Commande publique - Référé précontractuel : qui peut saisir le juge ?
Une décision du Conseil d'Etat rendue le 29 avril 2015 a été l'occasion de rappeler le régime de saisine du juge du référé précontractuel.
En l'occurrence, le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (Syvade) avait lancé une procédure de dialogue compétitif en vue de conclure un contrat de partenariat portant sur la réalisation du projet de plateforme environnementale multifilière de traitement des déchets ménagers et assimilés. La société Urbaser Environnement avait présenté sa candidature. Bien qu'elle ait été admise par le pouvoir adjudicateur, la société n'avait pas présenté d'offre. Elle avait cependant saisi le juge du référé précontractuel afin que soit annulée ladite procédure, présentant selon elle des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre avait fait droit à cette demande et suite à cette décision, le Syvade a décidé de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
Périmètre de l'intérêt à agir
La Haute Juridiction administrative a notamment dû répondre à la question de savoir si la société requérante pouvait, bien qu'elle n'ait pas présenté d'offre, saisir le juge du référé précontractuel. Elle a tout d'abord commencé par rappeler les termes de l'article L. 551-10 du Code de justice administrative (CJA) selon lequel pour engager une telle procédure de référé, le requérant doit justifier d'une part d'un intérêt à conclure le contrat, et d'autre part d'un intérêt lésé par le manquement invoqué.
Le Syvade soutenait que le juge des référés avait commis une erreur de droit en admettant la recevabilité de la requête de la société alors qu'elle n'avait pas présenté d'offre. Le Conseil d'Etat a cependant écarté cet argument et rappelé qu'une société était recevable à agir, même si elle n'avait déposé ni candidature, ni offre. Il précise toutefois que la société requérante doit avoir vocation à exécuter le contrat en cause, notamment au vu de son domaine d'activité. L'absence de dépôt d'offre ou de candidature doit également être justifiée par "les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque".
En l'espèce, le juge des référés avait estimé que le Syvade avait bien manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence puisque les stipulations du règlement de la consultation à propos des prestations prévues par la tranche ferme et de celles prévues par la tranche conditionnelle "empêchai[en]t la présentation d'une offre répondant aux exigences légales d'un contrat de partenariat". En effet, le contrat ne confiait pas de mission globale au sens de l'article L. 1414-1 du Code général des collectivités territoriales. Le Conseil d'Etat a confirmé cette interprétation, le manquement invoqué ayant bien dissuadé la société Urbaser Environnement de présenter une offre.
Les pouvoirs du juge des référés et l'intérêt général
En outre, le Syvade contestait la nature de la sanction prise par le juge des référés, ce dernier ayant annulé la procédure litigieuse. Selon le pouvoir adjudicateur, le juge ne pouvait suspendre l'exécution d'une décision de passation du contrat car "en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, [...] les conséquences négatives résultant de telles mesures de suspension pourraient l'emporter sur leurs avantages". Après avoir rappelé que l'existence d'un intérêt général pouvait effectivement conduire à écarter le pouvoir d'annulation du juge prévu à l'article L. 551-2 du CJA, le Conseil Etat confirme la position du juge de l'urgence selon laquelle le Syvade "ne pouvait utilement invoquer l'existence d'un intérêt général [...] dès lors que le manquement relevé était de nature à justifier l'annulation de la procédure de passation".
Le pourvoi du Syvade a en conséquence été rejeté. Afin de prévenir le risque contentieux, il est donc primordial pour les collectivités de veiller attentivement au respect des obligations de publicité et de mise en concurrence. Une société n'ayant pas déposé de candidature peut en effet saisir le juge du référé précontractuel à condition de respecter les deux exigences ici rappelées par le Conseil d'Etat : avoir vocation à exécuter le contrat et avoir été dissuadée de présenter une candidature ou une offre.
Référence : CE, 29 avril 2015, n°386748.