Réindustrialisation : Laurent Guillot prône la stabilité réglementaire et fiscale pour favoriser les implantations

Alors que les travaux de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de simplification de la vie économique ne reprendront que le 29 avril 2025, la commission d’enquête sur les freins à la réindustrialisation de la France a auditionné le 15 avril Laurent Guillot, directeur général du Groupe Emeis (ex-Orpea). Il est l’auteur du rapport "Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France", remis au gouvernement en mars 2022.

"La certitude, les compétences et les coûts" sont les trois pans de "la philosophie" qu’un groupe industriel doit avoir en tête lorsqu’il cherche à s’implanter sur un territoire selon Laurent Guillot, directeur général du Groupe Emeis (ex-Orpea), qui était auditionné ce 15 avril 2025 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France. Un sujet qu'il connaît bien puisque Laurent Guillot est l’auteur du rapport "Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France" remis au gouvernement en mars 2022 (voir notre article). Certaines de ses préconisations, comme la nomination d’un sous-préfet à l’investissement dans chaque région, ont été reprises alors dans le cadre du plan de résilience économique et sociale mis en œuvre dans le contexte de la guerre en Ukraine. 

Lorsqu’une entreprise industrielle envisage de s’implanter quelque part, elle veut être certaine de ne pas se tromper. "Une implantation industrielle dure plusieurs années, voire des décennies. La localisation exige une décision bien pensée", remarque Laurent Guillot. L’industriel a besoin d’une stabilité réglementaire et fiscale et d’une simplification des procédures. Tout le contraire du climat engendré par la valse-hésitation de l’administration américaine sur les tarifs douaniers… 

Trois critères à cumuler

Les compétences disponibles sur le territoire ou dans un pays constituent un autre critère fondamental de la décision. Pourra-t-on s’implanter à côté d’un centre de recherche, d’universités, de lycées professionnels ; disposera-t-on de compétences numériques et d’experts en intelligence artificielle ? Le troisième critère déterminant est celui des coûts (travail, énergie, fiscalité…). "Si l’on prend ces trois critères et qu’on les cumule, on a le cœur de cible de ce qu’il faut aider de manière massive au lieu de prendre des mesures générales moins efficaces", selon le DG du Groupe Emeis.

Laurent Guillot s’est attaché à élaborer son rapport sur la base d’une approche "très concrète, quantitative et comparative". "Je voulais avoir des données chiffrées opposables en termes de délais réels d’implantation et prendre des exemples étrangers pour pouvoir comparer la France à ses voisins", dit-il. Cette démarche a permis de constater qu’avec la même réglementation européenne, les délais d’installation en France et en Allemagne, par exemple, sont différents. "En France, on a des délais réels deux fois plus importants que nos délais théoriques ; ils sont donc deux fois plus importants que les délais réels d’implantation en Allemagne et trois fois plus qu’en Pologne : 9 mois en Allemagne, 5 ou 6 mois en Pologne et 17 mois en France." Ces écarts ne s’expliquent pas principalement par des obligations législatives ou réglementaires mais par l’application de ces textes. "J’ai vu des fonctionnaires de bon niveau, engagés, qui défendent l’intérêt public mais qui sont confrontés à des instructions contradictoires sur lesquelles on leur demande d’arbitrer sur le terrain, ce qui est extrêmement difficile", indique Laurent Guillot. 

Dans son rapport, il invitait les administrations en lien avec l’industrialisation à fonctionner avec des indicateurs. Par exemple, un délai précis pour délivrer une autorisation ou un nombre de terrains disponibles. "Je n’ai pas vu que l’on était capable de suivre ces indicateurs. L’effet réel sur l’accélération des implantations n’est donc pas encore complètement mesuré objectivement. C’était pourtant l’un des points fondamentaux du rapport qui se concentrait sur l’amélioration des services", dit-il en réponse au député Renaissance des Yvelines Charles Rodwell, président de la commission d’enquête qui l’interrogeait sur les suites qui avaient été données à son rapport. 

Passer à une culture de l’appui "ex ante"

Laurent Guillot insiste également sur la nécessité de passer de la culture de contrôle "ex post" actuelle à une culture de l’appui "ex ante" comme il l’avait suggéré. Dans cette culture du contrôle ex ante, le foncier prend une place importante sous l’angle de la préparation des sites. "Il y a parfois des objectifs contradictoires entre des collectivités qui n’ont pas les mêmes intérêts - ce qui est légitime - et des autorités publiques qui défendent certains points de défense de l’environnement - ce qui est également légitime. Il faut un lieu où l’on arbitre pour pouvoir préparer rapidement des sites clés en main." Si, en Pologne, un industriel ne met que cinq mois à avoir toutes les autorisations et à commencer les travaux, c’est parce que le site est déjà préparé et raccordé aux différents réseaux (eau, électricité, etc.). La production très rapide de fonciers clés en main est un gage d’implantation industrielle quasi immédiate.

D’autre part, l’implantation d’un site industriel doit se faire dans la concertation, le plus tôt possible. Cette concertation avec les acteurs de l’écosystème territorial, les citoyens et les pouvoirs publics est "fondamentale pour un industriel car elle lui permet d’entamer une relation dans la durée avec le territoire". À cet égard, Laurent Guillot estime que la parallélisation qui permet désormais de mener la concertation en même temps que l’instruction du projet par les services est un gage d’amélioration de l’acceptabilité du projet et de réduction des délais.

 

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