Relance : le ministère de la Transition écologique dévoile son plan d’actions territorialisé
Les modalités de la mise en œuvre territorialisée du plan de relance se précisent progressivement. L'un des derniers et pas des moindres à publier son modus operandi est le ministère de la Transition écologique qui vient de se plier à l'exercice à travers une instruction mise en ligne ce 25 janvier.
Un tiers du plan de relance présenté le 3 septembre dernier, soit 30 milliards d'euros, sera consacré à la transition écologique. C’est dire si les lignes directrices pour la mise en œuvre territorialisée des mesures portées par ce ministère étaient attendues. Elles viennent d’être dévoilées via une instruction adressée aux préfets de région et de département, rendue publique ce 25 janvier, et dont les annexes, d’une centaine de pages, contiennent un recueil exhaustif de l’ensemble des actions concernées et de leurs circuits financiers. On connaît la musique entonnée depuis début septembre : "Leur mise en œuvre au plus près des territoires, de façon partenariale entre l’État, les collectivités territoriales et les acteurs locaux, sera un gage d’adaptabilité et d’efficacité", rappelle l’instruction. La démarche de territorialisation entre désormais dans sa phase de concrétisation.
Déclinaison dans les CPER
Tout d’abord à travers les accords de relance passés avec les régions. Les annexes financières aux mandats de négociation des contrats de plan État-Région (CPER) 2021-2027 - ou les contrats de convergence et de transformation (CCT) en outre-mer - fournissent une première idée des enveloppes par région. Elles sont purement "indicatives", insiste cependant l’instruction, qui n’exclut pas un redéploiement "entre les régions et entre les thématiques en fonction du rythme de consommation des crédits et des priorités identifiées par le gouvernement".
L’État s’est en particulier engagé - à titre compensatoire - à verser aux régions une enveloppe de 600 millions d'euros de crédits d’investissements sur des opérations liées au plan de relance à valoriser dans les CPER et les CCT. Avec des priorités stratégiques : 100 millions d’euros pour l’accompagnement de projets de transports collectifs locaux propres ; 200 millions pour le développement de la pratique de mobilités actives (emplacements de stationnements sécurisés pour le vélo en gares, prêt vélo à des collégiens ou lycéens, aménagements cyclables etc.) ; 300 millions d’euros pour l’engagement d’un plan massif de rénovation énergétique des bâtiments publics des régions. Et tous les moyens sont bons, y compris en synergie avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) "qui peuvent assurer un financement direct de l’État sur les dispositifs qui seront définis". Des appels à projets nationaux "hors relance", comme le quatrième appel à projets relatif au transport collectif en site propre porté par l’Afitf seront également mobilisés. Des contrats au niveau "infrarégional", sous forme d’avenants à des contrats existants ou de nouveaux contrats de relance et de transition écologique (CRTE), apporteront eux aussi leur pierre à l’édifice. Sur ce pan, le Premier ministre a déjà donné les instructions aux préfets, le 20 novembre, pour qu’ils engagent la formalisation des futurs contrats.
Trouver de la cohérence
Un vrai défi, puisque globalement, ces projets et actions contractualisés devront constituer "un ensemble cohérent" pour mettre en mouvement la "communauté des territoires en transition". L’instruction insiste notamment sur l’articulation des CRTE avec les autres documents stratégiques ou opérationnels des collectivités : schémas de cohérence territoriale (Scot), plans locaux d’urbanisme (PLU), plans climat-air- énergie territoriaux (PCAET), programmes locaux de l’habitat (PLH), conventions ANRU…Les collectivités pourront compter sur l’expertise du Cerema pour toutes celles qui sollicitent des besoins en ingénierie territoriale. L’Ademe sera également sur tous les fronts sur ce volet transition écologique, en particulier à travers la commission régionale des aides (CRA), et autres comités de suivi. Une comitologie "resserrée" qui pourra aussi associer les représentants de la Région, afin de traduire l’accord de partenariat pour la relance signé le 28 septembre. Les listes de lauréats de ces appels à projets nationaux et régionalisés et les projets financés par l’Ademe seront transmises aux préfets de département sur leur périmètre. En revanche, il n’est pas prévu de co-signature par les préfets des notifications des aides accordées par l’Ademe dans le cadre du plan France relance. Et un simple état récapitulatif mensuel des aides apportées, après engagement, sur certains dispositifs destinés aux TPE-PME (tourisme durable ou entreprises engagées pour la transition écologique - EETE) sera fourni pour répondre "au besoin d’agir rapidement".
Rénovation des bâtiments tous azimuts
Parmi les secteurs mis en avant, la rénovation du parc existant figure en bonne place. Pour les bâtiments publics, c’est une enveloppe de 4 milliards d’euros qui est prévue, dont 300 millions d’euros par dotation d’investissement régionale et 950 pour les bâtiments du bloc local et des départements. L'instruction interministérielle dédiée au volet rénovation énergétique du parc des collectivités dévoilée le 4 décembre a précisé les modalités de ce chantier colossal. Pour les particuliers et copropriétés, les crédits supplémentaires programmés, soit 1,75 milliard d'euros suivront les circuits budgétaires déjà existants pour le dispositif MaPrimeRénov. Un effort de 500 millions d’euros (dont 460 entièrement déconcentrés) est également prévu pour les logements sociaux avec pour cible les passoires thermiques (notamment les opérations de restructurations lourdes couplées à une rénovation thermique), sous la responsabilité des services instructeurs locaux (directions départementales ou collectivités délégataires des aides à la pierre). Sur le volet social, un soutien exceptionnel de 100 millions d’euros est également prévu pour la réhabilitation d’infrastructures vétustes ou inadaptées (aires d’accueil des gens du voyage, accueils de jour, foyers de travailleurs migrants, modulaires en logement locatif social etc.).
Pour s’inscrire dans la feuille de route Zéro artificialisation nette, la relance donne la priorité aux gisements de foncier déjà artificialisés et locaux vacants à partir de deux dispositifs de soutien exceptionnels. Une aide à la relance de la construction durable, dotée de 350 millions d’euros, fléchée vers les maires développant des programmes de logements denses autorisés à la construction de septembre 2020 à août 2022 pour "contribuer au financement des équipements, espaces publics et aménités urbaines nécessaires pour rendre la ville désirable". Un fonds de 300 millions d’euros consacré à la réhabilitation des friches, avec en très grande majorité des projets instruits sous la responsabilité des préfets de région, en lien avec les régions, dans le cadre du CPER. Les fonds alloués à la relance pour les plans Initiative copropriétés (PIC), Action cœur de ville (ACV), et Petites Villes de demain (PVD), à hauteur de 250 millions d’euros suivront les procédures en place.
Enfin, l’instruction s’attarde également sur la finalisation du troisième volet du plan Séismes Antilles (2021-2027). Un montant de 50 millions d’euros est prévu en soutien de la résilience des territoires antillais. L’identification "rapide" des bâtiments concernés pour la mise en sécurité des personnes doit servir de levier pour l'ambition globale du nouveau volet de ce plan.
Eau, biodiversité, aires protégées
La diversité des projets en la matière couplée à la nécessité de leur lancement rapide ont conduit à la territorialisation de l’ensemble des mesures du plan de relance sur ces thématiques. Au total, les préfets disposent de 51 millions d’euros répartis entre trois mesures : restauration écologique (26 millions) ; aires protégées (22 millions) ; eau en outre-mer (3 millions). Sur ce dernier aspect, il s’agit d’accompagner les collectivités, notamment en assistance à maîtrise d’ouvrage pour sécuriser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales en outre-mer, en utilisant une enveloppe dédiée de 3 millions d’euros. Les projets d’investissement doivent être proposés "dans les meilleurs délais" au conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité (OFB) chargé de mettre en œuvre le plus rapidement possible l’enveloppe d’investissement de 47 millions d'euros pour cette mesure.
De nombreux allers-retours avec les opérateurs chargés de la mise en œuvre des crédits de ces thématiques (OFB, agences de l’eau, parcs nationaux, Conservatoire du littoral) seront indispensables pour permettre aux préfets d’avoir "une vue d’ensemble" sur les projets retenus.
Mobilités et transports
L’enveloppe de 11,5 milliards d'euros dédiée aux mobilités et transports reste en partie pilotée au niveau national. L’État propose néanmoins aux collectivités territoriales des possibilités de partenariat avec l’Agence de service et paiement (ASP) pour mettre en place un guichet unique de distribution des aides (de l’État et des collectivités) au bénéfice des populations concernées par les zones à faibles émissions (ZFE). Et près de 2,5 milliards d’euros seront gérés avec les acteurs territoriaux. La très grande majorité se fera soit par délégation locale, soit directement auprès des maîtres d’ouvrage concernés et à partir de fonds de concours de l’Afitf. Cela permettra par exemple l’accélération de l’exécution des CPER 2015-2020 prolongés à 2022 pour le volet ferroviaire, et spécifiquement des programmes d’intervention sur les petites lignes de desserte fine des territoires (300 millions d’euros). Idem pour le volet routier, portuaire comme pour celui relatif aux transports en commun franciliens avec là encore l’accélération, voire le renforcement, des CPER 2015-2020 prolongés à 2022. L’autre strate, les 300 millions de dotation d’investissement régionale "sont en principe pré-fléchés sur le périmètre des mobilités", rappelle l’instruction. Enfin, des financements seront directement opérés par des opérateurs de l’État : Voies navigables de France (VNF) et SNCF Réseau. Au travers de ses dotations France relance, ce dernier assurera sa part de cofinancement sur les programmes de petites lignes. Des montants qui pourront être "valorisés" dans les échanges avec les régions sur les CPER, souligne innocemment l’instruction...
Économie circulaire et circuits courts
L’enveloppe de 500 millions d’euros qui y est consacrée sera largement territorialisée à travers le fonds économie circulaire de l’Ademe dans le cadre des circuits financiers et pilotage habituels.
Des appels à projets contribueront notamment à sortir du plastique (solutions de substitution et d’emballages ré-employables) et à accélérer le développement des acteurs de la réparation d’objets et de leur réemploi sur le territoire. Ces appels à projets devront en outre accompagner les collectivités pour moderniser les centres de tri et mieux déployer le tri sélectif, le tri à la source, la collecte et la valorisation des biodéchets.
Chaleur renouvelable, hydrogène, électrification rurale
Le soutien aux actions d’efficacité énergétique des TPE/PME et de décarbonation de l’industrie, mobilise 1,3 milliard d’euros. Des appels à projets ont d’ores et déjà été lancés par l’Ademe pour soutenir des projets de développement de la chaleur renouvelable et de récupération, d’efficacité énergétique ou s’inscrivant dans la filière prometteuse de l’hydrogène et ses usages telle que la mobilité lourde (camions, bennes à ordures, bus…). La recherche de cofinancements avec les régions "pourra être recherchée", indique l’instruction, qui mentionne par ailleurs côté européen les nouveaux dispositifs de soutien à la production d’hydrogène décarboné qui se mettront en place fin 2021- début 2022 après leur validation par la Commission européenne. Elle signale également l’enveloppe globale de 50 millions d’euros en soutien au renforcement et à la modernisation des réseaux électriques, en complément du dispositif du FACE (fonds d’aide à l’électrification rurale). Un recensement des projets des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) a d'ailleurs été lancé début octobre.