à l'Assemblée nationale.