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Belkhir Belhaddad : "Il faut mieux intégrer l'offre d'équipements sportifs aux besoins des territoires"

Le député de la Moselle Belkhir Belhaddad s'est vu confier en décembre par le Premier ministre une mission afin de mieux connaître et coordonner les actions des collectivités territoriales en matière de gestion et de financement des équipements sportifs. Son rapport est attendu pour la fin février. Il revient pour Localtis sur l'ambition de sa mission.

Localtis - En quoi consiste la mission que le Premier ministre vous a confiée ?

Belkhir Belhaddad - Elle consiste à établir un état des lieux, une cartographie des bonnes pratiques des collectivités, non pas globalement en matière de sport, mais en particulier sur les équipements. Cette question des équipements sportifs a été peu documentée au regard des modes de pratique, de gouvernance, de gestion ou de financement.

Vous avez été adjoint au maire de Metz chargé des Sports et vice-président de l'Andes (Association nationale des élus en charge du sport). Pouvez-vous dresser un premier tableau général des équipements sportifs en France ?

Il y a environ 300.000 équipements sportifs en France. Rapportés au nombre d'habitants, on pourrait penser que c'est suffisant, pourtant ça ne l'est pas. Il y a des endroits extrêmement carencés. Il existe également des enjeux de performance énergétique et d'accessibilité de ces équipements. Aujourd'hui, si l'on devait financer la rénovation de l'ensemble des équipements, on aurait besoin d'environ 25 milliards d'euros, d'après la Cour des comptes. On observe encore que la pratique n'est pas majoritairement fédérée, loin de là, et qu'elle se féminise. Il s'agit donc de réfléchir à la façon de mieux intégrer l'offre d'équipements aux besoins des territoires, voir comment les acteurs du mouvement sportif et du secteur marchand peuvent avoir une place importante dans cet édifice à côté des collectivités qui, aujourd'hui, sont propriétaires de 80% des équipements.

N'y a-t-il pas eu ces dernières années un travail fait sur le sujet ?

Trouvez-moi des sujets qui sont suffisamment documentés sur cette question ! Un travail a été fait il y a quelques années sur les grands stades, les arénas et leur modèle économique. Pour le reste, qu'a-t-on fait ? Pas grand-chose…

Le plan en faveur de la construction ou la rénovation de 5.000 équipements sportifs de proximité doté de 200 millions d'euros, annoncé en octobre dernier par Emmanuel Macron et actuellement mis en œuvre par l'Agence nationale du sport (ANS), n'est-il pas une réponse au manque d'équipements ?

Vous avez raison, il y a une première réponse avec ce plan. Il s'agira d'ailleurs, dans le cadre de cette mission, de préciser l'impact qu'il pourra avoir sur la pratique des Français et sur la réduction des inégalités d'accès à la pratique. À propos de ce plan toujours, j'assure également, à travers cette mission, mon travail de contrôle parlementaire afin qu'il soit effectivement mis en œuvre et je vais mettre en place des indicateurs de suivi. Mais l'idée est d'aller au-delà et d'envisager un plan beaucoup plus large et ambitieux car aujourd'hui le parc d'équipements est vieillissant. Ces 5.000 petits équipements de proximité sont donc bien une première étape extrêmement importante qui nous donnera, je l'espère, du recul dans les deux ans qui viennent pour nous permettre de bâtir ce plan beaucoup plus ambitieux. 

Quelle place octroyez-vous à l'ANS en matière d'équipements sportifs ?

Ce n'est pas forcément l'ANS qui va faire ce travail sur les modalités d'organisation ou de financement. L'ANS a un budget, définit une stratégie, met en œuvre le plan en fonction de ses moyens, ça ne va pas forcément beaucoup plus loin. Il y a aussi des sujets transversaux qui ne concernent pas l'ANS. Par exemple la question des normes traitée dans le cadre de la Commission d'évaluation des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres). C'est un domaine où les enjeux financiers sont considérables pour les collectivités.

Les conférences régionales du sport – déclinaisons territoriales de l'ANS – sont aussi censées réfléchir aux équipements et à leur financement, à travers les conférences des financeurs qu'elles vont mettre en place cette année. Votre mission ne fait-elle pas doublon ?

Les conférences régionales du sport ont été créées juridiquement il y a trois ans, mais elles sont simplement en train d'être mises en œuvre. On les installe à peine dans certaines régions à la suite des élections de 2021. L'articulation avec les collectivités n'est pas du tout repensée dans une logique de réorganisation des politiques sportives et d'optimisation de l'occupation des équipements. Il faut donc repenser les modes d'intervention et de collaboration entre les services des sports et les pratiquants, et ce n'est pas le travail de l'ANS. Il y a une véritable complémentarité dans l'enrichissement qui peut être apportée à travers cette mission et les missions confiées à l'ANS. Notre complémentarité tiendra notamment à la question de la gestion des équipements.

Quelle va être votre méthode pour mener à bien votre mission ?

L'intérêt n'est pas d'avoir une vision simplement "collectivités" ou simplement "ANS" ou "mouvement sportif", mais une vision la plus transversale possible. Certes, l'Andes a réalisé des études, a sorti des modèles de convention pour les courts de tennis ou autres équipements, mais c'est très parcellaire. Chacun est dans son tuyau et cela ne donne pas de vision précise des enjeux sur la question des compétences, des normes, des financements. Bientôt les conférences régionales du sport, à travers leurs conférences des financeurs, vont traiter ce sujet, mais on voit bien aujourd'hui que les acteurs du monde économique ne sont pas du tout au rendez-vous sur ces sujets. L'objet de la mission est aussi de définir de nouveaux modèles d'intervention en matière de financement.

Un des enjeux de votre mission est-il justement de faire entrer des acteurs privés dans le financement des équipements ?

Ce n'est pas uniquement cela, il y a aussi le modèle de gouvernance. L'idée est, par exemple, de regarder ce qu'on a fait dans le domaine du sport-santé pour lui donner un cadre national. Tout est parti de bonnes pratiques sur le territoire. On ne veut pas que cela parte forcément de Paris. Il y a de bonnes pratiques dans les territoires en matière de gestion, de financement des équipements, avec ou sans intervention de personnes privées. On demande aux fédérations de faire des efforts sur la question de la gouvernance mais on leur donne aussi, à travers l'ANS, les moyens d'être beaucoup plus autonomes. Il faut chercher à traduire cela très concrètement en matière de gestion des équipements. Dans le secteur marchand, les mutuelles interviennent énormément dans une logique de santé publique, en finançant des activités physiques pour des personnes malades. Pourquoi ne pas les impliquer plus fortement dans les équipements ? On peut aussi aller vers des propositions d'ordre fiscal. Je vais d'ailleurs porter un amendement pour permettre aux mutuelles de financer plus facilement du fonctionnement mais aussi de l'investissement. Je n'écarte rien. Je vais faire en sorte d'avoir une cartographie la plus complète possible. Et tout cela s'inscrit à l'horizon 2030-2040.

Dernier point, celui des équipements du sport professionnel que vous connaissez bien à travers votre expérience d'élu à Metz. Le débat sur la propriété des stades, déjà ancien, n'a pas beaucoup avancé…

Certains maires souhaitent absolument garder dans leur giron des équipements sportifs professionnels qui font partie de l'attractivité du territoire, de son image. On ne peut donc pas imposer un modèle mais on peut orienter vers une façon de sécuriser les ressources. Ce qu'il ne faut pas, c'est privatiser les recettes et socialiser les dépenses. Ce modèle ne peut pas durer, il faut le changer petit à petit. Le chantier des équipements du sport professionnel reste donc devant nous. La garantie d'emprunt imaginée par la loi du 1er mars 2017 [afin que les sociétés sportives puissent investir dans leurs propres équipements moyennant des emprunts garantis pas les collectivités, ndlr]  n'a pas été autant utilisée que nous le souhaitions. Le modèle que je continue de soutenir, et qui commence à porter ses fruits sur ma ville, c'est le bail emphytéotique. Le club n'est pas propriétaire de l'équipement mais en a totalement l'usage. Surtout, sur 90 millions d'euros investis [à Metz], les collectivités ne prennent en charge qu'un tiers, le reste est pris en charge par de l'emprunt [du club] et des acteurs privés. Le modèle commence à évoluer et on échange beaucoup avec les présidents de club et la Ligue de football professionnel.