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Habitat - Relance du logement par la fiscalité du foncier : les pistes se précisent

Lors de son audition par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, le 26 avril, puis par celle des finances, le 2 mai, Benoist Apparu a apporté plusieurs précisions sur la réforme de la taxation des plus values sur le foncier non-bâti. L'audition du secrétaire d'Etat chargé du Logement était consacrée à l'urbanisme de projet et au plan logement en Ile-de-France, dans le cadre du Grand Paris (sur ce point, voir notre article ci-contre du 10 mai 2011). Mais l'intervention du ministre et les échanges avec les membres de la commission sont allées bien au-delà. Le projet de réforme de la fiscalité foncière remonte à l'été dernier, lors de la présentation du nouveau dispositif des aides à l'accession à la propriété. Christine Lagarde avait alors pris tout le monde de court en annonçant qu'elle travaillait aussi à d'autres mesures fiscales pour fluidifier le marché de l'immobilier (voir notre article ci-contre du 4 août 2010). L'idée a également cheminé au sein de l'un des quatre groupes de travail mis en place par Benoist Apparu, en juin dernier, pour réfléchir à la démarche d'urbanisme de projet (voir nos articles ci-contre du 17 mars et du 10 mai 2011).

Remettre les terrains constructibles sur le marché

L'objectif fixé à la réforme de la fiscalité foncière par le secrétaire d'Etat chargé du Logement est clair : "Nous voulons qu'elle incite davantage à mettre du foncier non-bâti sur le marché de la construction." Pour cela, il s'agit de corriger des mécanismes fiscaux qui favorisent au contraire la détention prolongée de ces terrains. Pour le secrétaire d'Etat au Logement, "l'abattement fiscal sur la plus-value foncière est d'autant plus avantageux que la durée de conservation du bien est longue, ce qui revient à défiscaliser la spéculation puisqu'il suffit d'attendre suffisamment de temps que son bien augmente pour voir sa plus-value échapper à l'impôt". Aujourd'hui, la taxation est maximale sur les cinq premières années de détention du bien, puis fait l'objet d'un abattement de 10% par année supplémentaire de détention. Au bout de quinze ans, la plus-value se trouve ainsi totalement exonérée.
A défaut d'inverser la tendance, l'objectif est de faire au moins en sorte que "la fiscalité devienne neutre dans le temps". Le taux d'imposition des plus-values immobilières pourrait ainsi être fixé à 19% (auquel s'ajouteront 12,3% de prélèvements sociaux) - autrement dit sa valeur actuelle sur les cinq premières années - quelle que soit la durée de conservation.

La neutralité fiscale plutôt que la progressivité

Une telle mesure est moins radicale que les premières pistes envisagées, qui tablaient plutôt sur une fiscalité progressive - au moins dans les zones tendues en matière de logement -, qui aurait été nettement plus favorable à une remise sur le marché des terrains "gelés". Mais Benoist Apparu a expliqué qu'une telle disposition serait trop pénalisante pour les personnes qui ne parviennent pas à vendre un terrain. Il n'a toutefois pas fermé complètement la porte, en indiquant que "la discussion demeure ouverte sur les zones tendues". Même avec des ambitions plus réduites qu'attendues à l'origine, la mesure envisagée se traduirait toutefois par des rentrées fiscales supplémentaires de l'ordre de 600 millions d'euros par an. Une partie de ce surcroît de recettes pourrait venir financer les actions en faveur du développement du logement en Ile-de-France.
Mais la réforme envisagée devrait dépasser les seuls mécanismes fiscaux. Benoist Apparu a en effet indiqué que le gouvernement souhaite "également engager en priorité la révision en valeur des terrains non-bâtis", comme cela a déjà été engagé pour l'urbanisme commercial. Il est conscient du "caractère délicat" de cette révision, "mais on ne peut attendre qu'elle ait eu lieu pour s'attaquer au foncier non-bâti". Autre piste de réforme évoquée devant la commission des finances : "rationaliser et homogénéiser le partage de la plus-value lors de la vente de foncier". Il s'agirait en l'occurrence d'harmoniser les différents outils existants - y compris ceux prévus par la loi relative au Grand Paris - pour améliorer le "partage de la plus-value" lorsqu'un terrain devient constructible et voit ainsi sa valeur augmenter fortement au seul profit de son propriétaire. Une situation que Benoist Apparu a résumée d'une phrase imagée, en évoquant la nature de cette plus-value : "C'est le choix des élus locaux qui la détermine, mais c'est le propriétaire privé qui l'empoche !"