Congrès des régions - Territorialisation de la relance : attention à ne pas "recréer un jacobinisme régional"
Le 16e Congrès de Régions de France a constitué une nouvelle occasion de souligner la nécessité d'une "réponse territorialisée" à la crise du covid aux impacts "profondément territoriaux". Reste à traduire ce discours partagé en actes concrets, en renforçant singulièrement la lisibilité, l'accès et la gestion des différents dispositifs.
La relance sera territoriale ou ne sera pas. Telle est en substance la conclusion partagée par les intervenants de la table ronde consacrée au "pouvoir des régions dans la relance" réunis dans le cadre du 16e Congrès de Régions de France. On n'attendait évidemment pas opinion différente, ni de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, qui a plaidé pour "davantage de souplesse et de régionalisation" du plan de relance, ni du président du Comité européen des régions (CdR), Apostolos Tzitzikostas, qui a souligné que des régions dépendaient de "la moitié des investissements publics et un tiers des dépenses publiques" dans l'Union européenne. De même de Lamia Kamal-Chaoui, directrice du centre de l'OCDE pour l'entreprenariat, les PME, les régions et les villes, qui a retracé les enseignements de la crise tirés à l'occasion de la publication du premier baromètre régional et local du CdR : "une forte dimension territoriale de la crise" d'une part, une "dimension territoriale [du plan de relance européen] qui reste insuffisante" d'autre part, notamment pour enrayer les risques d'une aggravation des inégalités territoriales. Des intervenants qui ont donc reçu l'assentiment du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, mais aussi du secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Clément Beaune. "Il n'y aura pas de relance sans travail avec les régions, c'est évident. Pour que cela marche, il faut que ce soit territorialisé", a déclaré ce dernier sans ambages, préparant le terrain du Premier ministre qui devait conclure cette journée (voir notre article de ce jour).
"Le sujet du jour, ce n’est pas la relance, mais la survie"
Nécessaire au succès, cette stratégie partagée – au moins dans les discours – n'en reste pas moins insuffisante. "Parler de relance est aujourd’hui inaudible par une partie de l’économie", a d'abord alerté Geoffroy Roux de Bézieux, faisant valoir que pour de nombreux secteurs – l’événementiel, la culture, le sport… –, "le sujet du jour, ce n’est pas la relance, mais la survie". Évoquant ensuite le plan de relance, le "patron des patrons" a également mis en évidence trois impératifs : le versement rapide des aides aux entreprises ; ne pas se focaliser sur les grandes technologies (l'hydrogène), pour lesquelles "les barrières à l'entrée sont fortes", au détriment des "petites innovations incrémentales de l'écologie du quotidien" ; veiller à ce que les PME puissent bénéficier des dispositifs à due proportion de leur poids dans l'économie, notamment en prenant garde à ne pas "les décourager par des cahiers des charges trop prescriptifs". Et le patron du Medef de mettre en garde contre les "demandes de contreparties qui fleurissent au Parlement et dans les régions" : "Demander à quelqu'un qui est en train de se noyer de choisir la couleur de sa bouée est un peu absurde", a-t-il relevé.
Simplification de "circuits affreusement compliqués"
Sans surprise, la question des procédures a été au centre des débats. Évoquant les presque 5 milliards d'aides européennes directement destinées aux régions françaises (près de 4 milliards d'euros dans le cadre de React-EU et un milliard du fonds de transition juste, qui ne concernera toutefois "qu'une région sur deux"), Clément Beaune a affirmé l'importance de saisir cette occasion pour "réinventer des circuits affreusement compliqués". Citant les conclusions à venir "dans les prochaines semaines" de l'audit de la gestion des fonds européens lancé par Amélie de Montchalin, le secrétaire d'État s'est en revanche clairement démarqué de la démarche de son prédécesseur, qui avait heurté Régions de France. Il a ainsi pris grand soin de ne mentionner que la responsabilité de l'État ou de l'Union européenne en la matière et de faire profil bas : "Je ne vais pas vous faire le coup du 'Je vais vous expliquer comment ça doit marcher'" ; "Vous connaissez la question mieux que moi" ; "Vous ne m'avez pas attendu pour y réfléchir".
Au-delà, si Clément Beaune a réfuté toute "naïveté de croire à un grand soir de la simplification", il estime que des progrès sont possibles, évoquant singulièrement les programmes Leader, qui ont il est vrai particulièrement souffert lors de la dernière programmation (v. notre article), ou encore le fonctionnement de la Commission interministérielle de coordination des contrôles, dont il espère que le renforcement des effectifs ne se traduira pas par "un contrôle tatillon supplémentaire" mais davantage de conseil. Un secrétaire d'État qui a en outre souligné que personne, y compris Bercy, n'avait intérêt à ralentir la procédure – "les fonds européens au titre de la relance doivent être impérativement engagés dans les trois ans", sous peine d'être perdus – en réponse aux craintes formulées par Carole Delga d'une renationalisation de la gestion de cette politique qui serait souhaitée par le ministère des Finances "afin que l'argent ne soit pas dépensé".
Carnet de commandes vs dossier administratif
Pour qu'il le soit, le premier "enjeu est de faire connaître les aides", a encore averti la présidente de la région Occitanie, en soulignant que les TPE/PME ne savent souvent pas à qui s'adresser. Évoquant la question de la rénovation énergétique, l'élue s'est notamment prononcée en faveur d'un guichet unique : "Il faut s'extraire des questions de logo et de qui fait quoi" (au rebours d'un récent décret), a-t-elle exhorté, en ajoutant que "les TPE/PME cherchent à savoir comment on remplit un carnet de commandes, pas un dossier administratif". Dénonçant elle aussi des "entreprises perdues" – et plus généralement, en ouverture du congrès, un "enfer bureaucratique"– Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, plaide pour sa part pour que l'intégralité des aides aux entreprises soient déléguées aux régions. Le tout en se gardant "de recréer un jacobinisme à l'échelle régionale", comme l'a rappelé Carole Delga, préoccupation partagée il y a peu par le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, à l'occasion d'une réunion de concertation avec les élus sur le contenu du projet de loi "3D" (v. notre article).