Projet de loi logement : le texte profondément modifié au Sénat en commission

Le projet de loi pour le développement de l’offre de logements abordables a été adopté le 5 juin par la commission des affaires économiques du Sénat après l'avoir modifié en profondeur par les amendements proposés par ses rapporteures, Sophie Primas et Amel Gacquerre. La commission a en effet estimé que le texte initial ne répondait pas suffisamment à la crise du secteur.

Alors que le rapport de Sophie Primas (Les Républicains, Yvelines) et d’Amel Gacquerre (Union Centriste, Pas-de-Calais) sur le projet de loi pour le développement de l’offre de logements abordables était examiné par la commission des affaires économiques du Sénat mercredi 5 juin, le texte a suscité des critiques acerbes. La commission a en effet regretté ce qu’elle considère comme une "collection de mesures techniques de faible portée" dont aucune ne permet de relancer l’accession à la propriété, ni de répondre à la demande de logements sociaux, quand certaines "remettent en cause la situation des locataires du parc social". 

Profondément déçue face à ce qu’elle a dénoncé comme un "projet de loi sans stratégie", la commission a donc fortement modifié le texte. "Faute d’avoir la grande loi sur le logement que nous attendions, nous avons cherché à faire vraiment bouger les lignes, poursuivant l’application de nos propositions et déclinant notre vision pour résoudre la crise du logement et faire de la loi SRU une occasion de partenariat entre les maires et les préfets", indique Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains, Alpes-Maritimes), présidente de la commission.

Redonner du pouvoir aux maires

Pour Sophie Primas, "on ne peut pas faire confiance aux maires en pointillé. Il faut au contraire les placer au cœur de la politique du logement. De même, on ne peut dire aux classes moyennes qu’elles sont vouées à la location alors qu’elles rêvent d’accession à la propriété. Il faut répondre aux aspirations profondes des acteurs du logement et des Français." Selon la commission, la loi SRU doit être appliquée en fonction des contraintes locales et avec pragmatisme. Alors que le gouvernement souhaite permettre à certaines villes n’ayant pas atteint leur objectif d’intégrer une part de logements intermédiaires à leur quota pour rattraper leur retard, la majorité sénatoriale a considérablement élargi le nombre de communes éligibles à cet aménagement. Plusieurs sanctions pour les communes déficitaires en logements sociaux ont par ailleurs été supprimées, tout comme la "commission nationale SRU", organe chargé de contrôler le respect de ces objectifs.

Sur l’article 2 et les pouvoirs d’attribution, les rapporteures ont réaffirmé la nécessité que les maires aient un vrai pouvoir d’opposition : là où le gouvernement proposait de leur donner un droit de veto pour les premières attributions de HLM, les sénateurs ont étendu ce veto à toutes les attributions. Selon la même logique, à l’article 14 sur les ventes HLM, la commission a décidé de soumettre toutes les ventes à l’avis conforme du maire, y compris dans le cadre des conventions d’utilité sociale.

Accélérer et faciliter les constructions

Le volet d’accélération de la construction a également été enrichi et les articles 4, 5 et 6 
"musclés" pour permettre la réduction des délais d’instruction et les risques de recours, avec notamment la création d’une conférence de pré-instruction en amont de la demande de permis de construire, la mise en place d’un "certificat de projet" (sur le modèle du "certificat de projet friches") et la possibilité de recourir plus largement à la consultation par voie électronique en lieu et place de l’enquête publique pour les projets de logement en zones tendues. Toujours dans le but de redonner la main aux maires face à la crise du logement, la commission a étendu à tout le territoire les possibilités de dérogations au plan local d’urbanisme, qui ne sont possibles aujourd’hui qu’en zone tendue.

Des mesures ont également été prises pour encadrer la revalorisation des loyers HLM, la commission estimant qu’il ne fallait pas faire payer aux locataires le coût d’une réduction du loyer de solidarité (RLS) qui, depuis 2017, constitue selon elle la "vraie cause de la perte de moyens des bailleurs sociaux et de l’effondrement du nombre de constructions". La commission a donc décidé de conditionner les augmentations de loyers dans le parc social à une rénovation et aux caractéristiques du logement.

Au total, 55 amendements ont été adoptés (sur 210 ayant été déposés). La discussion en séance publique débutera le 18 juin.