Réforme de la DGF : le comité des finances locales suspend ses travaux
Le comité des finances locales, instance présidée par André Laignel, a décidé, ce 23 avril, d'interrompre le travail préparatoire à la refonte de la DGF sur lequel l'exécutif l'avait saisi. Objectif : faire pression sur le gouvernement, auquel il réclame des "marges de manœuvre" qui faciliteront le chantier. Le gouvernement poursuivra le travail de réforme de la DGF "sans le CFL", mais "en association avec les élus et acteurs qui le souhaitent", répond la ministre déléguée aux Collectivités territoriales.
Le comité des finances locales a décidé ce mardi 23 avril de suspendre ses travaux sur la refonte de la dotation globale de fonctionnement (DGF), constatant que le gouvernement prévoit aujourd'hui de mener cette réforme "à moyens descendants".
Réuni en séance plénière, l'instance de concertation sur les finances des collectivités a voté "à l'unanimité des suffrages exprimés" une délibération proposée par son président André Laignel affirmant la suspension des réflexions sur la réforme de la principale dotation perçue par le bloc communal et les départements (27,2 milliards d'euros en 2024). "Deux ou trois" élus locaux se sont abstenus, selon le maire d'Issoudun, qui a tenu une conférence de presse à l'issue de la réunion.
"Réforme à mener à moyens descendants"
Depuis janvier, le CFL s'est réuni à quatre reprises en groupe de travail pour évoquer la réforme, comme le président de la République l'avait souhaité devant un millier de maires réunis à l'Elysée durant le dernier congrès des maires de France (voir notre article). Le CFL a saisi la balle envoyée par l'exécutif, s'auto-saisissant de la question. Une lettre de mission officielle de l'exécutif n'est venue que plus tard de Matignon. Une seconde lettre (à télécharger ci-dessous), cosignée par le ministre délégué aux Comptes publics et la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, a suivi – André Laignel l'aurait reçue fin mars 2024. Avec dans les deux missives une phrase qui a fait bondir le président du CFL. "Vous inscrirez enfin vos travaux dans le cadre de la trajectoire des dépenses de l'Etat, telle que prévue dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027", précisait l'exécutif.
En clair, il réaffirmait l'objectif selon lequel les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales devront évoluer annuellement de 0,5% en dessous de l'inflation. Cette exigence doit permettre de réduire le rythme des dépenses publiques de 2,5 milliards d'euros en 2024, a récemment indiqué Bercy. De son côté, le président du CFL calcule que sur la période 2023-2027, un effort de 14 à 15 milliards d'euros est ainsi demandé aux collectivités. Les élus locaux sont aussi irrités par la baisse de 10 milliards d'euros des crédits de l'Etat décidée par le gouvernement en février. 3,8 milliards d'euros retirés toucheraient des politiques menées par les collectivités.
Dans "un contexte de rationnement drastique des moyens dédiés aux territoires", l'exécutif demande au CFL "de faire cette réforme à moyens descendants", s'est insurgé André Laignel devant la presse. En soulignant que l'exercice "est déjà quasiment impossible (…) à moyens constants". Selon le président du CFL, une réforme "qui nécessiterait qu'au moins la moitié des communes et des départements voient leur DGF baisser, ça n'est pas sérieux". Pour une raison simple : "les collectivités territoriales dans leur ensemble sont déjà en grande difficulté".
"Nous asseoir à une table de travail avec les ministres"
Pour réussir la réforme, il faudrait au contraire, pour le président du CFL, de l'huile dans les rouages, afin de "garantir a minima le maintien des montants" de DGF perçus par chacune des collectivités et intercommunalités. En décembre dernier, il avait fait de cette condition l'une des principales clés de réussite de la refonte de la DGF (voir notre article).
Une suspension ne signifie pas "l'abandon" des travaux sur la DGF, a souligné André Laignel. Selon qui le chantier pourrait reprendre. Mais tout dépendra à présent de la position du gouvernement. "Nous invitons les deux ministres signataires de la lettre de mission [NDLR : Thomas Cazenave et Dominique Faure] à venir le plus rapidement possible devant le CFL, afin que soient évoquées les marges de manœuvre qui pourraient nous être proposées pour rendre faisable ce qui est souhaitable, à savoir la réforme de la DGF", a déclaré le maire d'Issoudun.
Des marges de manœuvre en espèces sonnantes et trébuchantes pour les collectivités. Mais pas seulement, ou pas nécessairement. "Nous sommes ouverts à toutes les propositions qui faciliteraient cette réforme", a précisé à Localtis le président du CFL. On peut imaginer par exemple que des simplifications pour réduire le coût des normes applicables aux collectivités ou une meilleure compensation des dégrèvements de fiscalité locale décidés par l'Etat seraient particulièrement appréciées par les élus locaux.
"Travail de réforme sans le CFL"
"Dans les associations d'élus locaux, nous sommes tous d'accord pour dire que la réforme de la DGF ne peut pas se faire sans une croissance du montant à répartir", acquiesce Sébastien Miossec, président de Quimperlé communauté et membre du CFL. "Il faut espérer que les ministres viennent avec des propositions qui nous permettent de nous remettre en ordre de marche pour travailler", ajoute le président délégué d'Intercommunalités de France, interrogé par Localtis. Qui a déjà en tête l'étape d'après. Si "les conditions devaient ne pas être réunies pour continuer le travail à court terme, dans le cadre du PLF [projet de loi de finances] 2025 et du CFL, il faudrait, malgré tout, que les réflexions sur la réforme reprennent, soit au sein du CFL - parce que les conditions sont réunies -, soit entre nos associations d'élus", estime-t-il. D'autres élus locaux membres du CFL auraient exprimé ce souhait.
Dans sa lettre de mission, l'exécutif indique qu'il attend des propositions du CFL pour le mois de juin 2024 au plus tard. Le but étant que ces dernières puissent être discutées dans le cadre des travaux relatifs au PLF 2025.
Pour l'heure, la ministre déléguée aux Collectivités territoriales juge "regrettable" la décision du CFL, qui revient à "ne pas répondre à tous les maires qui n'en peuvent plus de la complexité de la DGF". Dans une communication adressée à Localtis, Dominique Faure annonce qu'avec Thomas Cazenave, elle poursuivra "le travail de réforme de la DGF sans le CFL, en association avec les élus et acteurs qui le souhaitent dans le cadre de l'Agenda territorial [NDLR : la feuille de route des discussions du gouvernement avec les élus locaux, qui sera dévoilée fin juin].