Les arbitrages du CFL sur la répartition de la dotation globale de fonctionnement

Lors d'une séance, ce 6 février, le Comité des finances locales (CFL) a utilisé les (modestes) prérogatives qui lui sont conférées en matière de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF), en l'occurrence celle de 2024. Il a notamment décidé de porter cette année de 140 à 150 millions d'euros la croissance de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Les arbitrages du CFL conduisent à un écrêtement de 25 millions d'euros de la dotation forfaitaire de certaines communes (probablement plusieurs milliers). L'instance a réuni dans la foulée son groupe de travail sur la refonte de la DGF.

Les arbitrages effectués ce 6 février par le Comité des finances locales (CFL) sur la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ont réservé une petite surprise.

L'instance peut augmenter les progressions annuelles des dotations de péréquation bénéficiant aux communes - dotation de solidarité urbaine (DSU), dotation de solidarité rurale (DSR), dotation nationale de péréquation (DNP) –, des dotations de péréquation en faveur des départements – dotation de péréquation urbaine (DPU) et dotation de fonctionnement minimale (DFM) – et de la dotation d'intercommunalité, telles que prévues dans la loi de finances. Pour autant, le CFL n'avait pas utilisé cette faculté ces dernières années, notamment parce que s'il décide d'accentuer la croissance d'une ou plusieurs dotations, le financement s'effectue sans un centime supplémentaire de l'Etat, autrement dit par une ponction sur les finances d'une partie des collectivités.

Mais cette année, à l'initiative de son président, André Laignel, le CFL a dérogé à la tradition. Il a acté une hausse supplémentaire de la DSU de 10 millions d'euros, afin de porter la hausse de cette dotation à 150 millions d'euros en 2024 (contre 140 millions prévus dans la loi de finances pour 2024). Le but ? Mettre sur un pied d'égalité la croissance en 2024 de la DSU et celle de la DSR. "C'est très symbolique", commente-t-on à France urbaine, l'association qui fédère les élus des grandes villes et de leurs intercommunalités.

Progression de la DSR : péréquation et bourgs centres privilégiés

La Cour des comptes avait pointé en octobre, dans le deuxième fascicule de son rapport 2023 sur les finances publiques locales (voir notre article dédié) que "la progression plus forte de la DSR que la DSU, y compris en 2023 (en cumul, +103,2% contre +68,9% entre 2014 et 2023) affecte l’équité de traitement des communes urbaines défavorisées par rapport à la plupart des communes rurales". Une remarque qui semble ne pas être passée inaperçue, et qui a sans doute pesé dans la décision prise par le CFL.

"Comparer des augmentations qui ne concernent pas des structures de même taille, qui ne sont pas de nombre égal, je trouve que ça n'a pas de sens", réagit Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés et membre du CFL, qui a été l'un des rares à s'abstenir sur la décision. Explications : deux tiers des communes de plus de 10.000 habitants et un dixième des communes de 5.000 à 9.999 habitants "confrontées à des ressources insuffisantes et à des charges élevées" se sont partagés les 2,6 milliards d'euros de la DSU. Les données concernant la DSR (2,07 milliards d'euros) sont différentes : la dotation bénéficie à 98% des communes de moins de 10.000 habitants, du fait de l'attribution très large de la fraction "péréquation".

Sur la répartition de la croissance de la DSR, le CFL a été moins original, puisqu'il a reconduit l'arbitrage de 2023. En sachant que la loi de finances pour 2024 encadrait déjà bien les choses, puisqu'elle fléchait 60% des 150 millions d'euros de la hausse – soit 90 millions – vers la fraction "péréquation". Les 60 millions d'euros restants seront répartis à 75% pour la fraction "bourg-centre" et à 25% pour la fraction "cible" (que perçoivent les 10.000 communes rurales les moins aisées). Si ce scénario a été retenu, il n'a toutefois pas fait l'unanimité. Bertrand Hauchecorne a par exemple voté contre, au motif que les charges de ruralité méritent d'être mieux soutenues par la voie de la DSR "cible".

La dotation forfaitaire des communes écrêtée de 25 millions d'euros

En 2024, l'impact de l'augmentation de la population sur les dotations (32,1 millions d'euros en englobant d'autres facteurs de hausse plus marginaux) est financé à la fois par l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes (ce qui, exceptionnellement, n'avait pas été le cas l'an dernier) et la minoration de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle des EPCI (dite "part CPS"). Au besoin de financement s'ajoutent les 10 millions d'euros de croissance supplémentaire de la DSU décidés par le CFL, soit un total de 42,1 millions d'euros à financer. Cette somme proviendra à 60% (25,2 millions d'euros) de l'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes et la différence (16,9 millions d'euros) de la ponction sur la part "CPS" des intercommunalités – laquelle s'ajoute aux 60 millions d'euros d'écrêtement prévus par la loi de finances pour 2024 pour financer la croissance de la dotation d'intercommunalité. Le CFL a ainsi décidé de reconduire l'arbitrage qu'il avait pris entre 2015 et 2022.

Du côté des communes, celles qui ont un potentiel fiscal par habitant supérieur à 0,85 fois la moyenne seront écrêtées, mais d'un montant beaucoup plus faible que par le passé. Mais "pas mal de communes ne sont pas écrêtées parce qu'elles n'ont plus de DGF", notamment des communes aisées, critique Bertrand Hauchecorne. Aussi, "on prend à des communes de niveau intermédiaire et non aux communes qui ont le plus de moyens".

DGF : 27,2 milliards d'euros

"On conserve les mauvaises habitudes", regrette de son côté Sébastien Miossec, président de Quimperlé communauté et membre du CFL. "La CPS s’érode chaque année. Ce n'est pas durable. Il est temps qu’on change de schéma !", lance-t-il.

Le CFL a laissé inchangé le montant de la croissance des dotations de péréquation allouées aux départements et inscrit dans la loi de finances pour 2024 (+ 10 millions d'euros). Une hausse qui profitera à 75% aux départements à dominante rurale (DFM) et à 25% aux départements urbains (DPU). Ajoutée au coût de la hausse de la population (22,4 millions d'euros), la somme sera financée par un écrêtement de 0,79% de la dotation forfaitaire des départements.

La DGF s'élève cette année à 27,245 milliards d'euros. Elle est en hausse de 313,6 millions d'euros par rapport à 2023. Dans le détail, 320 millions d'euros supplémentaires sont fléchés vers les dotations de péréquation des communes, tandis que 8,8 millions d'euros sont retranchés pour compenser la recentralisation de compétences exercées par certains départements.

Toujours pas de lettre de mission

La séance du CFL s'est prolongée par des débats, en groupe de travail, sur la refonte de la DGF mise à l'agenda par le président de la République (sur le démarrage de ces travaux, voir notre article du 23 janvier). Des discussions axées sur la DGF des intercommunalités. Et qui ont été l'occasion pour la Direction générale des collectivités locales (DGCL) de présenter le projet de réforme de la dotation d'intercommunalité, que Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales au sein du gouvernement Borne, n'a pu inscrire tel quel dans la loi de finances pour 2024. Et qui, selon un expert des finances locales, "visait à siphonner la dotation de compensation des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) au bénéfice de la dotation d’intercommunalité".  Une proposition que les élus locaux continuent de rejeter, notamment parce qu'"une compensation fiscale est un dû".   

Les élus se sont par ailleurs mis d'accord sur la nécessité lors des réunions suivantes du groupe de travail – la prochaine aura lieu le 27 février – d'évoquer notamment la question des charges de centralité et de ses critères. Et cela alors que le CFL n'a toujours pas été saisi officiellement par l'exécutif sur le chantier. "Il semble que le gouvernement ne parvienne pas à se mettre d'accord", explique l'entourage du président, André Laignel. Un élu membre de l'instance donne une autre version : "Le projet de lettre de mission est en discussion et, à ce jour, le président du CFL a fait part de son opposition sur les conditions qui sont envisagées dans ce document". Cet élu ajoute que "malgré tout, en responsabilité, le CFL et les associations d'élus ont plutôt envie de travailler. C’est notre intérêt qu’une réforme se fasse". Une position qu'un expert analyse : "En montrant qu'ils ne sont pas d''horribles conservateurs' mais qu'il y a une vraie volonté de moderniser", les élus locaux "seront d’autant plus forts pour demander l’indexation de la DGF".

 

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