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Projet de loi Climat et Résilience : "écotaxe", TICPE, vols courts… des débats âpres mais peu de changements

L'examen des chapitres II à IV du titre "Se déplacer" du projet de loi Climat et Résilience a donné lieu à de vifs débats en séance à l'Assemblée, singulièrement les dispositions relatives au transport aérien ou à l’interdiction des vols courts. Mais sans réelle traduction sur le texte qui avait été adopté en commission. Également décriées, les nouvelles dispositions relatives au comité des partenaires de la mobilité ont, elles, été légèrement remaniées.

Les débats sur les dispositions des chapitres II à IV du titre "Se déplacer" du projet de loi Climat et Résilience (lire aussi notre dossier) ont été vifs à l'Assemblée. Mais souvent vains. Si le chapitre Ier avait été plus que sensiblement amendé (voir notre article du 12 avril 2021), les suivants n'ont connu que de très rares et légers ajustements par rapport à la version votée par la commission, qui elle-même n'avait guère modifié le texte initial. Parmi les sujets âprement discutés, celui relatif aux transports routiers, avec la réduction progressive du remboursement de la TICPE et le potentiel retour, à un échelon régional, de "l'écotaxe". Mais le gouvernement et sa majorité ont tenu bon. Aucune modification n'a été adoptée. De même s’agissant de l'interdiction des vols courts, jugée tout à la fois insuffisante ou excessive, selon les points de vue ; la version de la commission n'a pas été modifiée. Les élus ont en revanche réussi à revoir certaines mesures, elles aussi décriées, relatives au comité des partenaires de la mobilité, sans parvenir à revenir sur l'ensemble du dispositif prévu. À relever, un ajout a priori anodin mais qui ne manquera pas de susciter quelques difficultés en pratique : la nécessaire formation ou sensibilisation des utilisateurs de véhicules des collectivités (parmi d'autres) gérant un parc de plus de vingt véhicules automobiles à la réduction de l’incidence de leur conduite sur l’environnement.

 

CHAPITRE II - "AMÉLIORER LE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES ET RÉDUIRE LES ÉMISSIONS"

Soutien "renforcé" à la transition du secteur routier face à la réduction progressive du remboursement de la TICPE (art. 30)

Éminemment discuté, cet article n'a finalement connu qu'une seule modification de fond – fruit d'un amendement de Dominique Potier – qui tient en un seul mot : renforcé. Le texte dispose désormais que l'évolution de la fiscalité du gazole routier prévue par le gouvernement devra s'accompagner "d'un soutien renforcé à la transition énergétique du secteur du transport routier". Un mot – qui avait déjà été ajouté par la commission à propos du rapport que doit remettre le gouvernement au Parlement proposant une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif d'un taux normal d'accise sur le gazole au 1er janvier 2030 – qui ne suffit pas, loin s'en faut, à calmer la colère dudit secteur.

Réduction de l'incidence de la conduite sur l'environnement : les collectivités gérant des parcs de plus de 20 véhicules devront former leurs utilisateurs (art. 31, 31 bis nouveau)

Si l'article 31 prévoyant notamment que la formation professionnelle des transporteurs routiers doit "réduire l’incidence de leur conduite sur l’environnement" n'a pas été modifié, un nouvel article 31 bis en étend le périmètre d'application. Fruit d'un amendement du groupe LREM, il impose à l'État, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, aux entreprises nationales gérant directement ou indirectement, pour des activités n'appartenant pas au secteur concurrentiel, un parc de plus de vingt véhicules automobiles d'une part, et aux entreprises gérant directement ou indirectement, au titre de leurs activités relevant du secteur concurrentiel, un parc de plus de cent véhicules automobiles d'autre part, de "mettre en œuvre des actions de formation ou de sensibilisation des utilisateurs des véhicules, permettant à ces utilisateurs de réduire l’incidence de leur conduite sur l’environnement". Ils devront en outre s’assurer "notamment que les conditions pour une utilisation optimale des véhicules hybrides rechargeables en mode électrique sont réunies" (entendre "que le conducteur a les moyens de recharger le véhicule et a été sensibilisé à l’usage du véhicule en mode électrique").

Le retour (facultatif) de "l'éco-taxe" par la voie régionale (art. 32)

Aucune modification de fond n'a été adoptée par rapport à la version de la commission à l'article aussi emblématique que décrié relatif au "pass camions régional" – comme l'a baptisé le député Benoit Simian, le terme d'"éco-taxe" restant tabou, à tout le moins contesté par le gouvernement. Au cours des débats, le ministre chargé des transports Jean-Baptiste Djebbari a notamment indiqué que "cette contribution procède de l’extension de la disposition spécifique applicable à la collectivité européenne d’Alsace, […] correspond à une demande de certaines régions, notamment les régions Grand Est et Île-de-France […] et fera l’objet d’une concertation longue, en profondeur" (rappelons que l'article autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance).

Des plans d'action pour réduire l’empreinte environnementale du transport de marchandises (art. 33)

Un seul amendement adopté, du rapporteur Jean-Marc Zulesi, "discuté avec France Mobilités", précisant que le bilan national des plans d'action visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre concerne l'ensemble des activités de transport (amont et aval) de l'entreprise, et pas seulement le transport de marchandises.

CHAPITRE III - "MIEUX ASSOCIER LES HABITANTS AUX ACTIONS DES AUTORITÉS ORGANISATRICES DE LA MOBILITÉ"

 Extension du domaine du tirage au sort aux comités des partenaires de la mobilité (art. 34)

Cet article avait notamment déclenché l'ire des collectivités. Il a fait l'objet de deux modifications :
- la première, issue d'un amendement du groupe LREM, précise que l’obligation de consultation du comité porte sur "tout projet de mobilité structurant" (et non plus "sur tout projet"). "A défaut, le comité pourrait se trouver à être réuni à de multiples reprises, à chaque changement d’arrêt de bus par exemple", précisent les auteurs de l'amendement… ;
- la seconde, issue d'un amendement d'Antoine Herth et Valérie Petit, précise que ce comité "est consulté à l’occasion de l’évaluation de la politique de mobilité par l’autorité organisatrice de la mobilité" – et non "évalue au moins une fois par an les politiques de mobilité mises en place sur le territoire relevant de l’autorité organisatrice de la mobilité" comme indiqué dans la précédente version. Les élus relèvent en effet que l’évaluation de politiques de mobilité est une prérogative de l’autorité organisatrice. Ce qu'avait déjà relevé le député Bazin en commission, mais son amendement avait alors été rejeté (avec l'objectif d'en revoir la rédaction).

CHAPITRE IV - Limiter les émissions du transport aérien et favoriser l’intermodalité entre le train et l’avion

Écocontribution aérienne (art. 35)

La version de la commission n'a pas été modifiée.

Remise par le gouvernement d'un rapport au Parlement sur les moyens de lutter contre la vente à perte de billets d’avion (art. 36 A nouveau)

Cet article introduit par la commission n'a pas été modifié au fond.

Interdiction des vols courts, hors correspondances ou vols décarbonés, en cas d'alternative ferroviaire de moins de 2h30 (art. 36)

Cet article emblématique de ce titre, fortement discuté et décrié, n'a pour autant pas connu de modification de fond par rapport à la version de la commission. Ni dans un sens, ni dans l'autre.
"Dans les régions frontalières, un report de trafic au bénéfice d’aéroports situés hors du territoire national apparaît donc inévitable. Ce sera le cas dans ma région, qui est moins éloignée de l’aéroport de Bilbao que de celui de Bordeaux", a par exemple souligné d'un côté David Habib, favorable à la suppression de la mesure. De l'autre, favorable à son extension, Danièle Obono qui a plaidé pour un passage de la durée à 4h00 (celui retenu par la Convention citoyenne), alors qu'une durée de 2h30 "épargnerait les trois connexions les plus émettrices : Paris-Nice, Paris-Toulouse et Paris-Marseille".
Le ministre Jean-Baptiste Djebbari a indiqué pour sa part qu'est "à l’étude un grand projet de régénération du réseau ferroviaire et cinq projets de lignes à grande vitesse, y compris le grand projet ferroviaire du sud-ouest". Il précise que pour l'heure cela "conduit à arrêter les lignes Orly-Bordeaux, Orly-Nantes et Orly-Lyon en préservant les correspondances, y compris vers l’outre-mer et vers l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, qui est un hub parisien, français et européen". Il a expliqué que "la limite de 4h00 aurait asséché des territoires qui sont déjà enclavés sur le plan physique et numérique". Il n'a en revanche pas apporté de réponse à la question du député Jean-Marie Sermier sur le gain attendu "de tonnes de carbone potentiellement économisées" par cette mesure.

Fin – sauf exceptions – de l'extension, générant une augmentation nette de gaz à effet de serre, des aérodromes nécessitant expropriation (art. 37)

La version de la commission n'a pas été modifiée au fond.

Compensation carbone des vols intérieurs intégrale en 2024 (art. 38)

Une seule modification au fond de la version de la commission, introduite par un amendement d'Anne-Laure Cattelot précisant que pour s'acquitter de leur obligation de compensation, les exploitants d'aéronefs privilégient les projets d'absorption qui sont situés sur le territoire français ou sur celui des autres États membres de l'UE, notamment ceux concernant le renouvellement forestier, l’agroforesterie, l’agrosylvopastoralisme ainsi que les prairies et tout autre forme d’agriculture régénérative.