Protection de l’enfance : le Cese "pour un État qui joue réellement son rôle"
Sans plaider pour une recentralisation de cette politique, le Cese insiste sur la nécessité pour l’État d’affirmer son rôle dans le pilotage interministériel de la protection de l’enfance, dans le cadre d’une stratégie nationale et d’une contractualisation renforcée avec les départements. Dans son avis, le Cese recommande aussi d’aller vers une généralisation des comités départementaux pour la protection de l’enfance et de "créer une autorité nationale de contrôle des structures d’accueil des enfants protégés".
"La protection de l’enfance apparaît comme un cas d’école de la non-effectivité des politiques sociales", selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese) qui a adopté le 8 octobre 2024 un avis sur le sujet, en réponse à une saisine du président du Sénat.
Il y a un peu plus d’un an, le sénateur Bernard Bonne avait déjà alerté sur le fait qu'en matière de protection de l’enfance, l’écart entre des lois ambitieuses et la réalité se creusait de plus en plus (voir notre article). Pour les rapporteures de l’avis du Cese, Josiane Bigot - ancienne juge des enfants - et Élisabeth Tomé-Gertheinrichs, "le dispositif législatif n’a jamais été aussi abouti et protecteur" et les "objectifs que les lois de 2007, 2016 et 2022 donnent à l’ASE" (aide sociale à l’enfance) ont toute leur "pertinence". Elles observent cependant, à l’issue de leur état des lieux, "un fort et préoccupant contraste entre les objectifs que fixent les lois et la réalité de leur mise en œuvre".
"Ce ne sont pas les professionnels mais les dysfonctionnements d’un système qui sont pointés : pas de statistiques, pas d'évaluations, pas assez de contrôles", insistent-elles. Mais les dysfonctionnements, et en particulier le manque de prévention – "en contradiction directe" avec les objectifs législatifs - sont aussi la conséquence du manque de professionnels et de places dans les structures, indiquent-elles. Et les inégalités territoriales se renforcent, pointe le Cese. Cela concerne les taux de prise en charge, le niveau de recours aux mesures d’actions éducatives, la part des mesures judiciaires et les modes de prise en charge.
L’État doit être stratège et garant
Pour le Cese, la priorité est de revoir le pilotage interministériel de la protection de l’enfance, jugé "trop faible et mal articulé avec les départements". L’État doit "jouer réellement son rôle" de stratège et de garant, affirment les rapporteures. Ces dernières préconisent que soit formalisée tous les deux ans une stratégie interministérielle de prévention et de protection de l’enfance. Pour garantir l’application uniforme de cette stratégie sur le territoire, c’est une contractualisation renforcée avec les départements qui est recommandée – des contrats assortis d’objectifs chiffrés et de mécanismes de suivi, de péréquation entre départements et d’incitations financières.
Cette approche stratégie nationale-contractualisation doit être plus systématique que celle qui a été mise en œuvre depuis 2020 (voir notre article), selon le Cese qui appelle à prendre en compte "l’état des lieux des capacités et des besoins de chaque département" - état des lieux annuel qui serait confié au groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée. Pour une meilleure coordination locale entre les acteurs, le Cese propose de s’appuyer sur les comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE), suggérant "une accélération de cette expérimentation en vue d’une possible généralisation".
Parmi les autres préconisations de l’avis, citons l’appel à n’opérer "aucune distinction entre les mineurs non accompagnés et les autres mineurs", des moyens accrus pour les actions éducatives renforcées et la création de petites unités de vie, l’élaboration et le financement d’un plan de formation des professionnels, la désignation systématique d’un avocat spécialisé pour informer l’enfant protégé de ses droits et le renforcement du statut d’administrateur ad hoc.
Les rapporteures recommandent également de "créer une autorité nationale de contrôle des structures d’accueil des enfants protégés", qui aurait "un droit d’accès à tout moment à ces structures". Elles demandent la publication "sans délai" du décret sur les taux minimaux en accueil collectif et l’instauration d’"un nombre maximal de mesures suivies par chaque professionnel en milieu ouvert". L’avis pointe enfin la nécessité d’un engagement appuyé de la branche Familles de la Sécurité sociale en faveur de la prévention primaire en protection de l’enfance.