Conférence sociale - Quand le "zéro charge" pour l'apprentissage refait surface
En ouvrant la troisième conférence sociale, lundi 7 juillet, le président de la République François Hollande a annoncé une "réunion sur l'apprentissage et l'alternance" pour la rentrée prochaine. L'objectif sera de "lever tous les blocages" et d'évaluer "ce qui marche et ce qui ne marche pas". Sans reprendre à son compte l'idée de renouer avec le "zéro charge", comme le souhaiterait le Medef, François Hollande a évoqué "les charges considérées comme trop lourdes par les employeurs".
L'emploi des jeunes, et particulièrement l'alternance, est discuté lors de la deuxième journée de cette conférence, mardi 8 juillet, dans le cadre de deux tables-rondes : "Amplifier l'action pour l'emploi, en particulier pour les jeunes, les seniors et les personnes en difficulté", présidée par François Rebsamen, ministre du Travail, et "Assurer le passage de l'école à l'insertion professionnelle des jeunes", présidée par Benoît Hamon, ministre de l'Education nationale, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
Lors de son discours d'ouverture, François Hollande a insisté sur la nécessité de mobiliser tous les acteurs, à commencer par les partenaires sociaux, les régions et les chambres de métiers. Il a regretté les "chiffres dérisoires en termes d’accueil d’apprentis" au sein des collectivités. Il a même fixé un objectif de 10.000 apprentis dans les administrations de l'Etat à compter de la rentrée 2016, contre 700 aujourd'hui.
Car l'objectif général reste celui fixé depuis le début du quinquennat : 500.000 apprentis d'ici 2017 en France. Mais, depuis, les chiffres sont à la baisse. Entre 2012 et 2013, les contrats d'apprentissage ont ainsi subi une baisse de 8% (à 273.000). Elle atteint 6% pour les contrats de professionnalisation (117.000). Depuis le début de l'année, ces deux types de contrats ont chuté de 14% !
Refonder l'apprentissage
C'est ce qui a poussé le Medef à présenter, le 3 juillet 2014, dix mesures, dont le dispositif "zéro charge", pour refonder l'apprentissage. Il préconise ainsi la mise en oeuvre dès la rentrée 2014 d'une exonération totale des charges sur les nouvelles entrées en alternance. Coût estimé de la mesure : 250 millions d'euros.
Pour rappel, un dispositif de zéro charge pour les entreprises recrutant un apprenti avait déjà été mis en place dans le cadre d'un plan Jeunes lancé en avril 2009 pour un an. En mars 2011, il revoyait le jour, à la faveur d'un plan d'action pour l'emploi cette fois-ci, à nouveau pour un an. Quoi qu'il en soit, si le gouvernement Valls retenait cette mesure, ce serait un revirement important par rapport au gouvernement Ayrault qui avait supprimé l'indemnité compensatrice forfaitaire pour les entreprises de moins de onze salariés, dans le cadre de la loi de finances pour 2014 (mais les régions peuvent prendre le relais en proposant une prime régionale d'apprentissage si elles le souhaitent).
Le Medef a aussi proposé que soit revue la réforme de la taxe d'apprentissage, en "rendant aux entreprises la part prélevée en faveur des régions", et en libérant leur possibilité d'utilisation de cette taxe, notamment pour financer les centres de formation d'apprentis (CFA). La réforme instaure ainsi une fraction régionale de la taxe d'apprentissage de 56%. Soit environ 1,544 milliard d'euros, qui seront directement versés par les entreprises aux conseils régionaux. Elle réduit dans le même temps de 43% à 23% le hors-quota, qui correspond aux sommes que les entreprises peuvent librement affecter aux établissements de leur choix.
"Si certaines mesures peuvent être adoptées dès cet été, nous le ferons"
Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas fermé la porte aux demandes du Medef en ce qui concerne le zéro charge. Dans un entretien paru dans Les Echos du 4 juillet, François Rebsamen a ainsi fait un pas en avant. S'il insiste sur la nécessité de réduire les freins psychologiques (l'image de l'apprentissage) et réglementaires (des simplifications à venir sur le temps de travail ou la meilleure application des conditions de sécurité notamment pour les mineurs), il ne renonce pas à réduire les freins financiers. "S'il faut aussi que l'Etat fasse un effort financier pour envoyer un signal et décoincer la situation, je suis prêt à défendre un tel geste, a-t-il affirmé. Sous quelle forme ? Il y a des propositions, par exemple le 'zéro charge'. Nous discuterons de tout cela lors de la conférence sociale et si certaines mesures peuvent être adoptées dès cet été, nous le ferons."
D'autres, à l'image du Ceru, un cercle de réflexion spécialisé dans l'éducation, pensent qu'il faudrait aussi davantage inciter les régions à utiliser les fonds disponibles. Selon une note du Ceru publiée le 3 juillet, "10 régions sur 26 n'ont pas dépensé l'intégralité des fonds qui leur sont alloués au titre de la taxe d'apprentissage", soit environ 200 millions d'euros au total qui ne sont pas engagés au titre du soutien à l'apprentissage… "Si la loi crée un nouveau mode de financement des politiques régionales, le gouvernement n'a prévu aucun texte pour obliger les conseils régionaux à le dépenser pour l'apprentissage", conclut le Ceru…
Les régions ont appelé, elles, à "la mobilisation générale de tous les acteurs". "Les mauvais chiffres enregistrés depuis trois ans sur l’apprentissage obligent à une réaction commune de tous les acteurs", souligne l'Association des régions de France, dans un communiqué du 4 juillet. "Le contexte financier stabilisé, inscrit dans la loi de finances rectificative, et le dynamisme de la taxe d’apprentissage permettront aux régions de consacrer davantage de moyens pour le développement quantitatif et qualitatif de l’apprentissage dans les prochaines années", assure-t-elle. Selon les régions, la réforme de la taxe d'apprentissage devrait permettre d'augmenter de 10% les moyens consacrés à l'apprentissage d'ici à 2017.