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Projet de loi justice : le Sénat rétablit sa version de première lecture

Les sénateurs ont adopté le 12 février 2019 en nouvelle lecture le projet de loi justice, rétablissant pour l'essentiel leur version de première lecture. Le texte doit être définitivement adopté par l'Assemblée nationale.

Après l'échec de la commission mixte paritaire entre les deux chambres, et un nouveau vote par l'Assemblée nationale le 23 janvier 2019, le Sénat a adopté le 12 février en nouvelle lecture le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice, ainsi que le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions. Les sénateurs ont rétabli, pour l'essentiel, leur texte de première lecture, qui avait été largement modifié par les députés en nouvelle lecture, au mois de janvier 2019. De nombreuses dispositions adoptées par l'Assemblée nationale suscitent l'opposition des professionnels ; certains, dont les membres de la Conférence des bâtonniers, avaient demandé, en vain, que la justice soit au menu du Grand Débat national.
En matière d'organisation territoriale notamment, les sénateurs ont réutilisé le terme de "tribunaux de première instance" pour désigner les nouvelles structures issues de la fusion entre les tribunaux d'instance et de grande instance, alors que les députés avaient préféré celui de "tribunaux judiciaires". A ce propos, Philippe Bas, sénateur LR de la Manche et président de la commission des lois qui a modifié le texte lors de son examen le 6 février, a précisé la donne. "Le sujet est sensible. Je rappelle simplement qu'il n'est pas prévu de fusionner les tribunaux de grande instance d'un même département, mais de regrouper en une seule juridiction le tribunal de grande instance et les tribunaux d'instance de son ressort, souvent situés dans la même ville, sans pour autant fermer l'un ou l'autre de ces sites, a-t-il précisé durant les débats en commission, ce qui doit nous importer aujourd'hui, ce sont les garanties qui peuvent accompagner cette fusion, étant entendu que la mesure vise à favoriser une plus grande souplesse dans la gestion et à simplifier l'accès du justiciable à la justice." L'inquiétude est grande quant à la disparition de tribunaux sur le territoire, et donc d'une justice de proximité, sans compter les suppressions d'emplois qui pourraient en découler.

Contre la spécialisation des tribunaux

Autre changement : la spécialisation des tribunaux. Dans la nouvelle version du Sénat, tout ce qui concerne cet aspect disparaît. Les députés avaient ainsi prévu que dans le cas où plusieurs "tribunaux judiciaires" existeraient sur un même département, ils pourraient être spécialement désignés par décret pour s'occuper seuls dans l'ensemble du département de certaines des matières civiles dont la liste serait déterminée par décret en Conseil d'Etat, en tenant compte du volume des affaires concernées et de leur technicité, et de certains délits et contraventions.
"Les propositions de la garde des Sceaux en matière de spécialisation des tribunaux de grande instance semblent assez surréalistes, a critiqué Jacques Bigot (socialiste, Bas-Rhin), durant les discussions en commission. Elle a suggéré que les tribunaux où l'activité est la plus faible puissent se spécialiser, alors que tout le monde sait que la demande restera concentrée dans les tribunaux où l'activité est la plus forte !" Un amendement de la commission supprime ainsi tout simplement ce mécanisme de spécialisation prévu par l'Assemblée. Par ailleurs, les sénateurs ont ajouté la mise en place d'un mécanisme encadrant toute modification de la carte judiciaire associant les chefs de cour et les élus départementaux.

Des crédits augmentés

Les sénateurs ont aussi relevé la trajectoire budgétaire de la mission "Justice", avec une progression des crédits de 34% entre 2017 et 2022. Ils ont rejeté à nouveau la création d'un parquet national anti-terroriste, rétabli le maintien de la phase amiable dans la procédure de divorce contentieux, et supprimé le dispositif prévoyant la révision des pensions alimentaires par les caisses d’allocations familiales.
En matière pénale, ils ont rétabli la possibilité de se faire assister par un avocat lors d’une perquisition, l’obligation de présentation au procureur pour toute prolongation de garde à vue, la suppression de la procédure de comparution à délai différé, ainsi que la refonte du système de l’aménagement des peines.
Les sénateurs se sont aussi opposés à l’habilitation à réformer la justice pénale des mineurs par ordonnance, introduite à l’Assemblée nationale mais ils ont donné leur feu vert à un amendement du gouvernement tirant les conséquences de deux décisions récentes du Conseil constitutionnel sur le rapprochement familial des prévenus et l’audition libre.

Références : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice ; projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.


 

 

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