Projet de loi Climat et Résilience : le vélo fait son entrée
Grand absent du texte initial, le vélo fait son entrée dans le chapitre Ier – qui vise notamment à "promouvoir les alternatives à l'usage individuel de la voiture" – du titre III ("Se déplacer") – du projet de loi Climat et Résilience actuellement en cours de discussion à l'Assemblée. Localtis reviendra sur les autres chapitres de ce titre dans sa prochaine édition.
En dépit d'un grand nombre d'amendements déposés, les dispositions initiales du chapitre Ier du titre III "Se déplacer" du projet de loi Climat et Résilience (lire aussi notre dossier) n'avaient été modifiées qu'à la marge lors de l'examen du texte en commission.
En séance publique, les amendements ont été tout aussi nombreux, mais certains ont cette fois connu un sort plus favorable (même lorsqu'ils étaient identiques à ceux précédemment rejetés…). La plupart des "heureux gagnants " étaient portés par le gouvernement, le rapporteur du texte ou des membres du groupe LREM. Le texte s'enrichit ainsi de plusieurs articles. Grand absent jusqu'ici, le vélo fait désormais son apparition dans cette partie du texte "visant à promouvoir les alternatives à l'usage individuel de la voiture et la transition vers un parc de véhicules plus respectueux de l'environnement". Les autres principaux ajouts concernent les infrastructures de recharge électrique et le co-voiturage. Ces nouvelles dispositions se traduisent parfois par une plus grande liberté octroyée aux collectivités, mais surtout par de nouvelles contraintes. Localtis reviendra dans sa prochaine édition sur les autres modifications apportées au titre III du texte en séance.
• Fin des véhicules thermiques (art. 25)
L'Assemblée a adopté un amendement du gouvernement élargissant la prime à la conversion, en instituant "des aides à l’acquisition de véhicules propres, y compris des cycles et des cycles à pédalage assisté, le cas échéant, sous réserve de mise au rebut de véhicules polluants, à la transformation de véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique ou à l’installation d’équipements techniques de nature à améliorer la sécurité". Le gouvernement vise notamment l'acquisition de vélos cargos par les personnes morales et à majorer le bonus à l’achat pour les véhicules lourds à très faibles émissions équipés de détecteurs d’angles morts.
L'Assemblée a également adopté un amendement de Damien Adam et plusieurs de ses collègues élargissant aux poids lourds, autobus et autocars l'objectif de fin de vente d'ici 2040 de véhicules – neufs, précision apportée par un sous-amendement du rapporteur Jean-Louis Fugit – "utilisant majoritairement des énergies fossiles", complétant ainsi l'article 73 de la loi loi d'orientation des mobilités (LOM) qui fixe déjà un tel objectif pour les véhicules légers.
• Des objectifs de report modal vers les transports moins polluants (art. 25 bis nouveau)
Issu du plusieurs amendements identiques, dont la rédaction a été proposée par le Club des élus nationaux pour le vélo, la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), le Club des villes et territoires cyclables et Vélo & territoires, ce nouvel article vise à élargir les champs d’utilisation de la prime à la conversion "aux autres solutions de mobilité territoriales vertueuses" (vélo, autopartage, covoiturage, abonnement aux transports en commun…), avec pour objectif la création d'une prime "à la mobilité durable" sur le modèle du dispositif Bruxell’Air. Il dispose que "pour atteindre les objectifs climatiques de la France et lutter efficacement contre la pollution de l’air, l’État se fixe pour objectif d’accompagner les ménages dans le report modal vers les modes de transport les moins polluants, par une action ciblant en priorité les zones à faibles émissions mobilité (CGCT, art. L. 2213-4-1), avant d’être élargie à l’ensemble du territoire".
• Parkings relais et signe distinctif de covoiturage (art. 26)
Une seule modification de cet article, issue d'un amendement des députés LREM, qui précise que le signe distinctif de covoiturage permettant la réservation de places de stationnement est celui mis en place par l'autorité organisatrice de mobilité au titre de l’article L. 1231-15 du code des transports, ou, en Ile-de-France, celui mis en place par Ile-de-France Mobilités au titre de l’article L. 1241-1 du même code.
• Infrastructure de recharge collective dans les immeubles collectifs (art. 26 bis nouveau)
Le gouvernement a introduit par amendement une nouvelle section au chapitre III du titre V du livre III du code de l’énergie, consacrée aux infrastructures de recharge collective dans les immeubles collectifs. Ses dispositions visent à faciliter et accélérer la mise en place de ces dernières afin de pouvoir faire face à "l'augmentation spectaculaire des ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables", alors que "plus de 90% des recharges se font [...] à domicile et que 44% des foyers français vivent en résidentiel collectif".
Calqué sur un dispositif mis en place par la Banque des Territoires, il est institué un mécanisme de financement dans le cas où le propriétaire ou la copropriété choisirait d’installer une infrastructure collective de recharge relevant du réseau public, alternative à l'actuel mécanisme de financement mis en œuvre. Concrètement, la facturation de la contribution normalement due par la copropriété au titre de l’ouvrage collectif serait reportée sur les seuls copropriétaires ou utilisateurs demandant leur raccordement à cet ouvrage collectif par un branchement individuel, via une contribution additionnelle.
• Verdissement des flottes de véhicules de l'État et des collectivités (art. 26 ter nouveau), de certaines entreprises (art. 26 quater nouveau), dont les plateformes de livraison de marchandises (art. 26 quinquies nouveau)
Introduit par un amendement de Jean-Marc Zulesi, ce nouvel article modifie la trajectoire de verdissement des flottes de véhicules de l’État – le taux de 50% d’incorporation de véhicules à faibles émissions, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, est rehaussé à hauteur de 70% à partir du 1er janvier 2027 – et des collectivités – le taux de 30% d’incorporation de véhicules à faibles émissions, en vigueur à partir du 1er juillet 2021, est rehaussé à hauteur de 40% en 2025 et 70% en 2030.
Les députés ont par ailleurs adopté un amendement des élus LREM revoyant de même les taux minimaux d’incorporation de véhicules à faibles émissions dans les flottes des entreprises comprenant plus de 100 véhicules : 40% en 2027 (contre 35% jusqu'ici) et 70% en 2030 (50% jusqu'ici).
Ils ont aussi prévu, via un amendement du rapporteur Jean-Marc Zulesi, un dispositif similaire pour les plateformes de mise en relation (par exemple de livraison de repas) de travailleurs indépendants. Elles devront s'assurer, à compter du 1er juillet 2023, "qu’une part minimale, croissante dans le temps, des véhicules à deux ou trois roues utilisés dans le cadre de la mise en relation qu’elles assurent, sont des vélos ou des véhicules à très faibles émissions" (les modalités seront fixées par décret).
• Stationnement des véhicules de covoiturage et signe distinctif (art. 26 sexies nouveau)
Constatant que la définition légale du covoiturage est inopérante lorsqu'elle s'applique au contexte du stationnement (la voiture étant vide de tout occupant), cet article issu d'un amendement des députés Jean-Luc Bourgeaux et Jean-Yves Bony, précisé par le rapporteur, modifie la rédaction de l'article L. 1214-2, 7° du code des transports, relatif aux objectifs du plan de mobilité, en visant les véhicules bénéficiant d’un signe distinctif de covoiturage créé en application des articles L. 1231-15 ou L. 1241-1 du même code.
• Consécration légale – et dans les Scot – des schémas directeurs vélos (art. 26 septies nouveau)
Autre disposition tirée de plusieurs amendements identiques (dont on relèvera qu'aucun ne tenait compte des modifications apportées par l'ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020 au code de l'urbanisme…), dont la rédaction a été proposée par la FUB et Vélo & territoires, l'introduction dans les plans de mobilité des schémas directeurs d'aménagement cyclable – les "itinéraires relevant des schémas cyclables approuvés par les assemblées délibérantes du niveau régional ou départemental ou relevant du schéma national des véloroutes" –, les plans de mobilité devant par ailleurs eux-mêmes être pris en compte dans les schémas de cohérence territoriale (Scot).
• Obligation de construction d'aire de stationnement : le troc 6 vélos – 1 voiture possible sans modifier le PLU (art. 26 octies nouveau)
Issu d'amendements identiques des députés LREM et du rapporteur Jean-Marc Zulesi, ce nouvel article dispose qu'en "tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, lorsque le règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés, réduire cette obligation à raison d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’infrastructures ou de l’aménagement d’espaces permettant le stationnement sécurisé d’au moins six vélos par aire de stationnement". On relève que cet "échange" pourrait se faire sans modifier le PLU, en laissant le pouvoir d'appréciation au maire.
• Infrastructures de recharge : une prolongation et de nouvelles obligations pour les parcs de stationnement de plus de vingt emplacements gérés en délégation de service public, en régie ou via un marché public (art. 26 nonies nouveau)
Encore une disposition issue d'un amendement gouvernemental, ce nouvel article prolonge de six mois (30 juin 2022, au lieu du 31 décembre 2021) la période durant laquelle le taux maximum de prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe) des coûts de raccordements des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables (Irve) ouvertes au public est fixé à 75%.
Il dispose en outre que "le maximum de la prise en charge est également fixé à 75% pour les demandes de raccordement adressées au maître d’ouvrage avant le 31 décembre 2025 pour le raccordement des infrastructures de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables ouvertes au public installées sur les aires de service des routes express et des autoroutes".
Ce nouvel article est également complété par des dispositions tirées d'un amendement du rapporteur Jean-Marc Zulesi qui étend l'obligation de disposer, au 1er janvier 2025, d’au moins un point de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables aux parcs de stationnement de plus de vingt emplacements gérés en délégation de service public, en régie ou via un marché public. Ces parcs devront en outre disposer d’un point de charge par tranche de vingt emplacements supplémentaires, "sauf si des travaux importants d’adaptation du réseau électrique ou de sécurité incendie sont nécessaires pour remplir cette obligation" (le texte précisant par ailleurs ce qu'il faut entendre par "travaux d'adaptation importants", en prenant notamment en compte la réglementation ERP relative aux risques d’incendie et de panique).
À noter que le texte offre un peu de souplesse en disposant que "sur délibération, les collectivités compétentes peuvent répartir les infrastructures de recharge dans les parcs de stationnement de leur territoire pour prendre en compte la réalité des besoins des usagers, les difficultés techniques d’implantation ou les coûts d’aménagement. Dans ce cas, le respect des règles relatives au nombre de points de charge par tranche de vingt emplacements est apprécié sur l’ensemble des parcs concernés par cette répartition".
• Zones à faibles émissions mobilité : assouplissement, promotion du transport à la demande et aménagements cyclables (art. 27, 27 bis A nouveau)
Deux compléments ont été apportés à l'article 27 :
- le premier, issu d'un amendement de Jean-Louis Fugit, assouplit la mise en place des ZFE-m rendues par ailleurs obligatoires dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants en considérant cette obligation "satisfaite sur le territoire de l’agglomération lorsque, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population est la plus importante au sein de l’agglomération a créé une zone à faibles émissions mobilité sur la majeure partie du territoire de l’établissement."
- afin de promouvoir le transport à la demande "auprès d’usagers encore peu habitués à y recourir et de collectivités territoriales peu engagées à son développement", le second, issu d'un amendement de Natalia Pouzyreff, dispose que la campagne d'information locale qui doit être menée pendant trois mois lors de la création d'une ZFE-m doit exposer "les alternatives à l’usage individuel de la voiture au sein du périmètre contrôlé, notamment l’offre de transport public, dont le transport à la demande".
En outre, un article 27 bis A nouveau, introduit par amendement du rapporteur Jean-Marc Zulesi, renforce les obligations d’aménagements cyclables lors de la réalisation ou du réaménagement de voies situées dans des ZFE-m ou permettant d’accéder à une ZFE-m, ces voies étant définies comme celles situées à moins de 5 km de la ZFE-m tout en restant dans le territoire de l’EPCI dans lequel est inscrit cette dernière.
• Nécessité de préciser les modalités de mise à jour du plan d'action de réduction des émissions de polluants atmosphériques prévu dans certains plans climat-air-énergie territoriaux (art.27 bis B nouveau)
Issu d'un amendement d'Isabelle Florennes, ce nouvel article dispose que le pouvoir réglementaire doit préciser "les modalités de mise à jour du plan d'action de réduction des émissions de polluants atmosphériques" prévu, dans le plan climat-air-énergie territorial de l'article L. 229-26 du code de l'environnement, pour la métropole de Lyon, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de 100.000 habitants et ceux dont le territoire est couvert en tout ou partie par un plan de protection de l'atmosphère
• De nouvelles obligations pour les applis de mobilité pour mieux prendre en compte l'environnement et éviter les détournements de trafic (art. 27 bis C nouveau)
Issu d'un amendement de Jean-Marc Zulesi, ce nouvel article dispose que les services numériques d’assistance au déplacement – "qui visent à faciliter les déplacements monomodaux ou multimodaux au moyen de services de transport, de véhicules, de cycles, d’engins personnels de déplacement ou à pied" – sont tenus d’informer de façon complète les utilisateurs des impacts environnementaux de leurs déplacements, et en particulier d'indiquer la présence et les caractéristiques des mesures de restriction de circulation en vigueur dans les ZFE-m. Ils sont également tenus de ne favoriser "exclusivement ni l’utilisation du véhicule individuel, ni l’usage massif de voies secondaires non prévues pour un transit intensif". Cette dernière disposition vise à limiter la possibilité pour "ces calculateurs d’itinéraires routiers" de proposer "à leurs utilisateurs de contourner des voies principales embouteillées en empruntant des voies secondaires qui n’ont pas été dimensionnées pour un transit massif".
• Rapport sur les véhicules de collection dans les ZFE-m (art. 27 bis nouveau)
La remise d'un rapport par le gouvernement au Parlement sur les modalités de circulation des véhicules de collection dans les ZFE-m, disposition introduite, en commission n'a fait l'objet que de modifications de nature rédactionnelle.
• Expérimentation des voies réservées (art. 28)
Pas de modification de fond de cet article.
• L'accès aux "voies olympiques et paralympiques" potentiellement élargi (art. 28 bis nouveau)
Ce nouvel article, introduit par amendement des députés LREM et précisé par sous-amendement du rapporteur, permet au préfet de police d'autoriser les taxis, les véhicules de transport en commun et les véhicules destinés à favoriser le transport des personnes à mobilité réduite à emprunter les "voies olympiques et paralympiques", qui peuvent être réservées, de façon permanente ou durant des périodes déterminées, aux véhicules des personnes accréditées par le comité d’organisation des Jeux olympiques et aux véhicules de secours et de sécurité du 1er juillet 2024 jusqu'au 15 septembre 2024 inclus.
• Politique tarifaire régionale plus verte et favorisant les transports collectifs (art. 29)
Pas de modification de fond de cet article.
• Possibilité de gratuité de stationnement pour les véhicules de covoiturage (art. 29 bis nouveau)
Issu d'un amendement du rapporteur Jean-Marc Zulesi, ce nouvel article prévoit qu'en matière de redevance de stationnement, les collectivités territoriales peuvent prévoir dans leur barème tarifaire une tranche gratuite ainsi qu'une tarification spécifique pour les véhicules bénéficiant d’un signe distinctif de covoiturage créé en application des articles L. 1231-15 ou L. 1241-1 du code des transports.