Tourisme - Réforme en profondeur pour le classement des communes et stations touristiques
L'article 7 de la loi du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme (voir nos articles ci-contre) a posé les principes de cette réforme, en modernisant les critères de classement - avec, par exemple, l'introduction du développement durable - et en déconnectant le statut de commune touristique de l'attribution de la seule dotation globale de fonctionnement (DGF). La loi de 2006 a ainsi mis fin à une situation figée depuis 1993. En effet, depuis cette date - qui correspond à l'entrée en vigueur de la réforme de la DGF -, les communes touristiques étaient identifiées comme telles uniquement en raison de la perception d'une dotation touristique intégrée à la DGF, ce qui gelait de fait le nombre de communes bénéficiaires (environ 2.100). Mais il manquait encore un cadre réglementaire pour mettre en oeuvre cette réforme des classements.
Communes touristiques : comment compter la population ?
Le décret du 2 septembre 2008 prévoit trois conditions pour un classement en commune touristique : la présence d'un office de tourisme classé, l'organisation "en périodes touristiques, des animations compatibles avec le statut des sites ou des espaces naturels protégés, notamment dans le domaine culturel, artistique, gastronomique ou sportif" et, enfin, une capacité d'hébergement d'une population non-permanente répondant à un ratio minimal par rapport à la population permanente. Celui-ci va de 4,5% pour une commune de plus de 10.000 habitants permanents à 15% pour une commune de moins de 2.000 habitants. Le décret détermine également de façon très précise le calcul de la capacité d'hébergement de la population non-permanente. Le chiffre total s'obtient ainsi en multipliant le nombre de résidences secondaires par cinq (une résidence secondaire = cinq habitants non-permanents), de chambres d'hôtel par deux, de places en terrain de camping par trois, de chambres d'hôtes par deux, d'anneaux de plaisance par quatre... Seuls les lits en résidence de tourisme, en villages de vacances et en maisons familiales de vacances sont pris en compte pour leur valeur unitaire (un lit = un habitant non permanent).
La dénomination de commune touristique fait l'objet d'un arrêté préfectoral après examen de la délibération du conseil municipal et du dossier qui l'accompagne. Elle est attribuée pour une durée de cinq ans. Le décret prévoit également que "tout établissement public de coopération intercommunale doté d'un office classé de tourisme, et auquel a été transférée la compétence d'instituer la taxe de séjour [...] peut demander le bénéfice de la dénomination de commune touristique, pour une, plusieurs ou l'ensemble de ses communes membres, dans le but de réaliser des actions en faveur du tourisme, en leurs lieu et place". Lorsque la demande concerne seulement certaines communes de l'EPCI, chacune d'entre elles doit remplir individuellement les trois conditions d'éligibilité. Lorsque la demande couvre l'ensemble du territoire de l'EPCI, chacune des communes qui le composent doit remplir les conditions de présence d'un office de tourisme et d'organisation d'animations. En revanche, la capacité d'hébergement d'une population non-permanente s'apprécie globalement au niveau de l'EPCI, les communes réellement touristiques servant alors de "locomotives" aux autres.
Stations classées : six conditions à remplir
Selon l'article L.133-11 du Code du tourisme, les stations classées de tourisme - stade ultérieur de la commune touristique - sont celles "qui mettent en oeuvre une politique locale du tourisme et qui offrent des capacités d'hébergement pour l'accueil d'une population non résidente, ainsi que celles qui bénéficient au titre du tourisme [...] de la dotation supplémentaire ou de la dotation particulière identifiées au sein de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement". Le décret du 2 septembre 2008 exige six conditions pour prétendre à ce classement :
- offrir des hébergements touristiques de nature et catégories variées ;
- "offrir des créations et animations culturelles, faciliter les activités physiques et sportives utilisant et respectant leurs ressources patrimoniales, naturelles ou bâties ainsi que, le cas échéant, celles du territoire environnant, pour tous les publics et pendant les périodes touristiques, et mettre notamment en valeur les savoir-faire professionnels ayant un caractère traditionnel, historique, gastronomique ou régional" ;
- offrir des commerces de proximité et des structures de soins (dans la commune ou peu éloignées) ;
- "disposer d'un document d'urbanisme et d'un plan de zonage d'assainissement collectif et non collectif, et s'engager à mettre en oeuvre des actions en matière d'environnement, d'embellissement du cadre de vie, de conservation des sites et monuments, d'hygiène publique, d'assainissement et de traitement des déchets" ;
- organiser l'information, en plusieurs langues, sur les activités et facilités offertes et sur les lieux d'intérêt touristique de la commune et de ses environs ;
- faciliter l'accès à la commune et la circulation à l'intérieur de celle-ci pour tous les publics.
Un arrêté, également en date du 2 septembre 2008, détaille les exigences concrètes permettant de satisfaire à ces six conditions.
Le classement d'une commune touristique en station de tourisme - prononcé pour une durée de douze ans - fait l'objet d'une instruction par le préfet, puis d'un décret pris sur rapport du ministre chargé du tourisme. Les EPCI peuvent également, dans les mêmes conditions que pour les communes touristiques, demander le classement en station touristique de tout ou partie de leur territoire, sous réserve que la ou les communes concernées remplissent les six conditions prévues.
Enfin, le décret supprime l'ensemble des dispositions du Code du tourisme relatives aux stations classées, et notamment celles qui prévoyaient six catégories de stations - balnéaire, de sports d'hiver et d'alpinisme, de tourisme (c'est-à-dire celles présentant un intérêt culturel ou naturel), hydrominérale, climatique et uvale (tourisme associé à la vigne) - désormais supprimées par la loi de 2006 au profit d'une catégorie unique.
Des inquiétudes en partie levées
Lors de son assemblée générale le 17 juin dernier, l'Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques (ANMSCCT) se félicitait du projet de décret qui devait permettre de débloquer une situation figée. Les élus présents avaient toutefois fait part d'une double inquiétude. La première concernait l'intercommunalité et, plus précisément, les communes qui ne souhaitent pas déléguer la gestion de la taxe de séjour à l'intercommunalité et désirent conserver la compétence tourisme. Le décret donne satisfaction à l'ANMSCCT sur ce point, dans la mesure où il n'empêche pas les communes concernées d'engager elles-mêmes la procédure permettant d'obtenir la dénomination de commune touristique.
La seconde inquiétude concernait les mesures transitoires, les délais prévus par la loi du 14 avril 2006 risquant de s'avérer trop courts du fait du retard dans la parution du décret. Or, les classements des stations intervenus avant le 1er janvier 1924 cesseront de produire leurs effets dès le 1er janvier 2010, ce qui laisse peu de temps aux communes concernées pour s'adapter.
D'autres questions - liées au classement mais auquel le décret ne pouvait pas répondre - restent également en suspens, comme celles de l'évolution de la DGF ou l'avenir du contrat de croissance. Sans oublier quelques questions délicates, à l'image de l'ouverture dominicale des commerces, qui concerne très directement les zones touristiques.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : décret 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme. Arrêté du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme (JO du 3 septembre 2008).