Enfance - Protection des mineurs contre les sectes : la Miviludes compte sur les collectivités
La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) publie un guide intitulé "La Protection des mineurs contre les dérives sectaires". Ce document d'environ 130 pages dresse un tableau très complet de la nature des dangers et des moyens d'y faire face. La protection des enfants constitue un enjeu important puisque - selon Georges Fenech, président de la mission - "leur vulnérabilité physique et psychologique, leur dépendance matérielle les désignent comme une proie facile [sic] pour des mouvements porteurs de dérives sectaires, notamment lorsque la vigilance du titulaire de l'autorité parentale est elle-même défaillante". Le guide se fixe donc pour objectif "de permettre à tous les acteurs institutionnels, à tous les professionnels de la protection des mineurs d'être en situation de repérer ces risques, en leur fournissant les indicateurs, et par voie de conséquence de mieux agir le plus précocement pour les mettre hors de danger".
Conçu dans un esprit très pratique et pédagogique, le document commence par fournir les données de base sur un certain nombre de points, comme le lien entre les risques de dérive sectaire et l'enfance en danger, la définition de la dérive sectaire ou encore les différentes étapes de la mise en place d'une emprise sectaire. Deux cas pratiques permettent d'illustrer concrètement ces explications.
La seconde partie du guide - la plus volumineuse - se penche sur le repérage et sur l'évaluation du risque sectaire. Au-delà de l'approche générale - quels sont les indices permettant de déceler un risque de dérive sectaire ? -, les auteurs ont choisi d'aborder la question "en situation", autrement dit de consacrer un chapitre à chacune des principales catégories d'acteurs concernés. Un développement est ainsi consacré à la protection maternelle infantile qui peut jouer un rôle important dans la prévention des risques sectaires dans le champ de la périnatalité et de la petite enfance. Comme pour chaque catégorie, le guide liste un certain nombre d'indices qui doivent inciter à se montrer vigilant. Il invite également à la même vigilance lors de certains moments-clés, comme les bilans de santé en école maternelle ou l'entretien psychosocial du quatrième mois de grossesse - que tous les départements sont au demeurant loin d'avoir systématisé -, qui peut être l'occasion de repérer des situations de détresse dont une secte pourrait chercher à profiter. Enfin, le guide rappelle la nécessité d'être attentif lors de l'agrément des assistantes maternelles.
Un autre chapitre est consacré aux professionnels de l'action sociale, bien placés pour repérer les risques et pour aider les mineurs et leur famille. A ce titre, il dresse une typologie des situations les plus fréquentes : mineurs délaissés du fait de l'emprise sur les parents, mineurs mis en danger par les pratiques des parents à leur égard, mineurs confiés par leurs parents au leader ou à l'organisation... Mais il met aussi en garde contre certains écueils à éviter dans l'appréhension du risque sectaire : se laisser entraîner sur le terrain des croyances religieuses, ignorer ou minimiser la problématique de l'emprise sectaire, dramatiser au contraire le contexte ou encore céder à la fascination. Un autre chapitre aborde la question - délicate - de l'échange d'informations entre acteurs de la protection de l'enfance et du "secret partagé". Aucune ambiguïté, en tout cas, du côté de la Miviludes, qui plaide résolument en faveur de la nécessité du secret partagé pour appréhender le risque sectaire. Enfin, un chapitre aborde le rôle du maire en la matière, un sujet déjà largement traité dans le guide consacré, en 2008, aux collectivités territoriales face aux dérives sectaires (voir notre article ci-contre du 24 juin 2008).
La troisième partie du guide aborde un sujet déjà bien connu des travailleurs sociaux, puisqu'elle concerne les modalités de signalement et de prise en charge des mineurs en danger. Les explications sur la façon de recueillir la parole de l'enfant dans un contexte sectaire seront cependant utiles aux professionnels confrontés à une telle situation. Enfin, les annexes fournissent les textes juridiques, ainsi qu'une bibliographie et des contacts utiles.
Jean-Noël Escudié / PCA