Rapport Belhaddad : pour un investissement massif de l'État dans les équipements sportifs
Dans un rapport consacré aux équipements sportifs, le député de la Moselle Belkhir Belhaddad dresse un tableau sombre du parc français et en appelle à un investissement de l'État de 500 millions d'euros par an sur la période 2025-2030. Il préconise une participation accrue du secteur privé, non seulement dans le financement mais dans l'exploitation et l'animation des équipements.
C'est un plaidoyer pour des investissements massifs en faveur des équipements sportifs, des investissements qui doivent venir de l'État mais aussi du secteur privé, que signe le député de la Moselle Belkhir Belhaddad dans son rapport intitulé "Quels équipements pour une nation sportive ?", remis vendredi 4 mars, à Metz, à Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des Sports.
La mission, confiée en décembre 2021 par le Premier ministre, avait pour ambition de dresser "les grandes lignes d'un schéma d'orientation relatif aux équipements sportifs afin d'assurer un modèle économique fiable de ces équipements mobilisant des crédits de l'État, des collectivités locales, des fédérations et du secteur marchand".
Triple défi
Avant d'en venir aux solutions, le rapport dresse un constat sombre mais loin d'être inédit : "La France fait face à un triple défi concernant ses infrastructures sportives." Défi quantitatif d'abord : "Le pays manque d’équipements capables d’accompagner les nouvelles pratiques et de faire de notre pays une 'nation sportive'." Défi qualitatif ensuite : "Les infrastructures actuelles sont vieillissantes et manquent d’entretien." Ainsi, sur les 272.000 équipements sportifs bâtis dont les collectivités sont propriétaires, près de 40% datent d’avant 1985 et 70% n’ont jamais fait l'objet de travaux importants. Défi territorial enfin : "L’implantation actuelle des équipements ne permet pas d’assurer un maillage équitable et équilibré du pays." Et le rapporteur de pointer des zones "particulièrement carencées" : quartiers prioritaires de la ville (QPV), zones de revitalisation rurale (ZRR) et territoires ultramarins. Il souligne même une situation "particulièrement dégradée" en ce qui concerne les piscines, construites pour 62% d'entre elles avant 1985.
Partant de ce triple constat, la première recommandation de Belkhir Belhaddad n'est pas d'ordre financier mais porte sur le recensement des équipements sportifs (RES), aujourd'hui piloté par le ministère des Sports et qui "semble avoir atteint ses limites". Le rapport évoque à son sujet "des dysfonctionnements dans la méthodologie de collecte et une attrition des moyens humains". Il demande donc son transfert à l’Agence nationale du Sport (ANS). Un transfert qui aurait notamment pour but de créer un outil qui réponde aux besoins de l’ANS et permettrait à l'agence, opérateur de l'État pour le financement des équipements, de mieux coordonner ses actions sur le territoire.
Impensés de la politique sportive
Mais l'essentiel des préconisations porte sur le financement des équipements et sur les critères qui doivent présider à leur octroi. Le rapporteur revient sur le programme 5.000 équipements sportifs de proximité, un financement d'État de 200 millions d’euros sur trois ans pour la rénovation et la requalification d’équipements de proximité et l’acquisition d’équipements mobiles. Pour lui, les périmètres de zonage et la définition même des projets susceptibles d’être aidés doivent être revus. Il souligne en effet que si l’éligibilité du plan porte sur 80% du territoire, il ne s’adresse qu'à 18% de la population, et qu'il exclut par ailleurs des aménagements urbains de type design actif.
Mais ce plan doit être dépassé pour répondre aux besoins non couverts en matière d’équipements sportifs plus structurants. Le rapport préconise plus généralement que les projets éligibles à des subventions publiques s’inscrivent "dans une approche globale et transversale, allant de la conception à l’animation des équipements sportifs en passant par le portage et la recherche de financements innovants".
Et Belkhir Belhaddad de préciser : "L’animation et l’exploitation des équipements sont trop souvent des impensés de la politique sportive alors qu’elles conditionnent en grande partie la durée de vie de l’infrastructure." La solution du député de la Moselle : "L’appui du monde économique auprès des collectivités territoriales porteuses de projet."
Loi de programmation
On en vient alors à la question centrale du financement, qui doit reposer sur "une meilleure planification des dotations publiques et une visibilité accrue des financements [afin] de sécuriser les opérations d’investissements des collectivités". Sans oublier "de nouveaux financements privés, notamment via le mécénat sportif".
Dans l'esprit du rapporteur, le programme 5.000 équipements sportifs de proximité et ses 200 millions ne sont que "la première étape avant la présentation d’un plan volontariste et massif d’investissements dans les infrastructures sportives". À l’issue de son déploiement, en 2024, Belkhir Belhaddad milite pour une loi de programmation 2025-2030 qui sécuriserait le financement des équipements sportifs à hauteur de 500 millions d’euros par an, un effort budgétaire que la mission juge "significatif mais soutenable pour l’État".
Au-delà de cette somme qui constituerait un choc inédit en termes d'investissements – l’ensemble des enveloppes allouées aux équipements sportifs, y compris au titre du plan de Relance, s’élève à 400 millions d’euros sur la période 2022-2024 –, cette programmation devrait être accompagnée "d’un renforcement des politiques d’achats responsables et durables intégrant des critères de performance énergétique des bâtiments et favorisant une approche en coût global afin d’anticiper les contraintes de fonctionnement, d’exploitation et de maintenance".
Ce rapport parlementaire – le premier du genre exclusivement consacré aux équipements – pousse encore la réflexion jusqu'à "penser la politique des équipements sportifs comme un outil au service de l’aménagement du territoire et d’optimisation du foncier existant". Il envisage à ce titre de valoriser des pratiques telles que le design actif ou la reconversion de friches en modifiant les règles d'urbanisme.
In fine, certaines de ses propositions, comme l’ouverture des équipements scolaires à d'autres publics, viennent d'être actées dans la récente loi de modernisation du sport. D'autres, à l'image de l'instauration du 1% sportif dans la construction, calqué sur le 1% culturel, ont déjà fait l'objet de débats non conclusifs. Quant aux plus audacieuses, telle la loi de programmation et ses 500 millions d'euros de dotation annuelle, elles pourraient servir de fil rouge aux politiques sportives du prochain quinquennat…