Archives

Agriculture - René Souchon : il faut "régionaliser une part de l'aide directe" de la PAC

La grande majorité des régions souhaite que la France opte pour la "régionalisation" de la part flexible des aides directes de la future politique agricole commune. René Souchon, président de l'Auvergne, président de la commission Agriculture de l'ARF, membre du Comité des régions d'Europe et à ce titre rapporteur sur la PAC, en est le porte-voix. Entretien.

Localtis : Réunie le 22 novembre à Clermont-Ferrand pour un séminaire sur la politique agricole commune, l'Association des régions de France s'est notamment prononcée en faveur de la régionalisation d'une partie des aides directes de la future PAC. Pourquoi portez-vous ce projet depuis longtemps ?

René Souchon : Nous poursuivons ce travail depuis 2008. Au départ, nous demandions la "territorialisation" du développement rural. Il nous paraît normal que les régions puissent gérer ces projets alors qu'elles les financent. Nous ne voulons pas être que des banquiers.
Aujourd'hui, nous voulons relancer le débat et profiter de l'opportunité de la publication, le 12 octobre dernier, des propositions de réforme de la PAC du commissaire Dacian Ciolos. Ce texte prévoit en effet que les aides directes soient nationales ou régionales, tout en laissant le choix à chaque Etat de choisir [voir encadré ci-dessous, NDLR]. La France devrait franchir le pas.

Quels seraient les avantages ?

Ils seraient considérables. Pour être compétitive, l'agriculture doit coller aux réalités et le niveau régional est le plus adapté pour répondre à ce défi. Il n'est pas possible de continuer comme ça, en laissant croire que l'agriculture française est uniforme. Au contraire, elle est multiple. Le jacobinisme français n'y changera rien. Si les spécificités de chaque région ne sont pas prises en compte, les territoires marginaux seront liquidés, comme les zones de montagnes. En 2003, l'Allemagne a fait ce choix et aujourd'hui, les agriculteurs allemands sont plus compétitifs que leurs homologues français.

Vous voudriez donc copier le modèle allemand ?

Nous proposons de régionaliser la partie flexible de l'aide directe. C'est-à-dire les marges de manœuvre qui concernent les aides conditionnées au verdissement ou réservées aux zones défavorisées, aux jeunes agriculteurs. Le reste continuerait à être identique pour tous les agriculteurs français.

Pensez-vous que les régions disposent de l'administration nécessaire pour gérer ces aides ?

Comme tout transfert d'une nouvelle compétence, celui-ci devra être accompagné du transfert de personnels nécessaire. Nous ne proposons pas d'exclure l'Etat de la gestion des aides directes. Nous souhaitons une gouvernance partenariale au sein de laquelle l'Etat est représenté aux côtés du conseil régional et des représentants des organisations professionnelles agricoles.

Celles-ci sont-elles favorables à un tel changement ?

Nous discutons avec elles. Au départ, elles ne l'étaient pas, mais tout doucement, elles évoluent. Elles craignent une distorsion de concurrence entre les agriculteurs des différentes régions. Mais nous pouvons relever qu'en Allemagne, la régionalisation des aides a permis l'inverse en favorisant la convergence entre agriculteurs.

Tout ce projet ne restera qu'un vœu pieux si l'Etat ne décide pas lui-même de renoncer à sa prérogative. Etes-vous optimiste ?

Lors de la réunion des représentants des régions de France le 22 novembre dernier à Clermont-Ferrand, le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, n'est pas venu. Il devait envoyer un membre de son administration, qui ne s'est pas déplacé non plus. Cette situation démontre bien le manque d'enthousiasme du ministère à discuter avec les régions. C'était plus facile quand Michel Barnier occupait le poste.

Propos recueillis par Jean-Sébastien Lefebvre / Euractiv.fr

Ce que dit la proposition de Bruxelles

Dans ses propositions de réforme de la PAC, présentées le 12 octobre dernier, la Commission européenne a envisagé deux options pour la gestion des aides directes : le niveau régional ou le niveau national. La liberté de choix a été laissée à chaque Etat, dont la décision devra être prise d'ici la mi-2013. L'article 20 de la proposition de règlement "établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune" le prévoit en ces termes : "Les Etats membres peuvent décider, avant le 1er août 2013, d'appliquer le régime de paiement de base au niveau régional. Dans ce cas, ils définissent les régions selon des critères objectifs et non discriminatoires, tels que leurs caractéristiques agronomiques et économiques et leur potentiel agricole régional ou leur structure institutionnelle ou administrative." Quelle que soit la décision prise, après une période transitoire, au 1er janvier 2019, le montant des aides au sein d'un même ensemble - région ou Etat - devra être basé sur une valeur unitaire uniforme.