Réforme de la fonction publique : "ouvert" à des amendements, Olivier Dussopt tente de rassurer
Auditionné le 10 avril à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics s'est dit favorable à l'introduction dans le projet de loi de transformation de la fonction publique de plusieurs dispositions défendues par les députés, notamment concernant la prévention des conflits d'intérêts et l'ouverture à la diversité. Face à des députés de gauche réfractaires au recours accru aux contractuels, il a en partie précisé les modalités qui encadreront les procédures de recrutement de ces agents.
Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics s'est dit favorable, mercredi 10 avril, à ce que l'Assemblée nationale étoffe le projet de loi de transformation de la fonction publique sur plusieurs points.
Auditionné à quelques heures d'intervalle par la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il a donné son feu vert à l'introduction de dispositions touchant à la déontologie, à la prévention et à la lutte contre les conflits d'intérêts touchant les agents publics, en précisant être favorable à plusieurs des propositions du rapport remis sur ces thèmes, début 2018, par la mission conduite par Fabien Matras (LREM) et Olivier Marleix (LR).
Évoquant "la difficulté" actuelle de la commission de déontologie de la fonction publique à instruire les quelque "8.000 dossiers" qui lui sont soumis, Olivier Dussopt a dit vouloir "un recentrage" du travail de l'instance sur les emplois "qui présentent de véritables risques" lorsque leurs titulaires envisagent de travailler dans le secteur privé. Il a aussi dit vouloir la création d'un contrôle à l'entrée de la fonction publique pour "les postes les plus exposés", celui-ci devant notamment concerner les agents contractuels, mais pas seulement. La personne concernée aurait notamment à remplir "une déclaration simplifiée d'intérêts". Le secrétaire d'État a par ailleurs annoncé son intention que des sanctions soient effectivement appliquées si l'avis de la commission de déontologie n'est "pas suivi d'effets", en dépit du "caractère prescriptif" qu'il revêt pourtant.
L'enjeu de la diversité de la fonction publique
En charge depuis 2014 du contrôle des règles de déontologie applicables aux responsables publics, la Haute Autorité de la transparence de la vie publique n'a pas, pour Olivier Dussopt, à fusionner avec la commission nationale de déontologie de la fonction publique. "Les publics dont les deux instances ont la charge ne sont pas les mêmes", a-t-il expliqué, rejetant ainsi une des propositions du rapport Matras-Marleix.
Pour garantir l'égalité des chances entre les candidats à l'entrée dans la fonction publique et, donc, afin d'assurer la diversité dans le secteur public, le secrétaire d'État s'est dit "extrêmement favorable" au "renforcement de la préparation aux concours et notamment au développement des classes préparatoires intégrées". Aujourd'hui, ce dispositif permet d'aider des étudiants ou des demandeurs d'emploi, de condition modeste, à préparer les concours de la fonction publique de l'État. Le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, Émilie Chalas, avait interpellé quelques minutes plus tôt le secrétaire d'État sur cette question qui relève, en pratique, davantage du domaine réglementaire que de la loi. Autre thème cher au rapporteur, le développement de la formation au management des agents, au moment où ils accèdent à des responsabilités d'encadrement, retient l'attention du secrétaire d'État. "Nous sommes extrêmement ouverts" sur le sujet, a-t-il dit.
Une autre annonce sans doute bien accueillie par les députés concerne les quatre projets d'ordonnances prévues par le projet de loi concernant la formation, la médecine professionnelle, le dialogue social et la participation des employeurs publics à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Le secrétaire d'État s'est dit "totalement ouvert" à ce que le législateur précise "les objectifs" de ces ordonnances et "les conditions" dans lesquelles "elles seront présentées". Le gouvernement n'entend "pas dessaisir" le Parlement de ses prérogatives, a-t-il encore assuré. En prenant "l'engagement" de mener une concertation sur les onze questions qui seront traitées par les ordonnances, tant avec les employeurs publics, les organisations syndicales qu'avec les parlementaires.
Rémunérations des agents contractuels : un référentiel sera mis en place
Sur l'une de ces questions, le financement de la protection sociale complémentaire, Olivier Dussopt a d'ores et déjà en partie dévoilé ses intentions. Pour lui, la montée en charge de la participation des employeurs ne pourra être que "progressive". Une participation alignée sur celle des employeurs privés – 50% du coût de la couverture santé complémentaire de l'agent – envisagée dans le cadre de contrats individuels souscrits par les agents, nécessiterait un effort de 2 milliards d'euros de la part des employeurs publics. Le rapport qu'il a demandé aux inspections de l'État sur la question sera "rendu prochainement", a encore précisé le secrétaire d'État.
Ce dernier a par ailleurs tenté de rassurer sur le recours aux agents contractuels, que le projet de loi doit permettre d'accroître. Plusieurs députés, à l'instar d'Ugo Bernalicis, l'ont interpellé sur le sujet. Si le gouvernement entend ouvrir davantage le recrutement sur les emplois de direction aux contractuels, "c'est pour les copains, et les copines (...) qui travaillent dans le secteur privé (…) et qui voudraient arriver sur des postes de contractuels avec des rémunérations qui puissent être négociées", a lancé le député (France Insoumise).
Pour éviter à la fois "les sur-rémunérations" et "les sous-rémunérations" pour les agents contractuels, un "référentiel des rémunérations" sera mis en place, a répondu Olivier Dussopt. En outre, plusieurs dispositions seront définies dans un décret afin de garantir, dans le cadre du recrutement des agents contractuels, le respect de l'égal accès aux emplois publics. Ainsi, les candidats devront être entendus par un jury composé des mêmes membres. Seront aussi précisées les conditions dans lesquelles les employeurs pourront faire passer un examen aux candidats. Le secrétaire d'État a assuré que les procédures prévues dans ce cadre seraient adaptées à la taille des communes. Une approche "différenciée" que le gouvernement envisage d'avoir sur d'autres sujets. Par exemple, pour déployer le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep), les collectivités territoriales ne devraient plus, à l'avenir, devoir attendre que les textes concernant la fonction publique d'État soient parus. "Nous allons délier les calendriers", a promis Olivier Dussopt.
Services des impôts : les implantations territoriales vont être revues
S'agissant de la fonction publique territoriale proprement dite, on retiendra encore que le secrétaire d'État a rejeté l'idée de création d'un établissement national prenant la place de la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), une préconisation avancée de longue date par les présidents de centres de gestion.
Interrogé sur l'avenir des implantations de la direction générale des finances publiques (DGFIP), Olivier Dussopt a annoncé l'élaboration de la carte d'un nouveau réseau qui sera en place en 2022. Dans l'ensemble des départements, les directeurs départementaux des finances publiques vont être appelés à travailler avec les élus locaux et les parlementaires pour "construire" cette carte et "les étapes" nécessaires à sa mise en place. "Il n'y aura pas d'extinction de l'accueil, nous voulons même renforcer celui-ci", a déclaré l'ex-maire d'Annonay. Il s'agit ainsi de généraliser une expérimentation en cours dans sept départements, dont les trois départements de l'ex-Limousin (sur cette expérimentation, voir ci-dessous notre article du 22 mars 2019).
La commission des lois de l'Assemblée nationale examinera le projet de loi les 2 et 3 mai prochains.