COP 21 - Projets climat : les collectivités doivent pouvoir accéder aux financements, selon François Hollande
"Il faut rassembler les ressources et les moyens, et donc faire droit à votre proposition qui est que les collectivités locales, les gouvernements locaux, les territoires puissent accéder directement aux fonds, aux fameux 100 milliards de dollars que nous devons rassembler d'ici 2020", a affirmé le 1er juillet à Lyon François Hollande, lors de la première journée du sommet mondial Climat et Territoires. "Ça, c'est l'enjeu majeur", a déclaré le président de la République, devant un parterre d'élus et responsables de 400 collectivités (70 nationalités), qui ont salué ces propos par une salve d'applaudissements. Pour les collectivités des pays du Sud, notamment, la possibilité d'accéder à des financements internationaux pour leurs projets climat constitue en effet une revendication essentielle.
"Construire des territoires durables"
D'ici 2050, les villes accueilleront les deux tiers de l'humanité et émettront 75% des émissions de CO2, a rappelé le chef de l'Etat. "Ces chiffres donnent le vertige. Que vont devenir les espaces ruraux ?" Sans eux, il n'y a "pas de vie possible, pas d'agriculture, pas d'alimentation". "Nourrir la planète est aussi l'un des enjeux de la COP 21." Aussi, "le premier enjeu avant de parler des villes est de parler des espaces ruraux". Le président de la République a insisté "sur l'enjeu urbain". "Nous devons faire des villes différentes de celles qui existent aujourd'hui. Les villes déjà construites, il faut les convertir. Les villes pas encore construites, les villes que nous devons préparer, si c'est la reproduction" de celles existantes, "alors c'est une fatalité pour la planète". D'où son appel à "construire des territoires durables".
François Hollande souhaite que les gouvernements locaux soient "associés" à la conférence sur le climat (COP21) à la fin de l'année. "A Paris, une journée sera dédiée uniquement aux territoires. Ils ne feront pas que prendre la parole, mais participeront aux négociations", pourtant réservées aux Etats, a-t-il assuré. Car "quand on lit les textes" des négociations, "on a parfois du mal à les comprendre. Il y a tellement de concepts, de chiffres, de calculs…" Pour le chef de l'Etat, "on veut réduire le réchauffement de 2 °C, mais on ne sait plus les références. On veut déjà réduire le réchauffement, c'est déjà pas mal". Le sommet de Lyon est donc "une étape importante" pour faire en sorte que "le climat [soit] l'affaire de tous".
Après les appels de Bordeaux, Paris, Lyon, Yamoussoukro, "je suis heureux qu'il y ait autant d'appels qu'il y ait de villes, mais il faudrait qu'ils puissent converger, se rassembler", a souligné François Hollande. En effet, la première étape que constitue le dépôt d'une contribution nationale par chaque pays de la communauté internationale "ne sera pas suffisante". "Aussi fortes que soient les contributions nationales, aussi vides seront les engagements s'ils ne sont pas repris par les territoires." Le chef de l'Etat attend donc "une contribution des territoires". Le sommet de Lyon devait justement être l'occasion, au cours de sa deuxième journée le 2 juillet, de faire des annonces d'engagements de baisse de leurs émissions. Le processus de négociation "est toujours trop lent", a souligné François Hollande. "Il faut que vous réussissiez."
Echanges d'expériences
Accueillis dans la capitale des Gaules par un début de canicule, phénomène qui promet de se répéter si la hausse du thermomètre global n'est pas jugulée, les participants au sommet Climat et Territoires ont échangé sur leurs expériences et la manière d'amplifier leur mobilisation. "Votre engagement est particulièrement important", leur a dit le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, qui, dans un message lu par Janos Pasztor, sous-secrétaire général des Nations unies aux changements climatiques, s'est dit "préoccupé par le fait que nous ne sommes pas encore engagés sur la voie d'un infléchissement de la courbe des émissions de gaz à effet de serre, et d'une limitation de la hausse des températures à moins de 2°".
Partout dans le monde, des territoires, souvent organisés en réseaux, ont peu à peu mis en place des plans pour s'adapter au dérèglement du climat et le combattre. C'est le cas de Copenhague qui s'engage vers la neutralité carbone, de Vancouver qui vise 100% d'électricité renouvelable d'ici 2050, de la Californie en passe de revenir d'ici 2020 à ses niveaux d'émissions de gaz à effet de serre de 1990, ou de Dakar qui lance un plan climat. Quelque 80 villes ont rejoint la "convention des maires" lancée en septembre à l'ONU. En mars, 30 métropoles européennes ont signé un accord prévoyant la mutualisation d'achats "verts".
Souvent, c'est la gestion des risques qui amène à s'intéresser au climat. Ainsi, les Philippines ont chargé leurs collectivités de gérer les plans de préparation. Les villes "sont beaucoup plus exposées qu'avant aux risques climatiques", a souligné Clément Larrue, chef de projet à l'Agence française de développement (AFD) : les effets du réchauffement commencent à se faire sentir, décuplés par les problèmes de planification urbaine et d'artificialisation des sols. "Comment aménager une ville pour qu'elle soit plus résiliente et moins consommatrice d'énergie ? Cela passe par des investissements dans les transports doux ou l'efficacité énergétique des bâtiments, autant de mesures souvent de la compétence des collectivités", a-t-il noté.
Un rôle d'aiguillon
Matthew Rodriguez, secrétaire à la protection de l'environnement de la Californie, est venu au sommet Climat et Territoires car il faut "faire savoir à l'échelle internationale, que localement des choses se font. Lyon est un forum où nous pouvons partager des leçons, et les emmener à la COP". Les négociations climatiques "actuellement sont dans le sur-place", a constaté Jean-Jack Queyranne, le président de la région Rhône-Alpes, hôte de la réunion. "Il faudra déclencher le sprint dans les 200 derniers mètres ; et nous on est là pour pousser." "Il s'agit de montrer aux négociateurs que non seulement c'est possible, mais que les solutions réelles sur le terrain sont déjà beaucoup plus en avance que les gouvernements dans les négociations", a souligné Janos Pasztor. A Lyon, la région Rhône-Alpes, l'Ecosse et le Pays basque espagnol ont rejoint quatorze régions et provinces, notamment la Californie et le Bade-Würtemberg (Allemagne) pour signer le "Under2MOU", un accord pour contenir le réchauffement de la planète à moins de 2°C. Avec plus de 5.000 milliards de dollars de PIB, les signataires, qui regroupent 123 millions d'habitants, représentent l'équivalent de la troisième économie mondiale.
Au sein du processus des négociations, menées sous l'égide de l'ONU par les seuls Etats, les territoires sont donc aujourd'hui reconnus comme partie essentielle de la solution pour permettre au monde de rester sous le seuil critique des 2°C de réchauffement. Alors qu'ils n'étaient même pas mentionnés dans le protocole de Kyoto de 1997, la conférence de Copenhague en 2009 aura été un tournant avec la venue de très nombreux élus locaux. A Lyon, les participants devaient cette fois travailler sur des propositions communes pour amender le projet d'accord de Paris. Le Québec pousse, par exemple, pour que les provinces puissent être directement associées aux tractations. "Les collectivités doivent prendre leur part de responsabilité", a témoigné le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. "Notre problème est de disposer des financements locaux : les collectivités sont dans une mue et nous devons nous affranchir du financement des Etats.
Déclaration commune appelant à la mobilisation
Les villes et régions réunies à Lyon se sont finalement engagées le 2 juillet, dans une déclaration commune, à renforcer leur action, appelant les Etats à trouver à Paris en décembre un accord "robuste, contraignant, équitable et universel". "Nous prenons l'engagement de poursuivre et renforcer notre action", dit leur texte, signé par une quinzaine de réseaux de collectivités dans le monde, représentant plusieurs milliers de villes, agglomérations et régions sur les cinq continents. "Vous avez fait des miracles, chez vous, et en vous rassemblant", les a félicités ce même 2 juillet la responsable climat de l'ONU, Christiana Figueres, qui s'est dite "encouragée" pour la poursuite des négociations en vue de l'accord contre le réchauffement espéré à Paris en décembre. "Vous ne faites rien de moins que créer une réalité mondiale nouvelle, préparant l'économie du 21e siècle, et rendant possible la marche vers une société bas-carbone", leur a-t-elle affirmé. Pour elle, "l'accord de Paris ne sera pas une structure punitive, mais va accompagner l'économie sur la durée". Répondant à une revendication des collectivités, elle a aussi estimé que l'accord allait "reconnaître l'action de toutes les parties".
Dans leur déclaration, villes et régions, insistant sur le lien entre développement et climat, appellent aussi à un "renforcement des moyens financiers" et à un accès direct aux fonds internationaux des collectivités des pays en développement. Selon Ronan Dantec, porte-parole de CGLU, coalition de collectivités mondiales, les engagements actuels connus de réduction de gaz à effet de serre, de la part de territoires représentant 11% de la population mondiale, sont estimés à 1,5 milliard de tonnes de CO2 d'ici 2020. "Si on amène tous les territoires avec nous, alors on tient le scénario de 2020 !", a-t-il dit en séance de clôture, rappelant les conclusions des scientifiques qui préconisent une réduction de 9 milliards de tonnes de CO2 d'ici 2020 si le monde veut rester sur la trajectoire d'un réchauffement limité à +2°C.
Plusieurs plateformes, notamment le "pacte des maires" et le "pacte des Etats et régions", ont été mises en place lors du sommet climat de l'ONU en septembre dernier, pour permettre d'accompagner et évaluer les engagements des territoires à réduire leurs émissions. Quelque 195 Etats doivent se retrouver à Paris à partir du 30 novembre, sous l'égide de l'ONU, pour tenter de trouver un accord universel pour freiner la hausse du thermomètre mondial. D'ici là, les Etats sont invités à publier leurs engagements nationaux de réductions d'émissions. Mais les premières analyses montrent qu'elles seront sans doute insuffisantes pour permettre de tenir l'objectif d'un réchauffement limité à 2°C maximum. Cependant, selon la coalition de collectivités C40, 80% des réductions prévues par les seules villes de ce réseau ne sont pas incluses dans ces plans nationaux.