Logement/Social - Réformes de l'APL : les bénéficiaires de l'AAH et les résidents en Ehpad ne sont pas concernés
Face aux réactions suscitées par le projet de décret réformant les aides personnalisées au logement (APL) pour prendre notamment en compte le patrimoine du demandeur dans le calcul du droit et le montant éventuel de la prestation (voir nos articles ci-contre des 19 et 22 septembre 2016), le gouvernement cherche à allumer des contrefeux. Dans un communiqué du 23 septembre 2016, la ministre du Logement affirme ainsi que "les titulaires de l'allocation adulte handicapé ne sont pas concernés".
De quelle réforme parle-t-on ?
Le problème est que le communiqué est passablement confus, en parlant de "réforme des APL" sans citer explicitement la dégressivité instaurée en début d'année. Alors que le débat actuel porte sur le projet de décret "patrimoine", le communiqué revient en effet sur la dégressivité des APL, mise en place par la loi de finances pour 2016 et entrée en vigueur avec un décret et un arrêté du 5 juillet dernier (voir notre article ci-contre du 11 juillet 2016).
A propos de cette réforme, qui a touché environ 80.000 ménages - aux revenus parfois très modestes, mais contraints d'accepter des loyers élevés faute d'autre solution, notamment à Paris -, Emmanuelle Cosse entend rassurer sur le périmètre de la mesure.
Le communiqué explique ainsi que "cette réforme concerne uniquement les personnes payant un loyer anormalement élevé, les personnes ayant un certain niveau de patrimoine ou celles dont le foyer fiscal est assujetti à l'ISF". Par conséquent, elle "ne s'applique pas aux personnes titulaires de l'allocation adulte handicapé (AAH), ni aux personnes âgées dépendantes en Ehpad" (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Un exercice de pédagogie
Conscient que cette superposition de réformes de l'APL suscite à la fois de la confusion et de l'inquiétude, le gouvernement tente de faire de la pédagogie. Le communiqué s'accompagne donc d'une note dense de quatre pages, intitulée " Réformes des APL : des mesures ciblées pour lutter contre les loyers élevées et pérenniser les aides pour les ménages les plus modestes".
Tout en justifiant les réformes par le fait qu'"environ 18 milliards d'euros de prestations logement sont versées chaque année à 6,5 millions de ménages" et que les APL "constituent une dépense très dynamique", le communiqué s'efforce de décrypter l'enchaînement des réformes. Il passe d'abord en revue les "quatre mesures d'économie qui s'inscrivent dans une démarche de simplifications et d'équité" (autrement dit celles de la loi de finances 2016 et celle du projet de décret).
Contrairement au communiqué, la note explicative indique clairement que l'exclusion des bénéficiaires de l'AAH et des résidents en Ehpad concerne aussi le projet de décret "patrimoine". La note avance également un certain nombre d'arguments pour justifier ce dernier : mécanisme de prise en compte du patrimoine similaire à celui utilisé pour le calcul du RSA (mais les bénéficiaires de l'APL sont nettement plus nombreux que ceux du RSA à disposer d'un patrimoine de 30.000 euros), encours moyen d'un livret A égal à environ 4.000 euros, loin du seuil de déclenchement de 30.000 euros (mais il s'agit d'une moyenne)...
La note va même jusqu'à évoquer des arguments qui ne donnent pas lieu à débat et sortent du cadre de la réforme. Elle précise ainsi qu'"il ne s'agit pas d'une 'refiscalisation' d'un patrimoine non fiscalisé : la prise en compte de ce patrimoine n'a aucun impact sur l'impôt sur le revenu, mais vise simplement à tenir compte, comme pour le RSA, de l'ensemble des éléments concourant à la situation de l'allocataire pour le calcul de l'aide au logement". La note donne aussi quelques exemples de calculs de l'impact de la réforme sur les ménages "types".
Au final, il n'est pas vraiment sûr que ces explications un peu précipitées suffisent à rasséréner les syndicats, les acteurs du logement social et les associations spécialisées.