Commande publique - Prudence en matière de reconduction tacite...
Par un arrêt du 4 mai 2015, le Conseil d'Etat apporte des précisions relatives à la clause tacite de reconduction et rappelle les moyens permettant d'écarter un contrat lors d'un litige opposant les parties à cette convention.
En l'espèce, la commune de Luisant avait conclu trois contrats de fourniture de mobilier urbain avec la société Bueil publicité mobilier urbain. Ces concessions, passées sans publicité ni mise en concurrence préalable, prévoyaient un renouvellement par tacite reconduction. Cependant la collectivité a informé la société par une lettre du 28 octobre 2010 de la résiliation des contrats "devenus nuls à raison de l'illégalité de la clause de reconduction tacite". Elle lui a donc enjoint de retirer son mobilier. Suite à cette décision, la société Bueil a saisi le tribunal administratif d'Orléans afin d'obtenir des dommages et intérêts en réparation de la perte des bénéfices attendus de l'exécution des contrats et au titre de l'enrichissement sans cause. Sa demande indemnitaire a été rejetée, de même que son appel devant la cour administrative d'appel de Nantes. Elle s'est donc pourvue en cassation auprès du Conseil d'Etat qui a dû déterminer si le litige devait être réglé sur le terrain contractuel ou non, c'est-à-dire si l'application de la clause de reconduction tacite était d'une gravité telle qu'elle justifiait l'écartement du contrat.
En effet, l'arrêt Béziers I du 28 décembre 2009 (CE, 28 décembre 2009, n°304802) pose le principe de la loyauté des relations contractuelles. Ainsi seules des irrégularités "d'une particulière gravité" peuvent empêcher les parties de respecter leurs obligations contractuelles. Un juge saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat doit donc appliquer ce dernier. Le contrat pourra être écarté seulement si un grave manquement aux règles de passation est relevé et si les circonstances de l'affaire le justifient.
Pour le Conseil d'Etat, la clause de tacite reconduction ne peut en l'occurrence permettre d'écarter le contrat. La condition de gravité n'est pas remplie et le juge d'appel a donc eu raison de se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle. La haute juridiction avait déjà statué en ce sens en 2011 (CE, 23 mai 2011, n°314715). Par ailleurs, le fait que les parties se soient seulement basées sur la responsabilité quasi-contractuelle et quasi-délictuelle sans avoir été invitée à débattre ensuite sur le terrain contractuel ne contrevient pas au principe du contradictoire.
Les sages du Palais Royal ont en conséquence répondu par la négative et rejeté la demande du titulaire. Le Conseil d'Etat cherche ainsi à limiter le recours à ces clauses excluant toute publicité et mise en concurrence. En effet, selon la jurisprudence classique "Commune de Paita" du Conseil d'Etat (CE, 29 novembre 2000, n°205143), le contrat résultant de l'application de la tacite reconduction a le caractère d'un nouveau contrat. Le pouvoir adjudicateur doit donc le conclure dans le respect des règles de publicité et mise en concurrence.
L'Apasp
Référence : CE, 4 mai 2015, n°371455.