Réforme de la fonction publique : les priorités des employeurs territoriaux
Dans une contribution que Localtis s'est procurée, la Coordination des employeurs territoriaux (CET) fait 30 propositions dans le cadre du chantier sur "l'accès, les parcours et les rémunérations" dans la fonction publique, ouvert par le ministre Stanislas Guerini. Reconnaissance du mérite, création d'un compte pénibilité dans le secteur public et d'un fonds de prévention de l'usure, création de nouvelles voies d'accès… Autant de pistes qui visent à accroître les marges de manœuvre des collectivités dans la gestion de leurs ressources humaines.
Les employeurs territoriaux n'ont pas digéré d'avoir appris en juin dernier l'obligation de mettre en œuvre dès l'été plusieurs mesures, coûteuses pour les budgets locaux, d'augmentation de la rémunération de leurs collaborateurs. Ils réclament une plus grande visibilité à l'avenir sur les augmentations salariales concernant les agents publics. La mise en place de "conférences salariales" associant "les organisations syndicales et les représentants des employeurs de tous les versants" pourrait répondre, selon eux, à cette préoccupation. Ces conférences seraient "couplées au calendrier des projets de lois de finances", dont l'examen annuel au Parlement s'étale sur l'automne.
Telle est l'une des pistes que la Coordination des employeurs territoriaux (CET) - dont le porte-parole est Philippe Laurent, maire de Sceaux - met en avant sur le sujet des rémunérations dans la fonction publique. Dans ce volet de sa contribution, elle appelle aussi au développement d'"outils RH et financiers de reconnaissance de l'implication individuelle et collective des agents". Aujourd'hui, ils existent avec la part variable du régime indemnitaire et l'intéressement collectif. Mais "leur appropriation apparaît faible" et leur montant est peu élevé (en tout cas pour la prime d'intéressement à la performance collective, qui ne peut dépasser 600 euros par agent et par an). Dans la même veine, la CET propose la création de "la possibilité d’augmenter le plafond du complément indemnitaire annuel (CIA)" - c'est-à-dire la part du régime indemnitaire qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir du fonctionnaire.
Les employeurs territoriaux se prononcent par ailleurs pour la création d'une possibilité de modulation de la rémunération des agents dans les zones géographiques où le coût de la vie est élevé, par exemple les territoires transfrontaliers et ultra-marins et les zones tendues en matière de logement.
Parcours : prévention de l'usure, accélération des carrières…
Baisse d'attractivité, vieillissement des agents, allongement des carrières lié à la réforme des retraites, évolutions technologiques… Dans le contexte actuel, la "capacité à proposer des perspectives de parcours et de déroulement de carrière" est déterminante. La CET appelle donc de ses vœux la mise en place d'un fonds de prévention de l'usure professionnelle. Un dispositif qui a fait l'objet de propositions pour sa mise en oeuvre, dans un rapport que le président de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), Michel Hiriart a remis en novembre à Stanislas Guerini. Selon les employeurs territoriaux, ce fonds devrait permettre l'instauration d'actions "à la fois de maintien dans l’emploi et d’accompagnement des transitions professionnelles" à destination tant des employeurs territoriaux que des agents considérés individuellement.
La CET se déclare par ailleurs favorable à une "révision de la nomenclature des catégories actives" (dispositif qui permet aux agents exposés à des tâches pénibles, de partir plus tôt à la retraite) et à "la création d’un compte de pénibilité propre à la fonction publique". Aujourd'hui, ce mécanisme permettant aux travailleurs exposés à des facteurs de risques, d'accumuler des points pour se former, bénéficier d'un temps partiel, ou partir plus tôt à la retraite, ne s'applique qu'au secteur privé. En fait, la proposition de la CET est bien plus large : il faudrait, selon elle, aller vers la création d'un "compte universel", tant en matière de pénibilité que de parcours et de formation. "Commun à la fonction publique et au secteur privé", cet outil tiendrait toutefois compte des "spécificités des régimes propres à chaque secteur".
La CET recommande encore l'introduction de "dispositifs d'accélération" des carrières. Pour "reconnaître l’acquisition de compétences spécifiques ou des réalisations exceptionnelles", les employeurs et les managers pourraient ainsi décider qu'un agent passe plus rapidement à l'échelon supérieur. La coordination souhaite aussi qu'il soit plus simple de recourir à la validation des acquis de l'expérience (VAE), un dispositif "trop peu utilisé".
Un accès facilité à la fonction publique
En matière d'accès à la fonction publique, la CET se positionne en faveur d'une refonte des concours, notamment pour "diversifier les profils des candidats". Les épreuves seraient revisitées "en vue de les professionnaliser". En parallèle, les concours sur titres seraient développés. Pour rappel, ces concours comportent l'examen des titres ou diplômes et des acquis de l'expérience professionnelle par un jury, et sont éventuellement complétés par un entretien.
Par ailleurs, le dispositif Pacte (Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique), qui "souffre d’un manque de notoriété", serait "réactivé". Pour rappel, après un CDD d'un à deux ans incluant une formation, il permet à une personne d'être titularisée en catégorie C, à la condition qu'une commission vérifie et valide ses aptitudes. Le Pacte pourrait être "un dispositif 'passerelle' intéressant vers le fonctionnariat", estiment les employeurs territoriaux. De la même manière, ils envisagent la mise en place de "comités de sélection" qui seraient chargés de vérifier l’aptitude des agents contractuels à devenir fonctionnaires.
En parallèle, le rôle de la période de stage serait revalorisé. Les employeurs insistent : cette séquence est importante dans la carrière d'un agent, puisqu'elle permet la vérification de son aptitude à travailler pour le service public. Ils souhaitent en outre voir le tutorat jouer un plus grand rôle durant cette période.
La CET réclame encore la création d'une "voie d’accès spécifique" aux apprentis, comprenant "des épreuves simplifiées (sans phase d’admissibilité) avec une forte coloration professionnelle". Un principe que le ministre en charge de la Fonction publique, Stanislas Guerini a déclaré approuver et vouloir inscrire dans son projet de réforme de la fonction publique (voir notre article du 2 novembre).
Une place plus grande dans la gouvernance
Enfin, en matière de "gouvernance" de la fonction publique, la CET revendique "la mise en œuvre d’un dialogue social national autonome" avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale, permettant d'aboutir à des accords propres au versant territorial – comme ce fut le cas l'été dernier avec l'accord sur la protection sociale complémentaire dans la FPT (voir notre article du 11 juillet).
Le projet de loi de réforme de la fonction publique sera présenté "plutôt au premier semestre 2024", après des concertations qui ont lieu en cette "fin d'année", avait déclaré Stanislas Guerini lors d'une interview accordée mi-novembre à Localtis. C'est ainsi le 20 décembre prochain que les employeurs territoriaux échangeront avec le ministre sur leurs propositions.