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Cour des comptes - Réforme 1% Logement : un goût d'inachevé pour les magistrats de la Cour des comptes

Dans son rapport public annuel 2013, la Cour des comptes estime que la réforme du 1% Logement est désormais "à mi-parcours" et formule neuf recommandations pour achever le processus. L'organisme est cité par Didier Migaud parmi "les opérateurs qui ont souvent échappé à la contrainte financière qu'ont subie les services de l'État" et où toutefois "des marges d'amélioration importantes peuvent être trouvées".
Ce n'est pas la premières fois que les Sages de la rue Cambon se penchent sur le 1%. En 2006, puis en 2009 et en 2010, ils s'étaient prononcés sur la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC, encore appelée le "1% Logement"). Le bilan d'aujourd'hui porte sur les résultats de la réforme engagée dans le cadre de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009, mais aussi sur les actions engagées par Cécile Duflot depuis son arrivée au ministère du Logement, et notamment la signature, le 12 novembre dernier, de la "lettre d'engagement mutuel" signée par l'Etat et Action Logement.
La loi de 2009 "a permis d'engager la rénovation des institutions et de mettre en cohérence les emplois de la PEEC et la politique nationale du logement", reconnaissaient-ils.

Des efforts salués sur la gouvernance

Alors qu'ils avaient précédemment relevé "le manque de transparence de la gouvernance" de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), ainsi que de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (Anpeec), ils se félicitent aujourd'hui que "ces deux institutions ont vu leur organisation et leur gouvernance modifiées par la loi de 2009 et les travers dénoncés ont été corrigés".
La Cour, qui avait également préconisé le rapprochement entre la mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) et l'Anpeec, attend beaucoup de la création annoncée d'une "Autorité nationale de contrôle des organismes de logement social" réalisant ce rapprochement. Elle recommande même de lui donner "des prérogatives étendues en matière d'évaluation et d'études, comparables à celles de l'Anpeec".
Du côté de la réorganisation des collecteurs du 1%, les magistrats sont moins enthousiastes. Il la juge pour tout dire "inachevée". Certes, le nombre et l'implantation des comités interprofessionnels du logement (CIL) est passé de 109 en 2008 à 24 en 2011, "cependant, la stratégie et la rationalité de la réorganisation des collecteurs manquent encore de lisibilité et l'État ne s'est pas assuré que la réorganisation se faisait en cohérence avec les orientations de la politique nationale du logement", pointent-ils.
"Par ailleurs, le risque d'une concurrence coûteuse entre collecteurs sur un même territoire pour bénéficier des versements des entreprises assujetties au 1% n'est pas écarté", ajoutent-ils. C'est pourquoi ils recommandent d'"établir un état de la distribution régionale de la collecte de la PEEC et des interventions qu'elle finance", de "poursuivre le regroupement des filiales des collecteurs dites du titre V" et de "réduire effectivement les coûts de gestion dans le cadre des regroupements".
La Cour épingle également "l'encadrement des rémunérations des dirigeants (qui) reste à améliorer, de même que leurs systèmes de retraite" et cela malgré la création d'un comité des nominations et rémunérations. Elle recommande donc de "poursuivre la régularisation des conditions de la rémunération des dirigeants - en veillant notamment à ce qu'elle ne soit pas prise en charge par un groupement d'intérêt économique (GIE) –, ainsi que des conditions financières de leur cessation d'activité".
Regrettant que seulement trois CIL établissent des comptes combinés afin de rendre compte des flux financiers entre les collecteurs et les sociétés d'HLM dont ils sont actionnaires, la Cour leur recommandent d'une part de "mettre en oeuvre la combinaison des comptes au sein des groupes de CIL ainsi qu'entre les collecteurs et l'UESL" et à l'Etat de "rendre obligatoire la combinaison des comptes d'un collecteur et des filiales qu'il contrôle".
Enfin, toujours en directions des collecteurs, la Cour recommande de "motiver précisément les choix faits dans les financements respectifs des personnes morales".

Doute sur la soutenabilité du modèle financier

Rappelant que les conditions de l'équilibre financier du 1% Logement se sont transformées au cours des dernières années, la Cour suggère "d'optimiser les emplois face à la baisse des ressources". Elle note par exemple que "la réorientation des emplois des fonds du 1% vers des utilisations d'une plus grande efficacité sociale ne s'est pas réalisée, notamment parce que les choix d'utilisation de ces fonds résultent davantage de compromis entre les acteurs de la PEEC que d'une évaluation comparée de l'utilité des emplois". Elle relève également que "la forte progression des subventions aux politiques nationales à partir de 2009 a été contrebalancée par une chute de certains des autres emplois, en particulier des concours aux personnes physiques".
C'est donc au prix de cette "baisse sensible" qu'il a été possible de "limiter en 2011 le déficit global apparu en 2010", rappelle-t-elle, tout en recommandant à l'Anpeec de "conduire systématiquement une étude d'impact des nouvelles interventions au profit des personnes physiques" ainsi qu'une "évaluation des actions menées au cours des trois années écoulées".
Quant à la trésorerie du 1%, qui avait chuté de plus de 40% entre 2008 et 2010, elle devrait rester négative jusqu'en 2016, "pour remonter ensuite très progressivement", rappelle la Cour. L'emprunt de 1 milliard d'euros que le 1% Logement pourrait contracter auprès du fonds d'épargne géré par la Caisse des Dépôts, au cours de chacun des exercices 2013 à 2015, "permettrait à l'État de voir financer sa politique du logement social sans solliciter de moyens budgétaires", comprend bien la Cour, "mais il pose la question de la soutenabilité du modèle financier de la PEEC", ajoute-t-elle aussitôt.