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Défense - Réforme de la carte militaire : drame ou opportunité ?

Lancée en juillet 2008, la réforme de la carte militaire a semé le trouble au sein des collectivités concernées, principalement dans le quart nord-est de la France. Celles-ci tentent de tourner la page, grâce aux compensations prévues par l'Etat, aux plans de redynamisation ou encore aux opportunités que représente la libération de certains terrains anciennement militaires.

Après l'onde de choc créée par la réforme de la carte militaire, prévoyant la fermeture de 83 sites et la suppression de 54.000 postes dans les sept années à venir, les communes et territoires touchés tentent de rebondir. Avec des fortunes diverses. Il y a d'abord ceux qui ont obtenu une compensation directe de l'armée, avec l'installation d'une nouvelle base militaire. A Dieuze, en Moselle, dont le maire UMP avait menacé de démissionner, et avec lui les édiles des 128 communes de l'arrondissement, le départ du 13e régiment de dragons parachutistes a été atténué par la promesse de créer sur place une école militaire. "Si le projet se réalise, ce serait un moindre mal. L'école devrait comprendre un millier de militaires et 350 formateurs, contre 950 hommes et leurs familles, soit la moitié de la population dieuzoise, qui nous quittent", résume Francis Lormant, maire de Dieuze. Même soulagement à Nîmes, où la base aéronavale (BAN), qui fermera ses portes à partir de 2011, laissera la place au 503e régiment du train et à une base de défense. Pour des effectifs à peu près similaires. "Nous avions anticipé la suppression de la BAN et négocié d'arrache-pied une solution de rechange", rappelle Yvan Lachaud, député Nouveau Centre du Gard, qui a rencontré plusieurs fois Hervé Morin, ministre de la Défense et président de son parti. Dans certains cas, plutôt qu'un nouveau régiment, l'Etat a promis le transfert de services publics civils. A Metz, l'une des villes les plus touchées par la restructuration, avec la perte de trois unités et de 7.000 emplois militaires, l'Etat devrait ainsi constituer un pôle interministériel d'études et de statistiques, représentant environ 750 postes. "Des mesures notoirement insuffisantes au regard de la saignée subie. En plus, les agents de l'Insee concernés par le déménagement sont entrés en résistance", précise un élu municipal (PS) de Metz. La ville a néanmoins reçu la promesse d'autres transferts d'emplois publics, et celui d'une partie de la Brigade franco-allemande.

Des collectivités extrêmement mobilisées

A l'instar de Metz, certaines collectivités ont également pu, pour survivre à la désertion des armées, compter sur les subsides de l'Etat : plus de 300 millions d'euros, à verser entre 2009 et 2015, sous forme d'un "contrat de redynamisation de site de défense" (CRSD) ou, pour les territoires moins durement affectés, d'un "plan local de redynamisation" (PRD). Ainsi la ville de Châteauroux, qui perdra 1.100 emplois directs, fin 2012, après la dissolution du 517e régiment du train, a obtenu en juillet dernier un CRSD d'un montant de 10 millions d'euros, entre autres pour financer une nouvelle zone d'activité. "Nous sommes en contact avec un groupe de chefs d'entreprise chinois qui se sont engagés à créer sur cette zone près de 4.000 emplois, pour une quarantaine d'entreprises", indique Jean-François Mayet, maire UMP de Châteauroux. Les élus locaux, cependant, restent inquiets. "Les collectivités sont extrêmement mobilisées pour réagir à cette situation qui est difficile", souligne Louis Pinton, sénateur UMP de l'Indre. La reconversion est plus avancée à Sourdun (Seine-et-Marne), qui a bénéficié d'un CRSD de 11 millions d'euros, en mai 2009, pour compenser la perte du 2e régiment de hussards, deuxième employeur du territoire. Une subvention utilisée notamment pour créer, sur l'ancien site militaire, un internat d'excellence, destiné aux élèves issus des milieux défavorisés, ainsi qu'un centre équestre. Le tout a permis de créer quelques dizaines d'emplois, avec en sus une promesse de transfert d'autres emplois publics. Néanmoins, selon Eric Torpier, maire sans étiquette de Sourdun : "On ne raye pas 895 personnes et leurs familles sans incidence pour la commune."

La libération de terrains, une vaste aubaine

Autre opportunité créée par la fermeture des casernes : la libération de vastes terrains et bâtiments, souvent cédés par l'Etat pour un euro symbolique. C'est le cas de la ville de Mondeville (Calvados), qui a ainsi récupéré un site militaire d'une valeur estimée à 5 millions d'euros, où seront prochainement installés une maison de retraite, un collège, 120 logements, des bureaux et un parc public. De même à Sourdun, la ville a obtenu, pour un euro, la caserne avec 50 hectares de terrain, une cantine de 400 places et un cinéma de 300 places. De quoi voir grand pour son internat d'excellence qui connaît cette année sa deuxième rentrée. "Certes, il a fallu faire des travaux d'aménagement, pour environ un million d'euros. Mais c'est moitié moins que ce qu'aurait coûté l'ouverture d'un internat à neuf", a rappelé le proviseur de l'établissement. Sur la foi de ces expériences réussies, Hervé Morin se montre optimiste quant aux capacités de rebond des communes et des territoires. Le 6 juillet dernier, à Châteauroux, il déclarait notamment : "Il y a beaucoup de restructurations qui ont été vécues comme un drame. Quelques années plus tard, les élus disent que cela a été une chance." Rendez-vous, donc, dans quelques années, pour vérifier l'adage ministériel.

 

Paul Arguin