Reconstruction de Mayotte : les élus mahorais en déplacement à Paris veulent se faire entendre
Les élus mahorais revendiquent leur place dans le processus de reconstruction de Mayotte, sur la phase d'urgence (en voie de finalisation avec le projet de loi adopté par le Sénat) comme sur le long terme. Au cours d'une conférence de presse organisée par Intercommunalités de France le 5 février 2025, les présidents des cinq intercommunalités de Mayotte, en déplacement à Paris, ont fait le point sur les actions en cours et ont critiqué au passage la gestion de la crise par l'Etat. Ils attendent des réponses en matière de financement.
![conférence de presse](/sites/default/files/styles/landscape_auto_crop/public/2025-02/Sagfhfghfdgfghfghfghfghfghfghhhhhns%20titre-2.jpg?itok=oFhsRFof)
© E. Zapalski
"La crise a été mal gérée par les services de l'Etat, nous ne nous retrouvons pas dans les décisions qui sont prises par l'Etat." C'est dans ces termes que s'est exprimé le 5 février 2025, Saïd Maanrifa Ibrahima, président de la communauté de communes du Centre-Ouest, maire de M'Tsangamouji, l'un des représentants de la délégation d'élus mahorais venus à Paris. Le déplacement organisé durant deux jours doit permettre à ces élus de rencontrer parlementaires et représentants de l'Etat pour mieux être associés au processus de reconstruction de Mayotte, dévastée après le passage en décembre du cyclone Chido au mois de décembre. "Mayotte aujourd'hui est à terre, Mayotte aujourd'hui pleure", a affirmé la voix grave d'Abassi Archadi, président de la communauté de communes de Petite-Terre, durant une conférence de presse organisée dans les locaux d'Intercommunalités de France. "Face à cette situation, on a besoin de se remettre debout en deux temps, a expliqué Ali Moussa Moussa Ben, président de la communauté de communes du Sud, le premier commence par les urgences et on estime que l'essentiel a été fait, avec la remise en service de ce qui est vital, l'eau, l'électricité, la communication, la gestion des déchets ; la deuxième phase est ensuite très importante, il s'agit de la reconstruction de Mayotte".
"Nous avons besoin d'être entendus"
Dans ce travail de reconstruction, qu'ils axent sur trois thématiques principales (le logement, l'eau et la mobilité), les élus comptent peser. "Ce que nous attendons du gouvernement, c'est que les décisions prises soient pragmatiques et applicables dans les meilleurs délais, à moyen et long terme, a signalé Lyliane Piquion-Salomé, présidente d'Interco'Outre-mer, conseillère communautaire de Cap Excellence (Guadeloupe), si nous sommes présents, c'est que nous avons besoin d'être entendus". Intercommunalités de France souhaite les aider à se faire entendre. "Les intercommunalités aujourd'hui présentes gèrent les compétences importantes, telles que l'eau, les déchets, l'aménagement du territoire, l'urbanisme, elles sont au cœur des questions qui se posent, a affirmé Sébastien Martin, président de l'association, nous souhaitons dire au gouvernement qu'elles ont toute leur place dans la reconstruction".
Quel financement pour la reconstruction ?
Dans le cadre du projet de loi d'urgence pour Mayotte adopté le 4 février par le Sénat, après le vote de l'Assemblée nationale le 22 janvier et avant un vote en commission mixte paritaire (voir notre article du 5 février 2025), les sénateurs se sont évertués à mieux associer les élus à la reconstruction de leur territoire. "La première version du projet de loi d'urgence nous avait interpellés car on ne voyait pas notre place dans le texte, pourtant notre implication dans la reconstruction doit être reconnue, on a l'expérience du terrain, a assuré Ali Moussa Moussa Ben, on est content d'être dedans, pour le reste, on va juger sur le terrain". Les élus souhaitent aussi savoir quels budgets seront consacrés à l'archipel. "Il y a eu beaucoup de visites ces derniers temps mais en sortie il y a des questions qui se posent, a estimé Saïd Maanrifa Ibrahima, on a besoin de financement et pour le moment personne n'a avancé sur les financements prévus, sauf quelques pistes comme le prêt à taux zéro". Le projet de loi prévoit en effet, à l'initiative du gouvernement, un prêt à taux zéro pour la reconstruction à destination des ménages. "Mais il y a une situation de flou total, sur quelle base financière allons-nous reconstruire Mayotte ?", a encore interrogé Saïd Maanrifa Ibrahima.
La question des constructions modulaires
Les élus mahorais questionnent aussi l'utilisation des dons et autres aides reçues par l'hexagone. "On ne voit pas ces aides financières et matérielles", a insisté Saïd Maanrifa Ibrahima. Autre aspect qui interroge ces élus : les constructions modulaires, et donc provisoires. "Les constructions modulaires ne sont pas adaptées pour les logements car il y a peu de foncier disponible et on veut le garder pour les vrais projets, en revanche, c'est une solution pour l'éducation, a expliqué Ali Moussa Moussa Ben, par contre nombre de personnes ont construit en dur sans autorisation ni même assurance, il faudrait les aider à reconstruire leur toit et alléger la loi pour aller plus vite ; on sait qu'on ne peut pas tout faire en même temps, on aimerait classer les choses par ordre prioritaire, le logement, la mobilité, l'eau…"
Les élus mahorais, connaissant parfaitement les spécificités de leur territoire, attendent ainsi d'être davantage écoutés et pris en compte dans le long travail que va constituer la reconstruction de Mayotte. "Il y a une loi de programmation derrière la loi d'urgence, le travail est loin d'être terminé, on s'inscrit dans le temps long !", a souligné Sébastien Martin. Un projet de loi-programme "Mayotte Debout", destiné à donner de nouvelles bases à son développement, doit être présenté par le ministre chargé des outre-mer Manuel Valls d'ici deux mois. Par ailleurs, sur la question centrale de l'immigration, une proposition de loi défendue par le député Droite républicaine de la Manche, Philippe Gosselin, visant à renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte, sera discutée en séance à l'Assemblée nationale le 6 février.