Projet de loi 3DS - Santé, social, éducation, déconcentration, simplification : la version votée par l'Assemblée
La décentralisation en matière de santé, de cohésion sociale et d'éducation, l'approfondissement de la déconcentration et la simplification de l'action publique étaient, avant les fêtes, au menu des derniers jours de discussion de l'Assemblée nationale sur le projet de loi "3DS" (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l'action publique locale). Le point sur les principaux amendements que les députés ont adoptés, dans l'hémicycle, sur ces trois volets. Les nouvelles dispositions sont venues confirmer, ou compléter, les nombreuses évolutions qui avaient déjà été entérinées en commission. Notre décryptage des autres volets du texte sont à retrouver dans notre dossier en lien au bas de cet article.
Mesures relatives à la santé, la cohésion sociale, l'éducation et la culture (titre IV)
- DÉLÉGATIONS DÉPARTEMENTALES DES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ. Obligation pour le responsable de la délégation départementale de l'Agence régionale de santé (ARS) de présenter chaque année le bilan d'activité de ses services au président du conseil départemental (article 31).
- AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ. Rétablissement de la disposition prévoyant que "des membres" du conseil d'administration de l'ARS sont dotés de "plusieurs voix" (article 31). Le Sénat avait supprimé cette disposition, afin que chaque membre n'ait plus qu'une voix. Cela devait permettre de renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil d'administration de l'ARS.
- CONTRATS LOCAUX DE SANTÉ. Adoption d'un amendement socialiste prévoyant que ces contrats conclus entre l'ARS et les collectivités territoriales et leurs groupements sont "signés en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins" (après l'article 31 bis A). Par ailleurs, une disposition LREM prévoit l'obligation d'inscrire un volet dédié à la santé mentale dans les contrats locaux de santé. Ce volet doit tenir compte du projet territorial de santé mentale.
- HÔPITAUX. Possibilité pour le maire d'une commune dotée d'un établissement public de santé qui a fusionné avec un établissement principal de participer aux réunions du conseil de surveillance de cet établissement principal, en disposant d'une voix consultative (après l'article 31 bis). Le même cas de figure est prévu lorsque les établissements sont placés sous une direction commune.
- SÉCURITE SANITAIRE. Adoption d'un amendement, porté par l'Assemblée des départements de France (ADF), clarifiant le champ d'intervention des départements en matière de politique de sécurité sanitaire (article 34). Il confirme que celui-ci est large, car il comprend "la prévention, la surveillance et la lutte contre les dangers sanitaires", ainsi que "la lutte contre les zoonoses".
- DÉSERTS VÉTÉRINAIRES. Assouplissement du dispositif mis en place en 2020 et 2021, autorisant les collectivités ou leurs groupements à allouer des aides aux vétérinaires et aux étudiants vétérinaires exerçant sur les animaux d'élevage (après l'article 34). L'obligation pour la collectivité de relever d'une zone où l'offre de soins pour les animaux d'élevage est insuffisante disparaît. "L'ensemble des collectivités" pourra donc décider de ce type d'aides.
- NON-RECOURS AUX DROITS SOCIAUX. Lancement d'une expérimentation de "territoires zéro non recours" (après l'article 35). Les amendements du gouvernement et du groupe LREM prévoient une expérimentation mise en place pour une durée de trois ans dans dix territoires au maximum.
- GESTIONNAIRES DES COLLÈGES ET LYCÉES. Après la suppression pure et simple par le Sénat des dispositions visant à renforcer la relation entre, d'un côté, les départements et les régions et, de l'autre, les adjoints gestionnaires des collèges et des lycées, les députés avaient, en commission, opté pour leur retour dans le texte (article 41). Ainsi, pour les sujets relevant de leurs compétences, les départements et les régions devaient pouvoir donner des instructions aux adjoints gestionnaires des collèges et des lycées. La faculté pouvait figurer dans une convention entre l'établissement et la collectivité. Mais ce pouvoir d'instruction des départements et des régions à l'égard des gestionnaires des établissements devait faire l'objet d'une expérimentation de trois ans. Une condition que le gouvernement a ensuite décidé de lever, en guise de geste à l'égard des présidents de départements. Le Premier ministre en a fait l'annonce lors des Assises des départements, le 3 décembre, à Bourg-en-Bresse
En séance, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement présenté par le gouvernement qui traduit cette promesse. Cette mesure permet au département ou à la région d'exercer l’autorité fonctionnelle sur l’adjoint du chef d’établissement en charge des fonctions de gestion. "Aucun transfert n'est prévu" et "l'autorité hiérarchique demeure évidemment le chef d’établissement", a précisé dans l'hémicycle la ministre en charge de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. En concluant que l'amendement voté "ne change pas fondamentalement le fonctionnement actuel, mais permet de clarifier les relations de travail". "Pour lever toute ambiguïté quant aux domaines dans lesquels la collectivité pourra exercer une autorité fonctionnelle sur le gestionnaire", les députés ont adopté avec l'avis favorable du gouvernement des amendements LREM précisant que celle-ci "recouvre uniquement le domaine de la restauration, de l'entretien général et de la maintenance des infrastructures et des équipements". "Les activités pédagogiques continueront naturellement à relever de la compétence exclusive de l’État", expliquent les auteurs.
- MÉDECINE SCOLAIRE. En 2020, le gouvernement avait sérieusement envisagé le transfert des services de médecine scolaire aux départements, avant toutefois de faire machine arrière. Mais lors de la discussion en première lecture au Sénat, il n'a pas complètement fermé la porte à cette idée. La ministre de la Cohésion des territoires s'est en effet déclarée favorable à un amendement socialiste prévoyant l'élaboration par le gouvernement d'un rapport "retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements". Le rapport qui sera remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi "3DS" abordera en particulier la question du "coût" du transfert, "les modalités envisagées de recrutement et de gestion des personnels", ainsi que "les améliorations attendues sur le fonctionnement des différentes actions menées dans le cadre de la médecine scolaire" (article 41 A). Les députés ont validé l'idée de ce rapport. En complétant son objet : celui-ci devra aussi "indiquer les moyens" permettant, en l’absence de transfert, de "renforcer la politique de santé scolaire et en particulier de renforcer l’attractivité des métiers concourant à cette politique".
Mesures de déconcentration (titre VI)
- DOTATION DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL. Faculté donnée au préfet de région de donner délégation au préfet de département pour signer les décisions d’attribution des subventions de l'État au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (après l'article 46). Il s'agit de donner un petit gage au Sénat. La chambre haute avait voté un amendement prévoyant que la DSIL soit "principalement attribuée" par le préfet de département (et non par le préfet de région). Mais pour le gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale, il est hors de question d'aller si loin.
- COMITÉS DE BASSIN ET COMITÉS RÉGIONAUX DE LA BIODIVERSITÉ. Introduction, au sein de la composition des comités de bassin et des comités régionaux de la biodiversité, des présidents de conseils économiques et sociaux environnementaux régionaux concernés (après l'article 46). Cet élargissement sera effectif lors du prochain renouvellement de ces instances.
- CEREMA. Réécriture de l'article 48, facilitant l'accès des collectivités territoriales aux interventions du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Le Sénat avait défini directement dans le projet de loi la réforme de cet établissement public de l'État, alors que le gouvernement voulait procéder par ordonnance. Le gouvernement a finalement suivi le choix de la Haute Assemblée. Il a donc déposé en séance, à l'Assemblée nationale, un amendement qui pose les bases de l'évolution future du Cerema. Un dispositif qui prend appui sur un avis rendu début décembre par le Conseil d'État.
Mesures de simplification de l'action publique (titre VII)
- DÉMATÉRIALISATION DE L'ÉTAT CIVIL. Ratification de l'ordonnance du 10 juillet 2019, qui a ouvert la voie à la dématérialisation des actes de l'état civil établis par le ministère des Affaires étrangères (après l'article 50 ter). Cette ordonnance et les textes réglementaires pris pour son application ont permis l'expérimentation durant trois ans de la dématérialisation de ces actes de l'état civil, ainsi que la création auprès du service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères d'un registre des actes de l’état civil électronique centralisé (RECE). Les amendements de ratification déposés par le gouvernement et la majorité prévoient aussi une prolongation de l'expérimentation durant deux années et la pérennisation du dispositif de dématérialisation, sous réserve du respect de certains critères.
- INDEMNITÉS DES ÉLUS DES COMMUNES D'OUTRE-MER. Instauration de la possibilité pour les communes des départements d'outre-mer de plus de 5.000 habitants attributaires de la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (DACOM) de majorer les indemnités de leurs élus (après l'article 53). Cette disposition fait suite à une décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre dernier, dans laquelle les Sages ont censuré la faculté pour les conseils municipaux des communes de plus de 5.000 habitants attributaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU) de voter des majorations d'indemnités de fonction pour les élus. La raison était simple : le dispositif exclut toutes les communes d'outre-mer, puisque celles-ci ne perçoivent pas la DSU, mais la DACOM.
- ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE LA DÉFENSE. Feu vert donné au gouvernement pour prendre dans les neuf mois suivant la promulgation de la loi une ordonnance pour faire évoluer le régime comptable et financer et les contrôles s'appliquant à l'établissement public local "Paris La Défense" (après l'article 67). Actuellement, les règles budgétaires et comptables de l'établissement sont celles des services publics industriels et commerciaux locaux.
- ÎLE-DE-FRANCE MOBILITÉS. Élargissement des compétences d'Île-de-France Mobilités à la réalisation d'opérations immobilières sur les terrains dont l'établissement public est propriétaire (après l'article 67).
- RÉPERTOIRE DES REPRÉSENTANTS D'INTÉRETS. Recentrage des mesures de contrôle de l'action des lobbies sur les collectivités les plus grandes (après l'article 72). Un amendement LREM met en œuvre une récente proposition de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). Le 1er juillet prochain, le répertoire numérique dans lequel les représentants d'intérêts devront s'inscrire pour rencontrer un maire ou un président d'intercommunalité, sera appliqué aux communes et groupements de communes de plus de 100.000 habitants. L'application de la mesure à toutes les communes et intercommunalités de plus de 20.000 habitants, tel que la loi le prévoit actuellement, serait source de réelles difficultés pratiques, selon la HATVP.
- DÉONTOLOGIE DES ÉLUS LOCAUX. Insertion dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) d'une disposition prévoyant que "tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques" consacrés dans la charte de l'élu local (article L. 1111-1-1 du CGCT). Un décret en Conseil d’État déterminera les modalités et les critères de désignation des référents déontologues (après l'article 73 ter).
Localtis avait rendu compte, dans son édition du 17 décembre dernier, de la réforme de l'organisation de la métropole d'Aix-Marseille-Provence votée à l'article 56 du projet de loi.
Pour rappel, les députés ont largement approuvé le projet de loi le 4 janvier dernier. Le sort du texte est à présent suspendu au résultat de la commission mixte paritaire (CMP) chargée de trouver une rédaction commune aux deux chambres. Selon le ministère de la Cohésion des territoires, cette commission "devrait normalement se réunir à partir du 27 janvier".