Archives

Energie - Proposition de loi Brottes : les députés votent en commission une nouvelle version du bonus-malus énergie

Après un parcours parlementaire chaotique, marqué notamment par un rejet au Sénat fin octobre dernier, la proposition de loi sur l'énergie du député PS de l'Isère François Brottes fait son retour à l'Assemblée nationale. Les députés de la commission des affaires économiques ont voté le 9 janvier une nouvelle version du texte. L'examen de la proposition de loi a eu lieu le jour de l'adoption de l'avis du Conseil économique social et environnemental (Cese) sur l'efficacité énergétique (voir ci-contre notre article du 8 janvier 2013). Ses membres (syndicats, organisations professionnelles, ONG environnementales) ont à cette occasion fustigé les modalités du texte législatif qu'ils estiment "injustes socialement".
Les principales modifications apportées par les députés concernent l'article 1er relatif au bonus-malus sur la consommation des énergies de réseau (électricité, gaz, chaleur). Un amendement de François Brottes réécrivant cet article a été adopté. Il entend ainsi "tenir compte des observations apportées par nos collègues sénateurs, et tirer profit des discussions menées au sein de notre assemblée, ainsi que des auditions de concertation", selon l'exposé des motifs.

Nouveau dispositif de calcul

Le dispositif commencera au 1er janvier 2015 et vise à "inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation". Mais il est désormais calculé de manière statistique. Et "le malus étant considéré comme un impôt, il est décidé de ne pas renvoyer au pouvoir réglementaire les éléments constitutifs de son élaboration", a précisé la commission.
Pour chaque site de consommation résidentiel et pour chaque énergie de réseau est établi un "volume de base", calculé à partir d'un "volume annuel de référence" qui est "représentatif du premier quartile le plus sobre de la population", de la localisation géographique (pour tenir compte des conditions climatiques et de l'altitude de la commune), et du "nombre d'unités de consommation". La première personne d'un foyer représente "une unité de consommation", la deuxième 50%, chaque personne supplémentaire 30%, sachant que "les taux sont réduits de moitié pour les enfants mineurs en résidence alternée au domicile de chacun des parents".
Le texte différencie le calcul du volume selon que l'énergie utilisée est "l'énergie principale du chauffage du site de consommation résidentiel" ou pas. A partir de ce volume de base sont définies trois tranches de consommation. La première correspond à un bonus, c'est-à-dire une diminution du prix du kilowattheure, qui est attribué au consommateur dans la limite du volume de base. Un premier malus, présenté comme un "signal pédagogique", s'applique lorsque la consommation est comprise entre 100 et 300% du volume de base. Un second malus "plus pénalisant" s'applique au-delà de 300% (contre 150% dans la première version). François Brottes souhaite ainsi "ne pas pénaliser un trop grand nombre de nos concitoyens".
Le niveau précis du bonus et des deux malus sera fixé par un arrêté des ministres chargés de l'énergie et de l'économie. Le bonus pour les consommations individuelles pourra aller jusqu'à 5 euros par mégawattheure (MWh) en 2015, jusqu'à 20 euros par MWh en 2016, et jusqu'à 30 euros par MWh en 2017. Le premier malus pourra respectivement aller jusqu'à 3, 6, puis 9 euros par MWh, et le second malus jusqu'à 20, 40, puis 60 euros par MWh.
Dans cette nouvelle version du texte, la collecte des données personnelles serait confiée à un organisme ad hoc, et non plus à l'administration fiscale. Les résidences secondaires seraient intégrées dans le dispositif selon des modalités spécifiques : elles ne pourraient pas se voir attribuer un bonus mais seulement les deux malus. Et le volume de base qui leur serait attribué serait égal à la moitié du volume de base alloué à une personne seule.

Alignement du chauffage collectif sur le régime de droit commun

Autre changement apporté au texte : le régime applicable au chauffage collectif est aligné sur le régime de droit commun "afin de garantir le principe d'égalité devant l'impôt". "Pour ce faire, le volume de base est attribué à l'ensemble de l'immeuble, en fonction du nombre de personnes résidant dans chaque logement ou, si certains de ces logements sont des résidences secondaires, de façon forfaitaire, selon les mêmes règles applicables aux autres résidences secondaires." Les fourchettes prévues pour les niveaux du bonus et du second malus diffèrent de celles des consommations individuelles : le bonus ira jusqu'à 10 euros par MWh en 2015, jusqu'à 20 euros par MWh en 2016 et jusqu'à 30 euros par MWh en 2017. Le second malus ira respectivement jusqu'à 10, 20 et 30 euros par MWh. Le texte modifie aussi la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés afin de favoriser l'individualisation des charges de chauffage : toute proposition en vue d'autoriser cette individualisation devra "être inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale", stipule-t-il. Cette mesure, qui concerne 80% des copropriétés, est défendue par le Cese, qui, dans son récent avis sur l'efficacité énergétique, estime que cela permettra une réduction immédiate de 20% de la consommation de chauffage dans les immeubles concernés.

Pas de barème social spécifique

Le barème social spécifique figurant dans la précédente version du texte est remplacé par une "possibilité de minoration du malus pour les ménages éligibles aux tarifs sociaux". Front de gauche et écologistes se sont néanmoins inquiétés de l'impact du malus sur les foyers les plus pauvres. L'amendement de François Brottes supprime aussi "les dispositions spécifiques aux relations entre locataires et propriétaires […] en raison du manque de fiabilité juridique et technique du DPE [diagnostic de performance énergétique]". "Ces derniers n'étant pas juridiquement opposables, à l'heure actuelle, des règles de partage de responsabilité entre locataires et propriétaires ne peuvent donc être envisagées." En première lecture, les députés avaient prévu la possibilité de déduire du montant du loyer une fraction du malus pour les locataires vivant dans des passoires thermiques.
"Le bonus-malus est équilibré entre les consommateurs. Les fournisseurs effectuent donc une péréquation au sein de leur portefeuille de clients et un fonds de compensation, géré par la Caisse des Dépôts et Consignations, est institué pour corriger les déséquilibres entre les fournisseurs", précise encore l'exposé des motifs de l'amendement.
Les amendements portant sur les autres articles (tarifs sociaux, eau, éolien) sont essentiellement des amendements de rédaction et de précision. Quelques amendements de l'opposition ont été adoptés, dont un prévoyant que les départements interviendront dans le recensement des ménages précaires pour les tarifs sociaux.
La droite a ferraillé sur les mesures modifiant la règlementation de l'éolien, prévenant que le Conseil constitutionnel risquait de les censurer pour absence de lien avec le fond du texte. En l'absence de la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, les amendements du gouvernement n'ont pas été défendus et seront discutés lors de l'examen dans l'hémicycle à partir du 17 janvier.