Plan de relance : 16 milliards d'euros prêts à "descendre" dans les territoires
Seize milliards d'euros, sur les 100 que compte le plan de relance, pourraient rapidement "descendre" dans les territoires. Lors du Salon des maires, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a donné le 25 novembre 2020 des précisions sur la territorialisation du plan de relance et sur le nouveau contrat de relance et de transition écologique (CRTE) qui en sera le vecteur. Dans une circulaire, le Premier ministre détaille le contenu de ce nouveau contrat unique.
"Tout l'enjeu c'est que les territoires profitent de ce plan de relance de 100 milliards d'euros, dont 40% vient de l'Europe. Nous avons évalué que dans un premier temps il était possible très rapidement de 'descendre' sur les territoires environ 16 milliards d'euros. Ce qui n'est pas rien comme apport sur les territoires, en plus des financements traditionnels." Lors d'une table-ronde organisée le 25 novembre 2020 dans le cadre du Salon des maires, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a mis en avant le "travail commun" réalisé par l'Etat etles collectivités territoriales pour faire face aux conséquences économiques de l'épidémie de coronavirus. Au cœur de cette collaboration, le couple préfet-maire, dont la ministre a souligné l'importance. "Ce n'est pas qu'une expression, c'est une réalité sur les territoires, les élus dans les départements sont très attachés à leur préfet de département", a-t-elle insisté, mentionnant la quatrième enquête de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. D'après cette enquête menée auprès de plus de 4.700 élus, parmi les deux institutions fortement impliquées au plan local, les préfectures bénéficient d'un satisfecit de la part des maires : ils sont 66% à estimer que leur relation de travail a été efficace. Oui mais ils sont 48% à estimer n'avoir pas été suffisamment associés à la gestion de la crise sanitaire (voir notre article).
Le CRTE, "un nouveau vecteur de dialogue entre l'État et les collectivités"
Pour faciliter les relations entre l'État et les collectivités, au-delà de la mise en place de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), le gouvernement compte sur les nouveaux contrats de relance et de transition écologique (CRTE). "Cela va être un nouveau vecteur de dialogue entre l'État et les collectivités porteuses", a signalé Yves Le Breton, directeur général de l'ANCT. Selon une circulaire du Premier ministre du 20 novembre, tous les territoires devront être couverts par un contrat de ce type d'ici le 30 juin 2021. Objectif : simplifier et unifier les dispositifs de contractualisation existants avec les collectivités, une demande de longue date de l'Assemblée des communautés de France (voir encadré ci-dessous). "Les CRTE vont d'abord rassembler en un contrat beaucoup de politiques importantes qui n'étaient pas dans un ensemble, a détaillé Jacqueline Gourault, ils vont permettre d'avoir une vision globale de tout ce qui est contractualisé entre l'État et les collectivités territoriales."
Simplifier le paysage et développer la transition écologique
Pour Yves Le Breton, ce contrat "simplifie le paysage et permettra de diffuser, y compris dans les territoires ruraux, cette culture de la transition écologique en appuyant les collectivités locales avec de l'ingénierie. L'ANCT aura la fonction de trouver cette expertise technique nécessaire au profit des projets des collectivités". Dans ce domaine, l'ANCT est d'ailleurs en train de se doter d'un marché supplémentaire lui permettant d'avoir recours à l'ingénierie privée, afin de pouvoir faire du "cousu-main" au profit des collectivités, notamment les plus petites. Elle a ainsi publié le 20 mars un appel à candidatures dans ce sens.
Consciente que le plan de relance ne permettra pas de combler la baisse des effectifs des agents de l'État dans les territoires, la ministre a valorisé les efforts du gouvernement en la matière. "Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous essayons de remettre des fonctionnaires sur le territoire, c'est le cas pour la gendarmerie et la police, avec 10.000 emplois supplémentaires, a souligné Jacqueline Gourault. Pour les écoles, il n'y aura aucune fermeture sans l'accord d'un maire." Quant aux trésoreries, la ministre a rappelé le déploiement des maisons France Services, avec l'objectif d'avoir au moins une maison de ce type par canton. Ces structures pouvant intégrer un interlocuteur du Trésor public, "cela permet d'avoir un représentant au plus près des citoyens et sur un temps plus long que l'ouverture de certaines trésoreries", a-t-elle insisté.
Des stations ouvertes sans remontée mécanique
Les situations spécifiques de certains territoires (montagne, rural, banlieues) ont été mise en avant. Côté montagne, "les grandes stations ont fait savoir que les vacances de Noël représentaient 20% de leur chiffre d'affaires et qu'elles préfèrent faire un effort en décembre pour sauvegarder les vacances de février", a fait savoir la ministre. Finalement, d'après les déclarations de Jean Castex du 26 novembre, les stations de ski vont pouvoir ouvrir à Noël, mais sans remontées, ni équipements collectifs, ni cafés-restaurants (voir notre article du jour)… Des dispositions qui ont provoqué le désarroi des acteurs du tourisme d'attitude.
Pour les territoires ruraux plus globalement, la ministre a mis en avant les dispositions, comme la rénovation thermique, mises en place dans le cadre du plan de relance, mais aussi les décisions prises au niveau national qui descendent sur les territoires. "Par exemple, quand on baisse les impôts de production pour sauver les entreprises, cela a un effet car elles sont partout sur le territoire, a expliqué Jacqueline Gourault. 70% des industries françaises sont en territoire rural, comme dans les départements du Maine-et-Loire ou de la Vendée." Au total, 5 milliards d'euros du plan de relance devraient directement profiter aux communes rurales, sans compter la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), qui a été resserrée sur les collectivités les plus rurales, et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), qui peut être cumulée avec la DETR.
"Tout comme les territoires ruraux, les quartiers prioritaires doivent être accompagnés"
Enfin, la question des banlieues a été abordée alors que, le 13 novembre, 110 maires de quartiers prioritaires publiaient une tribune pour demander que 1% du plan de relance, soit un milliard d'euros, soit leur consacré. Un "1% solidarité" acté par le Premier ministre le 23 novembre (voir notre article). "Un certain nombre de maires ont fait part de leurs inquiétudes concernant les conditions de mise en œuvre du plan de relance et ont réclamé d'avoir toute leur place, a insisté Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL). Tout comme Jacqueline Gourault, il a insisté sur le fait qu'ils bénéficieront bien d'un "certain nombre de mesures, dont deux, l'une sur le volet cohésion, avec tous les dispositifs autour du plan '1 jeune 1 solution, et l'autre sur le volet du soutien financier à des opérations au titre de la rénovation thermique". "Tout comme les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés, les quartiers prioritaires de la politique de la ville doivent être accompagnés et bénéficier de ces crédits à la hauteur de leur population", a-t-il ajouté. De plus, dans le cadre des crédits de la politique de la ville, qui augmentent de 10%, un soutien financier spécifique aux entrepreneurs est prévu (voir notre article), en plus des dispositifs mis en œuvre dans le cadre du fonds national de solidarité. "Il ne faut pas que le réseau économique présent dans ces territoires disparaisse pendant cette période de grande crise", a souligné Stanislas Bourron, mentionnant enfin l'augmentation du nombre d'adultes relais (1.500 en plus en 2021) responsables de la médiation dans les quartiers, et le soutien aux structures associatives pour accompagner les familles et les plus jeunes sur les questions éducatives et d'enseignement, notamment dans les phases de confinement.
La relance : point de départ de la nouvelle politique contractuelle de l'État
C’est le deuxième étage de la fusée : après les accords régionaux de relance dont la signature doit avoir lieu d’ici la fin de l’année, le Premier ministre a donné les instructions aux préfets, le 20 novembre, pour qu’ils engagent "dès à présent" la formalisation des futurs contrats de relance et de transition écologique (CRTE). "Le gouvernement poursuit, au travers de ces nouveaux contrats, l'ambition de simplifier et d'unifier les dispositifs de contractualisation existants avec les collectivités", souligne le Premier ministre, dans sa circulaire.
La territorialisation de la relance va ainsi permettre au gouvernement de mettre en œuvre le contrat unique ou "contrat de cohésion territoriale" promis depuis la loi du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires. A la pléthore de contrats existants jusqu’ici, le chef du gouvernement entend en effet substituer une nouvelle architecture fondée exclusivement sur deux niveaux : les contrats de plan État-région (CPER) – ou les contrats de convergence et de transformation (CCT) en outre-mer – et ces CRTE.
Ces derniers seront ainsi un "vecteur de la relance 2021-2022" mais "il s'agit aussi, dans la durée du mandat municipal 2020-2026, d'accompagner les collectivités dans leur projet de territoire, vers un nouveau modèle de développement, résilient sur le plan écologique, productif et sanitaire". Le Premier ministre attend enfin de ces contrats qu’ils illustrent "l'approche différenciée et simplifiée de la décentralisation".
Les CRTE vont intégrer les programmes d’appui du gouvernement (Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services, France Très Haut Débit, France mobilités) ou valoriser d’autres programmes tels que les Territoires d’industrie, l’Agenda rural, les ORT (opérations de revitalisation du territoire), les plans climats...
Le périmètre des futurs CRTE "ne peut être inférieur à la maille intercommunale, ni supérieur à la maille départementale", précise la circulaire. Ces périmètres devront être fixés "avant le 15 janvier 2021" en concertation avec les élus, les contrats eux-mêmes devant être signés d’ici le 30 juin 2021.
Dans un communiqué du 26 novembre, l’Assemblée des communautés de France (ADCF) s’est félicitée de "l’ambition et de la méthode" de ces contrats. Les CRTE doivent, selon elle, "permettre de réduire la prolifération des appels à projets nationaux et la mise en concurrence des territoires". "Ce n’est pas d’un contrat de plus dont nous avons besoin, mais d’une contractualisation plus globale, pluriannuelle, appuyée sur nos projets de territoire", a salué le président de l’ADCF, Sébastien Martin, dans le communiqué.
Michel Tendil / Localtis