Qui pour porter la voix des collectivités au sein du Parlement européen ?
Les eurodéputés se sont réunis en commissions, mardi 23 juillet, pour élire leurs présidents et vice-présidents. La France n'obtient qu'une présidence (affaires économiques et monétaires) et quelques vice-présidences, dont une pour la commission du développement régional qui a fait l'objet d'une passation de pouvoir entre le Français Younous Omarjee (promu vice-président du Parlement) et le Roumain Adrian Benea. Revue de détail.
Au contraire de leurs homologues allemands, rares sont les députés français à avoir obtenu des postes clés dans les 20 commissions et 4 sous-commissions du Parlement européen, lors de leur séance constitutive, mardi 23 juillet. Seule la socialiste Aurore Lalucq, coprésidente de Place publique, a été élue à la tête d'une commission, et ce pour une durée de deux ans et demi. Pas n'importe laquelle cependant, puisqu'il s'agit des affaires économiques et monétaires (ECON). Seule candidate, son vote s'est fait par acclamation. "Les questions économiques seront clefs durant ce mandat. Les défis qui nous attendent ne manquent pas : restaurer la place de l’Union européenne dans l’industrie mondiale, trouver des marges de manœuvre pour financer les investissements nécessaires à la défense, l’industrie verte et numérique, assurer l’autonomie stratégique de l’Europe ou encore la stabilité bancaire et financière", a-t-elle réagi dans un communiqué, dans la lignée des récentes orientations d'Ursula von der Leyen (voir notre article du 18 juillet) dont elle a voté la reconduction la semaine dernière, comme la plupart des membres de son groupe. On notera à cet égard que la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) a été attribuée au Polonais Borys Budka (PPE). Économiste de formation, Aurore Lalucq s'est notamment illustrée ces derniers mois en portant une initiative citoyenne visant à la création d'un impôt sur les grandes fortunes européennes appelé "Tax the rich".
Derrière cette prise, la France devra se contenter de plusieurs postes de vice-présidents. Dont un de premier vice-président dévolu à Manon Aubry (La Gauche), qui supervisera la commission commerce international (INTA), présidée par l'Allemand Bernd Lange (S&D). Ce dernier entame ainsi son cinquième mandat de deux ans et demi à la tête de cette commission.
"Nous devons préserver les principaux piliers de notre politique de cohésion"
Nommé la semaine dernière vice-président du Parlement (voir notre article du 22 juillet), le Français Younous Omarjee a cédé son fauteuil de président de la commission du développement régional (REGI) au Roumain Adrian-Dragos Benea. Ce dernier a été maire adjoint de sa ville natale de Bacău (136.000 habitants), dans le nord-est de la Roumanie, et président du conseil départemental de Bacău (2004-2016). Il a à ce titre été membre du Comité des régions à partir de 2012. "La commission REGI sera confrontée à deux défis : assurer une mise en œuvre harmonieuse de la période 2021-2027 et préparer un nouveau paquet de politique de cohésion. Nous devons préserver les principaux piliers de notre politique de cohésion : un budget solide, une gestion partagée, une gouvernance à plusieurs niveaux, une approche locale et le principe de partenariat. Je veillerai à ce que notre commission soit pleinement impliquée dans toutes les étapes de la conception de la nouvelle capacité d’investissement", a-t-il déclaré alors que l'avenir de la politique de cohésion est source d'incertitudes (voir notre article du 19 juillet).
La Française Nora Mebarek (S&D) a été élue deuxième vice-présidente de cette commission. Cadre du PS originaire des Bouches-du-Rhône, elle a travaillé au sein du cabinet de Michel Vauzelle au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur entre 2019 et 2012. Elle a aussi été conseillère municipale d'Arles. Elle avait rejoint le Parlement européen en 2020 suite au contingent ouvert par le Brexit, au sein du groupe S&D. "Je m'engage à promouvoir des politiques qui réduisent les inégalités territoriales et soutiennent le développement durable de nos régions", a-t-elle déclaré.
Outre que la position de la présidente de la Commission nécessite encore d'être clarifiée, les défenseurs de la politique de cohésion risquent de trouver la très stratégiques commission des budgets sur leur route qui incombe au nationaliste flamand Johan Van Overtveldt (CRE). À plusieurs reprises, ce dernier s'est positionné pour que le financement des nouvelles priorités de l'UE (défense et compétitivité) ne passe pas par des augmentations budgétaires mais par des transferts de l'agriculture et de la cohésion, les deux premiers postes budgétaires européens.
"Redynamiser les territoires ruraux"
Pour ce qui est de l'agriculture (Agri) justement, elle revient à la Tchèque Veronika Vrecionová (CRE), qui était déjà rapporteure lors de la précédente législature sur les cultures génétiquement modifiées. Elle s'est fixé quatre priorités : la prochaine réforme de la politique agricole commune, la réduction de la charge administrative qui pèse sur les petites et moyennes exploitations, le progrès en matière de bien-être animal et la promotion du développement rural. Le Français Éric Sargiacomo (S&D) a été élu troisième vice-président de cette commission. "Notre mission est claire, nous devons revoir de fond en comble les politiques agricoles et alimentaires européennes pour véritablement accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique, garantir aux Européens l'accès à une alimentation de qualité et redynamiser les territoires ruraux tout en préservant la biodiversité et en faisant face à la crise climatique", s'est-il positionné.
L’Italien Antonio Decaro (S&D) a été élu président de la commission de l’environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire (ENVI), succédant ainsi au Français Pascal Canfin qui devient coordonnateur pour le groupe Renew Europe au sein de cette commission. "Nous allons continuer le Pacte vert d'une manière ambitieuse en donnant à tous l'accès aux solutions zéro carbone", a réagi ce dernier sur X.
Aux affaires étrangères confiées à l'Allemand David McAllister (PPE), seul candidat à sa propre succession, Mounir Satouri (Verts/Ale) devient président de la sous-commission des droits de l'homme (DROI) et Christophe Gomart (PPE), premier vice-président de la sous-commission sécurité et défense, également présidée par une Allemande, Marie-Agnes Strack-Zimmerman (Renew Europe).
Dernière Française à obtenir un poste clé, Emma Rafowicz a été élue deuxième vice-présidente de la commission culture et éducation (CULT). Celle-ci sera présidée par l'Allemande Nela Riehl (Verts/ALE), élue face à Malika Sorel, du groupe Patriotes pour l'Europe. À noter à cet égard que le RN qui était arrivé largement en tête lors du dernier scrutin, décrochant 30 des 81 sièges français, n'obtient aucun poste clé.
Parmi les autres domaines stratégiques, on mentionnera la commission marché intérieur et la protection des consommateurs (IMCO), qui sera supervisée à nouveau par l'écologiste allemande Anna Cavazzini ou encore la commission des transports et du tourisme (TRAN) présidée par la Grecque Elissavet Vozemberg-Vriondi (PPE).