Logement : les acteurs s'interrogent sur leur "capacité à faire"

L'une des séquences du Printemps des Territoires organisé ce 30 mai à Paris a été consacrée au double "impératif social et climatique" auquel doit répondre le secteur du logement. Le ministre Guillaume Kasbarian est notamment revenu sur son projet de loi Logements abordables, tandis qu'Emmanuelle Cosse (USH) et Philippe Laurent (Fédération des EPL, AMF) ont témoigné de quelques-uns des freins auxquels se heurtent aujourd'hui les acteurs locaux de l'habitat.

Environ 1.200 personnes s'étaient donné rendez-vous ce 30 mai au "104", à Paris, pour le Printemps des Territoires, événement venant marquer le sixième anniversaire de la Banque des Territoires. Lors des plénières structurant cette journée – également ponctuée par de nombreux ateliers, "pitchs" et autres espaces d'échanges et de conseil –, il aura été notamment question de réindustrialisation, d'aménagement du territoire et de "ville de demain", de souveraineté énergétique, de gestion de l'eau, de mobilités décarbonées, d'accès aux services publics… et, inévitablement, de logement.

Depuis six ans, la Banque des Territoires "a accompagné l'État dans une politique de retour de l'aménagement du territoire", a estimé Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts, en conclusion de cette journée, citant un exemple éloquent, celui la "friche de Belfort", un territoire victime de la désindustrialisation sur lequel "il n'y a aujourd'hui plus assez de foncier" tant les projets y fleurissent. Le retour, aussi, "des services publics sur les territoires", a-t-il ajouté. Un peu partout en France, "ça se développe, il y a de l'énergie, de l'innovation" et "on retrouve un équilibre territorial", constate-t-il. Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires, a de même évoqué une ambition constante, celle de "recoudre du lien social, du lien territorial". "Derrière chaque financement de logement social que nous apportons, c'est une famille qui accède à un toit", a-t-il illustré, assurant que la même logique est à l'œuvre sur tous les champs, qu'il s'agisse par exemple d'industrie ou de commerce.

Bientôt un "pacte" sur la rénovation énergétique 

De logement, et notamment de logement social, il en fut question lors d'une séquence dédiée intitulée "Faire évoluer le logement, un impératif social et climatique". Une séquence introduite par le ministre Guillaume Kasbarian qui, période de réserve pré-électorale oblige, avait prévenu : "aucune nouvelle annonce". Son intervention fut donc surtout l'occasion de rappeler la "feuille de route" du gouvernement en matière d'habitat et, notamment, de revenir sur les principes ayant présidé à la rédaction de son projet de loi Logements abordables qui, a-t-il précisé, sera examiné la semaine prochaine par la commission des affaires économiques du Sénat puis, "dans deux semaines", en séance. Le texte "ne sera pas le même à la sortie", prévoit-il, se disant pleinement ouvert aux propositions complémentaires.

Comme Guillaume Kasbarian a déjà eu plusieurs fois l'occasion de le dire, son projet de loi repose sur un certain nombre de "convictions" : "construire plus et plus vite" grâce notamment à une simplification des procédures ; "construire tous types de logements sans les opposer les uns aux autres" ; "soutenir les bailleurs sociaux" ; "faire confiance aux élus et acteurs de terrain".

Au-delà de ce projet de loi, le ministre a aussi tenu à évoquer "l'engagement du secteur" dans la transition écologique et énergétique. Avec évidemment entre autres MaPrimRénov', regrettant qu'on entende tant de "critiques" sur le sujet. Rappelant que le dispositif a déjà fait l'objet de "mesures de simplifications", il a invité tous les acteurs à en "parler positivement". Également de la partie, l'éco-PTZ, les conseillers France Rénov'… et, a-t-il fait savoir, le "pacte" sur la rénovation énergétique qu'il signera "dans quelques semaines" avec "tous les acteurs".

Autre pilier mis en avant : la nécessité de "territorialiser la politique du logement", à l'image de ce qui a été engagé avec les 22 "territoires engagés pour le logement". Mais aussi l'accent désormais mis sur la sobriété foncière et l'enjeu des friches. L'occasion pour Guillaume Kasbarian de se féliciter des financements dédiés annoncés par la Banque des Territoires, avec "80 millions d'euros mobilisés", ainsi que de l'extension du prêt Gaïa. La Banque des Territoires vient en effet de mettre officiellement sur le marché une nouvelle version de ce prêt de court ou long terme, doté de 2 milliards d’euros, qui a vocation à soutenir les projets de sobriété foncière, de résorption de friches et de redynamisation urbaine. Et le ministre de citer le cas du programme de transformation des zones commerciales, qui concerne désormais 90 sites (voir l'encadré à notre article du 24 mai), pour "un potentiel de 25.000 logements".

"Il faut changer le discours sur l'acte de construire"

En contrepoint, Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), est venue rappeler tout ce qui aujourd'hui freine la "capacité à faire" des organismes HLM. Il y a certes la question de la capacité à emprunter, enrayée par la montée des taux, mais pas seulement. Et l'ancienne ministre du Logement d'évoquer "l'impact de la suppression de l'aide aux maires bâtisseurs", celui de la suppression de la taxe d'habitation mais aussi, plus globalement, "le non-portage politique de la volonté de construire". Un constat partagé par Philippe Laurent, président de la Fédération des EPL et vice-président de l'Association des maires de France. "Il faut donner envie de construire et d'investir dans le logement, il faut changer le discours sur l'acte de construire", dit-il.

"L'intérêt général, pour un élu", résume Emmanuelle Cosse, c'est "loger ses habitants et accompagner par le logement les mutations de son territoire", par exemple le vieillissement de la population. Or là-dessus, juge-t-elle, "les élus se sentent isolés". C'est aussi, complète Philippe Laurent, "offrir aux habitants un parcours résidentiel" et "préserver une indispensable mixité sociale" (ce en quoi "la loi SRU a globalement atteint ses objectifs", une loi dont "personne ne se plaint vraiment", a-t-il glissé…). Évoquant la forte hausse des demandes de logement social (dont une grande part venant d'actifs ne gagnant "que le Smic"), la présidente de l'USH souligne à quel point le manque d'offre devient sur certains territoires "un frein à l'emploi". "Nous sommes très sollicités par des villes moyennes, des petites villes… Or ce sont de petites opérations qui coûtent très cher", ajoute-t-elle.

Mettant en avant "le rôle contracyclique du monde HLM" ; rendu possible grâce à son modèle de financement, Kosta Kastrinidis, le directeur des prêts de la Banque des Territoires, relève que les bailleurs sociaux ont depuis quelque temps "investi plus… pour produire moins", précisément du fait de la hausse du "coût unitaire". Dans un "contexte macroéconomique" marqué par des taux élevés qui "n'est pas encore derrière nous", comment répondre à la double urgence "climatique et sociale", s'interroge-t-il. Il s'agit de "trouver une nouvelle grammaire", dit-il, qui passe notamment par "un urbanisme de la transformation", un "recyclage" du tissu urbain. Or là-dessus, les projets qui émergent aujourd'hui ont selon lui de quoi rendre "optimiste". 

 

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