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Emploi - Projet de loi El Khomri : la mise en œuvre du CPA entraîne des ajustements du CPF

L'article 22 de l'avant-projet de loi El Khomri sur l'emploi définit les règles de fonctionnement du compte personnel d'activité (CPA). L'une de ses composantes, le compte personnel de formation (CPF) est également réformée. Le projet de loi définitif doit être adressé au Conseil d'Etat d'ici à la fin de cette semaine. Il devrait être examiné en conseil des ministres le 9 mars.

Dans son édition du 17 février 2016, le quotidien Le Parisien publie un "document de travail" sur l'avant-projet de loi El Khomri sur l'emploi. D'après nos informations recueillies auprès du ministère du Travail, il ne s'agit pas de la dernière version du texte. D'ultimes "calages" doivent être effectués avant l'envoi du document définitif au Conseil d'Etat, d'ici à la fin de cette semaine. Ce texte qui, selon Le Parisien, pourrait s'appeler "Projet de loi sur la négociation collective, le travail et l'emploi (Nete)" ou "Projet de loi pour l'avenir de la négociation collective, du travail et de l'emploi" pourrait comporter 47 articles répartis en six titres : "Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective" ; "Favoriser une culture du dialogue et de la négociation" avec les règles de validation et de révision des accords, les accords majoritaires en faveur de l'emploi, la restructuration des branches et des dispositions destinées à renforcer les acteurs sociaux ; "Sécuriser les parcours et construire les bases d'un nouveau modèle social à l'ère du numérique" avec la création du compte personnel d'activité (CPA), les mesures sur les plates-formes collaboratives, le droit à la déconnexion ou le télétravail ; "Favoriser l'emploi" avec les mesures en faveur des TPE/PME, des dispositions relatives à la formation professionnelle (validation des acquis de l'expérience / VAE et compte personnel de formation / CPF) et à l'apprentissage ; "Moderniser la médecine du travail" ; "Renforcer la lutte contre le détachement illégal".
Dans cette version provisoire, le CPA figure à l'article 21, alors que les partenaires sociaux ont reçu, le 16 février, une version de cet article portant le numéro 22. Furieux d'avoir "pris connaissance dans la presse" de l'avant-projet de loi El Khomri, Jean-Michel Pottier, vice-président national de la CGPME en charge de la formation, indique à Localtis, le 17 février, que son organisation a décidé de "surseoir" à la signature de la position commune sur le CPA, la sécurisation des parcours et la mobilité professionnels seulement signée, pour le moment, par la CFTC, FO et la CFDT. Les partenaires sociaux se sont quittés le 8 février sur cette position commune, au terme d'une négociation interprofessionnelle entamée fin 2015. Dans un communiqué commun, les organisations d'employeurs (CGPME, Medef, UPA) avaient indiqué qu'elles renvoyaient à leurs instances décisionnaires la décision finale. Ce sont sur les licenciements économiques que se jouent les derniers arbitrages. Le Medef conditionne notamment sa signature de la position commune sur le CPA à des garanties en termes de "flexibilité".

CPA = CPF et C3P

Comme cela avait été annoncé dans la loi Rebsamen du 17 août 2015, le CPA présenté par François Hollande comme "la grande réforme [de son] quinquennat" entrera en vigueur au 1er janvier 2017. Pour les travailleurs indépendants, ce sera le cas au 1er janvier 2018. Quant aux agents publics, des discussions sont en cours entre le ministère de la Fonction publique et les syndicats pour introduire dans l'avant-projet de loi El Khomri un article habilitant l'Etat à agir par ordonnance pour créer un CPA pour chaque agent public.
L'article 22 de l'avant-projet de loi précise que le CPA est "constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P)". Le C3P a fait l'objet d'un litige au cours de la négociation paritaire, la délégation patronale allant jusqu'à le retirer du CPA dans le projet de position commune communiqué lors de l'avant-dernière séance du 26 janvier. Les conditions d'ouverture et de fermeture du CPF s'effectueront désormais dans le cadre du CPA. Le projet d'article prévoit en outre une mise en œuvre du CPF, à compter du 1er janvier 2018, pour les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et non salariées et leurs conjoints collaborateurs.
D'autre part, il fixe de nouvelles modalités d'abondement du CPF pour financer des formations dont la durée excède le nombre d'heures inscrites dans le compte. Ces heures complémentaires pourront être financées par l'employeur, le titulaire lui-même, un Opca/Opacif, un fonds d'assurance formation de non-salariés, la Cnav gestionnaire du C3P, l'Etat au terme des périodes de service civique notamment (une telle mission donnera droit à vingt heures supplémentaire au titre du CPF), Pôle emploi, l'Agefiph et les régions. Ces dernières pourront abonder le CPF de personnes sorties du système éducatif sans diplôme au titre du droit d'accès à un premier niveau de qualification, lorsque cette formation sera dispensée sous le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Le cas échéant, cet abondement viendra "en complément des droits déjà inscrits sur le CPF pour atteindre le nombre d'heures nécessaires à la réalisation de la formation qualifiante". Cette alimentation n'entrera pas en compte dans les modes de calcul des heures qui sont créditées sur le compte chaque année et du plafond de 150 heures du CPF. Par dérogation, les formations éligibles à ce titre seront celles inscrites au programme régional de formation professionnelle.

Actions éligibles au CPF

Le projet d'article élargit également la liste des actions éligibles au CPF aux "actions préalables d'évaluation directement afférentes" au socle de connaissances et de compétences professionnelles (CléA). Pour le moment ces évaluations sont financées à titre expérimental, jusqu'en juin 2016, par les Opca via le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Seront également éligibles au CPF, l'accompagnement à la VAE, les formations permettant de bénéficier de bilans de compétences pour les personnes n'ayant pas droit au congé de bilan de compétences, et les formations dispensées aux créateurs/repreneurs d'entreprise.
Le projet d'article 22 prévoit que le titulaire du CPA aura droit à "un accompagnement global couvrant l'ensemble des problématiques de sécurisation des parcours professionnels". Cet accompagnement pourra être fourni notamment dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP). La position commune prévoit que cet accompagnement global devra porter sur "l'ensemble des problématiques de sécurisation : projet professionnel, accès au logement, accès à la garde d'enfant…". Pour les partenaires sociaux, cet accompagnement doit relever de "la triple responsabilité de l'Etat, des collectivités territoriales et des partenaires sociaux".

Un service en ligne gratuit pour le CPA

Le CPA sera ouvert "pour toute personne âgée d'au moins 16 ans", qu'elle soit en emploi, conjoint collaborateur d'un commerçant ou artisan par exemple, à la recherche d'un emploi "ou accompagnée dans un projet d'orientation et d'insertion professionnelles", accueillie dans un établissement et service d'aide par le travail (Esat). Par dérogation, un apprenti de 15 ans pourra bénéficier d'un CPA. Le compte sera fermé lorsque son bénéficiaire sera admis à faire valoir "l'ensemble de ses droits à la retraite". D'autre part, l'article 22 précise que le CPA "ne peut être mobilisé qu'avec l'accord exprès de son titulaire". Son refus de le mobiliser ne pourra pas constituer une faute.
Chaque titulaire d'un compte aura connaissance des droits inscrits dessus et pourra les utiliser "en accédant à un service en ligne gratuit [qui sera] géré par la Caisse des dépôts et consignations, sans préjudice des dispositions de l'article L.4162-11 [du code du travail] confiant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés la gestion de leur C3P". Chaque titulaire aura également accès à "une offre de service en ligne ayant trait à l'information sur les droits sociaux et à la sécurisation des parcours professionnels".