Au Sénat, Guillaume Kasbarian se défend de tout détricotage de la loi SRU
Mercredi 15 mai devant la commission des affaires économiques du Sénat, Guillaume Kasbarian, ministre délégué au Logement, a rappelé les grandes priorités de son projet de loi sur le logement abordable et défendu les vertus du logement locatif intermédiaire, "produit important et trop peu exploité", qui pourrait se voir intégré aux dispositifs de la loi SRU.
Le ministre délégué chargé du logement était auditionné mercredi 15 mai au Sénat par la commission des affaires économiques dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables présenté le 3 mai en conseil des ministres (voir notre article). Pendant plus d’une heure et demie, Guillaume Kasbarian a énoncé ses priorités, en tête desquelles l’accès au logement pour les classes moyennes. "Nous avons déjà annoncé un pacte d’investissement pour une production de 75.000 logements locatifs intermédiaires (LLI) et, à cet effet, entamé une révision du zonage pour reclasser quelque 800 communes en zones tendues, ce qui permettra à leurs habitants d’avoir davantage accès à des dispositifs d’aide à l’accession comme le prêt à taux zéro et le bail réel solidaire", a rappelé le ministre.
Les chapitres 1, 3 et 4 du projet de loi défendu par Guillaume Kasbarian iront plus loin dans cette direction en proposant notamment d’intégrer la production de LLI au dispositif prévu par la loi SRU. "Ma seconde priorité est de simplifier les procédures afin de relancer l’offre en actionnant tous les leviers de la construction de nouveaux logements. Le deuxième chapitre du projet de loi est consacré à cette question et vise, à travers l’article 4, à réduire les délais de recours à deux mois contre six actuellement. L’article 6 favorisera quant à lui les opérations d’aménagement multisites." Guillaume Kasbarian a également évoqué les "territoires engagés pour le logement", dont les lauréats ont été annoncés en février dernier (voir notre article), et la nécessité de cibler la relance de la production de logements en y associant les élus locaux.
Un article 1 décrié
Après ces propos introductifs, le ministre a répondu aux questions des sénateurs, dont beaucoup restaient dubitatifs sur le fameux article 1 et l’introduction du LLI dans le comptage de la loi SRU. Viviane Artigalas, sénatrice socialiste des Hautes-Pyrénées, s’interroge sur le bien-fondé de cette nouvelle modification, "d’autant qu’aucune évaluation n’a été faite après les assouplissements survenus avec la loi 3DS". Le sénateur écologiste de Paris Yannick Jadot redoute pour sa part que la manœuvre ne pénalise les plus modestes. "Le projet de loi ne parle quasiment pas de logement social. Or, c’est bien là-dessus que se concentrent les alertes, fustige Marianne Margaté, sénatrice communiste de Seine-et-Marne. Avec le détricotage de la loi SRU, on fera payer le désengagement de l’Etat sur cette question. Vous parlez des classes moyennes, mais si l’on se fie à la définition de l’Insee, on constate que ce public trouve sa place dans le logement social. En le redirigeant vers le LLI, vous courez le risque de l’appauvrir. Et appauvrir la classe moyenne, c’est une injustice supplémentaire !" Antoinette Guhl, sénatrice écologiste de Paris, enfonce le clou : "Ceux pour lesquels vous répondez à la crise du logement par le LLI représentent 3% des demandeurs de logement social. Quand vous dites vouloir rendre le logement abordable aux classes moyennes, vous trompez votre assistance !"
Développer un produit "intéressant" et "trop peu exploité"
Pour Guillaume Kasbarian, nul détricotage de la loi SRU : "Il est proposé que, dans les flux de rattrapage des communes soumises à l’obligation de construction de logements sociaux, une part minoritaire [25%, ndlr] puisse être faite sur du LLI", a-t-il précisé. "Ce produit s’adresse à la classe moyenne avec des prix moindres que ceux du marché, jusqu’à -30% ! Il représente une alternative au parc privé." Selon le ministre, le LLI permettrait en outre d’équilibrer des opérations contenant du logement social, les rendant économiquement plus viables. "En France, on compte 30 millions de résidences principales occupées, dont 5,5 millions de logements sociaux et seulement 140.000 logements intermédiaires ! Nous voulons encourager ce produit, mais cela ne remet pas en cause les objectifs de construction de logements sociaux. Nous ne sommes pas dans un détricotage mais dans un ajustement qui permettra de construire plus ! C’est une mesure qui devrait être saluée, car elle vise à réserver le logement social à ceux qui en ont le plus besoin et à accélérer de ce fait la file d’attente", a-t-il fait valoir.
200.000 logements occupés par des locataires au-dessus des plafonds de ressources
Également interpellé sur l’intérêt d’instaurer un surloyer pour les locataires du parc social dont les revenus dépassent le plafond maximal autorisé et de réduire le niveau de ressources à partir duquel un ménage peut être expulsé, Guillaume Kasbarian réplique que 200.000 logements seraient concernés sur le territoire national (hors quartiers en politique de la ville). "80.000 logements sont occupés par des personnes dont les ressources dépassent le plafond de 20%", indique-t-il en rappelant que le projet de loi prévoit d’intégrer une évaluation du patrimoine éventuel des locataires du parc social. "La gauche devrait se réjouir d’une telle mesure ! Qui essayons-nous de protéger dans l’histoire ? Remettons un peu de rationalité dans le débat !"
Un débat animé qui se poursuivra au mois de juin après l’examen la semaine prochaine d’autres textes d’initiative parlementaire comme la proposition de loi relative à la régulation des meublés touristiques et à la transformation des locaux tertiaires en logements. Un "saucissonnage" de textes qui est loin de satisfaire la commission dont la présidente, Dominique Estrosi Sassone, doute qu’il donne une "véritable vision stratégique du gouvernement pour le logement."
> Les établissements publics d'aménagement invités à participer au "choc d'offre"Guillaume Kasbarian a réuni le 15 mai les directeurs généraux des 14 établissements publics d’aménagement (EPA) pour "définir leurs priorités dans le cadre du choc d’offre", rapporte le ministère du Logement. Il leur a notamment demandé d'augmenter la production de nouveaux logements sur l’année 2024 et de "poursuivre une production de logements en lien avec le développement de l’emploi". Le ministre a également souligné la nécessité d'adapter les exigences auprès des promoteurs "à la réalité économique des opérations dans un environnement dégradé". Le recours à la construction bois et aux matériaux biosourcés ainsi que la construction "hors-site" ont par ailleurs été encouragés par Guillaume Kasbarian. Chaque EPA devra présenter la déclinaison de ces objectifs avant l'été. |