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Projet de loi Justice : pas d'accord en commission mixte paritaire

Députés et sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le projet de loi sur la justice dans le cadre d'une commission mixte paritaire qui s'est tenue le 13 décembre 2018. Le texte, qui acte notamment la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, repart en nouvelle lecture au Sénat le 18 décembre et en commission à l'Assemblée nationale, le 19 décembre.

Députés et sénateurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le projet de loi sur la justice. La commission mixte paritaire réunie le 13 décembre 2018 n'a pas abouti à un compromis entre la version du Sénat, qui avait procédé à de nombreux aménagements, et celle de l'Assemblée nationale. Les députés venaient d'adopter le texte dans la nuit du 11 au 12 décembre 2018 par 88 voix contre 83. Ils étaient revenus à la version originale du projet de loi. Ainsi, si les sénateurs avaient choisi le terme de "tribunaux de première instance" pour définir les nouvelles structures issues de la fusion des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI), les députés ont donné la dénomination de "tribunaux judiciaires". "Les justiciables pourront ainsi identifier plus lisiblement les tribunaux de l'ordre judiciaire par rapport aux tribunaux administratifs", explique l'exposé de l'amendement en question. Ils ont aussi validé la spécialisation des tribunaux. L'amendement précise ainsi les conditions de la spécialisation départementale, en matière civile, avec l'intégration de notions de volumétrie et de technicité des matières concernées, pour mieux identifier les contentieux pouvant être spécialisés, et en matière pénale, les délits portant sur des matières techniques pouvant faire l'objet d'une spécialisation départementale.

"La mort des tribunaux d'instance"

Mais au-delà des termes et de la spécialisation, c'est la nouvelle organisation territoriale qui est en jeu, avec de nombreuses inquiétudes quant à la fermeture de tribunaux d'instance. "Cet article (n°53, ndlr) a pour objet la mort des tribunaux d’instance, ni plus ni moins, s’est insurgé Antoine Savignat, député LR du Val-d'Oise, mardi, s’il est voté en l’état, le tribunal d’instance n’existera plus. Sa fusion avec le tribunal de grande instance est en réalité une absorption et une disparition." Et à la clé, le risque de voir la justice de proximité disparaître. "Un des éléments qui se cache derrière cette fusion des tribunaux d’instance et de grande instance est la crainte que la justice de proximité ne disparaisse", a ainsi avancé Philippe Gosselin, député LR de la Manche, rejoint par Emmanuelle Anthoine, députée LR de la Drôme pour qui "cette loi semble donc ouvrir la voie au redécoupage de la carte judiciaire que nous redoutons". Certains députés ont aussi pointé les risques que la réforme faisait peser sur l'emploi. "Les études d’impact dont je dispose montrent qu’un tribunal de plein exercice comme celui de Dieppe, qui rassemble un TGI, un conseil des prud’hommes, un tribunal de commerce et un tribunal d’instance, représente 400 emplois directs et indirects. Si, demain, la spécialisation est appliquée, des cabinets d’avocats seront à coup sûr disloqués, des greffes seront délocalisés et des magistrats perdront leur ancrage territorial", a ainsi fait valoir le député de Seine-Maritime Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine). 
Des craintes auxquelles la ministre de la Justice a répondu avec preuve en image : "Voici la carte des tribunaux telle qu'elle est aujourd'hui, eh bien, ce sera exactement la même carte demain, après-demain et dans les années à venir, a ainsi balayé Nicole Belloubet, car c'est l'engagement que j'ai pris."

Une augmentation de 24% du budget de la justice

Outre cette réorganisation territoriale, le projet de loi comprend une loi de programmation budgétaire qui prévoit une augmentation de 24% du budget de la justice, qui passera de 6,7 à 8,3 milliards d'euros sur cinq ans. Une augmentation qui doit permettre la création de 6.500 emplois (dont 1.100 en 2018), la livraison de 7.000 nouvelles places de prison, le lancement de 8.000 autres et la création de vingt centres éducatifs fermés pour mineurs.
Le texte simplifie aussi des procédures civiles et les démarches des victimes, avec notamment la possibilité de déposer des plaintes en ligne. Autres mesures : la création d'une nouvelle échelle des peines, pour éviter les courtes peines d'emprisonnement et assurer l'exécution effective des autres, la création d'un parquet national anti-terroriste et d'un nouveau tribunal criminel.
Provoquant un tollé, le gouvernement a par ailleurs ajouté au projet de loi une habilitation à réformer par ordonnance le texte fondateur de la justice des mineurs, l'ordonnance de 1945. L'opposition a dénoncé un coup de force et un dessaisissement de la représentation nationale. Des avocats et magistrats ont manifesté contre le texte, dénonçant une justice "déshumanisée" et "délibérément éloignée du justiciable".

Le texte repart au Sénat dès le 18 décembre pour une nouvelle lecture. Il devrait ensuite être examiné par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 19 décembre.

 

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