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Prolongation de l'urgence sanitaire : le Conseil constitutionnel valide l'essentiel, sous quelques réserves d'interprétation

Deux jours après l'adoption du texte, le Conseil constitutionnel – saisi par le chef de l'Etat, puis par le président du Sénat et plus de 60 parlementaires de gauche – a validé la quasi-totalité du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (voir nos articles ci-dessous).

Ne s'étant autosaisi d'aucun autre article, le Conseil a ainsi validé les dispositions sur la responsabilité pénale des élus et des employeurs en situation de crise sanitaire, en considérant, dans un euphémisme, qu'elles "ne diffèrent pas de celles de droit commun" (autrement dit, sont un simple affichage qui ne modifie en rien le droit existant). Il a également considéré que les dispositions sur les transports, les ERP et les possibilités afférentes de réquisition ne méconnaissent pas les libertés fondamentales et ne sont donc pas contraire à la Constitution.

L'attention du Conseil s'est portée essentiellement sur les mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement, ainsi que sur la création d'un système d'information pour le suivi des malades et de leurs contacts. Il a censuré deux dispositions assez secondaires de ces articles et prononcé plusieurs réserves d'interprétation.

Sur la quarantaine et le confinement de certaines personnes arrivant en France, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition très secondaire sur le chevauchement entre l'actuel et le nouveau dispositif de mise en quarantaine et d'isolement. Il a surtout formulé une réserve précisant que les dispositions de la loi ne sauraient "permettre la prolongation des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement imposant à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour sans l'autorisation du juge judiciaire" (l'intervention du juge dans ce cas de figure n'étant pas spécifiquement prévue par le texte de la loi).

Sur le système de traçage des malades et de leurs contacts, le Conseil constitutionnel, s'il a validé la longue liste des professionnels et institutions ayant accès aux données ainsi recueillies, a en revanche censuré l'accès à ces données des organismes assurant l'accompagnement social des intéressés (comme les CCAS). Il a en effet considéré que "s'agissant d'un accompagnement social qui ne relève pas directement de la lutte contre l'épidémie, rien ne justifie que l'accès aux données à caractère personnel traitées dans le système d'information ne soit pas subordonné au recueil du consentement des intéressés".

Le conseil a également formulé une réserve d'interprétation sur le fait que l'exigence de suppression des noms et prénoms des intéressés, de leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques et de leur adresse - dans les parties des traitements informatiques ayant uniquement pour finalité la surveillance épidémiologique et la recherche contre le virus - doit également s'étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés. Il a aussi formulé deux autres réserves sur le fait qu'"il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir des modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité" et sur le fait que le recours à d'éventuels sous-traitants "doit s'effectuer en conformité avec les exigences de nécessité et de confidentialité mentionnée par la présente décision".

Comme le fait remarquer le communiqué du Conseil constitutionnel, celui-ci a "jugé pour la première fois que, lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités".

Références : Conseil constitutionnel, décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020, loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

 

 

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