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Commande publique - Contrats publics : attention à l'utilisation abusive des clauses de tacite reconduction

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 10 octobre 2012, confirme sa décision du 20 avril 2011, Commune de Baie-Mahault (voir ci-contre notre article du 26 avril 2011). Il rappelle les principes de règlement des litiges portant sur l'exécution d'un contrat et condamne l'utilisation abusive des clauses de tacite reconduction.
Dans les faits, le 29 novembre 1991, la commune de Baie-Mahault avait conclu avec la société Serco un marché de mobilier urbain, ayant pour objet la location de trois journaux électroniques d'information pour une durée de dix ans. Le contrat a été renouvelé chaque fois par tacite reconduction en 2001, puis 2006 pour une durée de cinq ans.
En raison du non-paiement de factures dues au titre de l'exécution du contrat, la société Serco a saisi le tribunal administratif. Le 26 juin 2008, le tribunal a fait droit à sa demande en condamnant la commune à verser à la société la somme de 1.187.605,41 euros. La commune forme un appel contre cette décision avec pour moyen principal que le marché aurait été conclu selon une procédure négociée irrégulière et sans mise en concurrence. Le 11 mars 2010, la cour d'appel rejette sa requête et confirme le jugement du tribunal au motif que le moyen présenté par la commune se rattache à la procédure de passation du marché et ne concerne pas l'exécution du contrat ni son contenu, ni les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement.
Le Conseil d'Etat rappelle que le règlement d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat doit se faire sur la base des termes du contrat concerné. Cependant, si le contrat présente une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu ou à un vice d'une gravité particulière relatif aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, le juge ne réglera pas le litige sur le terrain contractuel. Toutefois, invoquer un manquement aux règles de passation des marchés dans un litige relatif à l'exécution du contrat ne permet pas d'écarter le contrat pour le règlement du litige, sauf si la gravité de cette illégalité et les circonstances le justifient.
Ainsi, les juges de la Haute Cour considèrent que la cour d'appel a commis une erreur de droit pour ne pas avoir recherché si le moyen d'un recours à la procédure négociée irrégulière et de l'absence d'avis favorable et motivé de la commission d'appel d'offre nécessitait d'écarter l'application du contrat. Par conséquent, le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour d'appel. Cette annulation conduit les magistrats de la Haute Cour à étudier de nouveau l'affaire sur le fond. En effet le litige relatif à l'exécution du contrat initial conclu pour dix ans doit être résolu sur le terrain contractuel car la durée du marché n'est pas une règle de passation illégale. Elle a été fixée en fonction des besoins de la personne publique et de la prestation. Mais le litige né des deux contrats reconduits tacitement ne peut être fondé sur le terrain contractuel car la clause de tacite reconduction appliquée en 2001 et 2006 l'a été en méconnaissance des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à la commune. L'usage abusif des clauses de tacite reconduction est ici sanctionné par le Conseil d'Etat. Pour prétendre au remboursement des factures litigieuses concernant les contrats renouvelés tacitement, la société devra intenter une action sur le terrain quasi-contractuel.

L'Apasp

Référence : Conseil d'Etat, 10 octobre 20012, n° 340647

 

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