Logement : d'une loi à l'autre, l'inquiétude des associations monte d'un cran

Le Collectif des associations unies organisait ce mardi 4 juin une conférence de presse consacrée au logement. Expulsions en hausse, notamment à l’approche des Jeux olympiques, détricotage de la loi SRU par le projet de loi Logements abordables... La colère des représentants associatifs monte et va s’exprimer le 18 juin devant le Sénat, au moment où s'ouvrira la discussion du texte en séance.

Les indicateurs du mal-logement sont au rouge. Le 27 mai, 6.522 personnes dont 1.900 enfants et 473 de moins de trois ans dormaient à la rue – une hausse de près de 40% depuis le début de l’année. "Et encore, ce sont les personnes appelant le 115, qui souffre d’un taux de non-recours pouvant atteindre 70%", a précisé Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité, lors d'une conférence de presse du Collectif des associations unies (CAU) organisée le 4 juin.

Une hausse des expulsions…

Le nombre d’expulsions locatives a enregistré des records en 2023 : 21.500 expulsions (+23% en un an) pour 47.000 personnes concernées, sans compter celles parties d’elles-mêmes, estimées à 90.000. Selon le CAU, on y voit déjà les effets délétères de la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, dite loi "Kasbarian 1". "Les délais de procédure sont raccourcis, et compromettent la réalisation d’un diagnostic social des locataires en difficulté. Le champ laissé à l’interprétation de leur 'mauvaise foi' est bien trop vaste", a estimé Marianne Yvon, responsable de l’Espace solidarité habitat de la Fondation Abbé Pierre (FAP) à Paris. À cela s’ajoutent les évacuations de lieux de vie informels : campements, bidonvilles, squats. Entre le 1er mai 2023 et le 30 avril 2024, 1.239 expulsions ont eu lieu, remettant en errance 147.785 personnes dont plus de 6.756 mineurs, selon le décompte de l'Observatoire des expulsions de lieux de vie informels. Là encore, un triste record. 

… qui semble s’aggraver à l’approche des JO

Et la crainte est de voir s’intensifier ces expulsions à la veille des JO. "Il y a une multiplication des arrêté préfectoraux et municipaux, des évacuations sans diagnostic social réalisé, ni proposition de relogement des personnes", a témoigné Anthony Ikni, délégué général du Collectif Romeurope. Il a apporté des exemples concrets : la ville de Saint-Denis a ordonné par arrêté l’évacuation de deux bidonvilles, le 15 mai. La préfecture de la Gironde a évacué un bidonville d’environ 500 personnes jouxtant le stade Matmut Atlantique, évoquant la nécessité de sécuriser le périmètre au regard des JO. Noisy-le-Sec a pris un arrêté municipal pour l’évacuation d’un site près des voies ferrées, le justifiant par la nécessité de préserver la régularité des trains pendant les compétitions. Enfin, certaines villes, telle Amiens, ont pris des arrêtés antimendicité en prévision du passage de la flamme olympique. 

Face au manque de places en hébergement d’urgence

Les personnes sont remises en errance alors que plusieurs hôtels en Île-de-France, qui hébergeaient pour le compte du Samu social les appelants au 115, ont fermé pour travaux et une activité touristique plus lucrative. Ces fermetures interviennent dans un contexte de pénurie. Nathalie Latour a rappelé les trois promesses successives de différents ministres depuis le début de l’année – 120 millions d’euros pour la création de 10.000 places d’hébergement supplémentaires. "On n’a toujours pas vu la couleur de cette enveloppe", fulmine la directrice générale. Elle a rappelé que la saturation des dispositifs est notamment due à l’absence de solutions de sortie, qui risque d’être aggravée par le projet de loi Logements abordables, désormais baptisée "Kasbarian 2". 

La boîte de Pandore ouverte

Le CAU liste ce qui constitue selon lui les reculs de ce projet de loi. À commencer par le fait que les communes SRU remplissant à 15% leurs objectifs triennaux de productions de logements sociaux (au lieu de 25%) pourraient inclure dans le calcul les logements intermédiaires locatifs (LLI), destinés aux classes moyennes supérieures. "Le projet de loi a ouvert une boîte de Pandore où vont s’engouffrer les sénateurs hostiles à la loi SRU. La preuve, les amendements proposés par les deux rapporteuses du texte au Sénat", a prévenu Manuel Domergue, directeur des études de la FAP. Les sénatrices Sophie Primas (LR) et Amel Gacquerre (UDI) proposent de baisser de 15% à 12,5% le seuil permettant d'inclure les LLI dans le décompte SRU. Et suggèrent de réduire drastiquement les sanctions contre les communes ne respectant pas leurs obligations SRU. "De surcroît, les pénalités seraient versées à l’intercommunalité, autant dire à soi-même, dans bien des cas", a regretté Manuel Domergue. 

Le maire omnipotent en matière d’attributions

Celui-ci déplore également les pouvoirs accrus du maire, qui aurait un droit de véto dans les primo-attributions sur l'un des trois demandeurs proposés par le réservataire. Les rapporteures vont plus loin – elles souhaitent systématiser la délégation aux maires du contingent préfectoral pour les primo-attributions. Or, c’est le contingent dédié justement au logement des publics précaires et prioritaires. Manuel Domergue dit craindre une toute-puissance du maire dans les attributions de logements sociaux qui risque selon lui de générer davantage de clientélisme et attitudes discriminatoires et une baisse de la mixité sociale. 

 

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