Archives

Enfance - Lutte contre les sectes : comment faire respecter l'obligation scolaire ?

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a pour mission non seulement d'informer le grand public sur les sectes, mais également de coordonner l'action des pouvoirs publics et de contribuer à l'information et à la formation des agents publics. C'est dans ce cadre qu'elle a publié en 2008 un guide intitulé "Les collectivités territoriales face aux dérives sectaires" (voir ci-contre). Si les néo-chamans et les nutritionnistes fantaisistes sont dénoncés dans son rapport 2009 publié le mercredi 7 avril, un thème abordé cette année concerne directement les collectivités : il s'agit de la protection des mineurs face aux dérives sectaires. Deux niveaux de collectivités sont en première ligne : les communes et les départements.

 

Protection de l'enfance : un guide pour la fin de l'année

Côté conseils généraux, la Miviludes pointe l'amélioration qu'a constitué l'adoption de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance : elle estime que la législation en vigueur "permet en principe de circonscrire avec efficacité le phénomène sectaire lorsqu'il met les mineurs en danger".
Dans la pratique, l'application de ce texte "peut se révéler néanmoins délicate s'agissant d'un phénomène difficile à repérer et à analyser, aussi bien au niveau de la prévention que de l'enquête pouvant aboutir à des poursuites pénales. En effet, la situation d'un mineur en danger sectaire ne peut être appréhendée comme toute autre situation de risque ou de maltraitance avérée". Une seule solution : la formation de l'ensemble des intervenants. C'est dans cette optique que sera publié au troisième trimestre 2010 un "Guide pratique de la protection de l'enfance face aux dérives sectaires." Il fournira des repères législatifs, des outils pratiques et des études de cas concrets pour faciliter le travail de repérage, la prévention et le traitement de ces situations.

 

Niveau communal : contrôler les enfants instruits à domicile, "sans suspecter par principe"

Le rapport souligne également le rôle des maires dans le contrôle de l'obligation scolaire : outre l'établissement de la liste des enfants soumis à l'obligation scolaire, le maire doit suivre les enfants instruits à domicile. Pour chacun de ces enfants, la mairie doit réaliser une enquête dès la première année de non-scolarisation puis tous les deux ans. Celle-ci a pour but d'établir les raisons de cette instruction à domicile et de vérifier s'il est donné aux enfants une instruction compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête doit être communiqué à l'inspecteur d'académie.
13.547 enfants de 6 à 16 ans étaient instruits à domicile en 2007-2008 selon une enquête du ministère de l'Education nationale dont la synthèse est reproduite dans le rapport. La grande majorité de ces enfants (10.272) étaient inscrits au Cned (Centre national d'enseignement à distance) en classe à inscription réglementée (inscription après avis favorable de l'inspecteur d'académie). 1.392 étaient inscrits dans un organisme privé d'enseignement à distance ou au Cned en classe à inscription libre et 1.883 étaient instruits à domicile sans inscription déclarée dans un organisme d'enseignement à distance.
Pour le directeur de cabinet du ministre de l'Education nationale, "s'il doit être rappelé que la solution retenue pour ces enfants par leurs familles correspond en elle-même à l'exercice d'une liberté et ne doit pas être suspectée par principe, et s'il convient donc d'écarter tout amalgame entre instruction à domicile et risque de dérives sectaires, il faut cependant être conscient que la volonté de ne pas scolariser un enfant dans des structures publiques ou privées sous contrat peut, en de rares cas, ne pas résulter de considérations liées au bien-être et à l'épanouissement de l'enfant et s'avérer un terrain propice à la manifestation de risques de dérives sectaires" (lettre du 21 janvier 2010, rapport p.250).
En cas de problème, le conseil municipal peut créer, par délibération, un "Conseil des droits et des devoirs des familles" qui peut entendre la famille, l'informer de ses droits et de ses devoirs envers l'enfant, proposer des mesures d'aide à l'exercice de la fonction parentale (art. L141-1 du Code de l'action sociale et des familles). Si la situation est de nature à "compromettre l'éducation des enfants et la stabilité familiale", ce conseil peut proposer au maire de saisir le président du conseil général.
Le rapport propose enfin une étude de la jurisprudence actuelle sur ces questions ainsi qu'une liste complète des contacts utiles.

 

Hélène Lemesle