Projet de loi 3DS : le Sénat complète les mesures de simplification de l'action publique locale
Vendredi 16 juillet, puis lundi 19 et mardi 20 juillet, le Sénat a examiné dans l'hémicycle le titre VII du projet de loi 3DS (ou 4D). Un volumineux titre qui rassemble des dispositions très diverses en matière de simplification de l'action publique locale. Au total, la discussion en commission, puis en séance, a été l'occasion pour la Haute Assemblée de voter des ajouts non négligeables concernant par exemple le régime de prise illégale d'intérêts s'appliquant aux élus locaux, le droit des entreprises publiques locales, la collecte des eaux pluviales urbaines, le "droit à l'erreur" des collectivités territoriales ou l'organisation des réunions des assemblées délibérantes locales en visioconférence. Focus sur les principaux amendements adoptés par les sénateurs sur ce titre VII.
- Extension de la possibilité, aujourd'hui accordée aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, d'adopter le cadre fixant les règles budgétaires et comptables applicable aux métropoles (M 57). Les nouveaux bénéficiaires de ce droit d'option seront à partir du 1er janvier prochain : les groupements, les services d’incendie et de secours (SDIS), le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), les centres départementaux de gestion et les associations syndicales autorisées (article 53 bis).
- Faculté donnée aux collectivités territoriales de recourir au financement participatif pour "tout service public". Cette possibilité est aujourd'hui limitée aux services publics "culturel, éducatif, social ou solidaire" (article 53 ter).
- Autorisation donnée aux régions de confier par convention de mandat à un organisme privé ou public tiers l'attribution et le paiement des aides économiques, ainsi que l'encaissement des recettes liées aux aides économiques (article 53 quater).
- Assouplissement du fonctionnement des services communs créés par une intercommunalité à fiscalité propre et au moins une commune membre (article 55 bis). "En fonction de la mission réalisée", les agents des services communs seraient placés sous l’autorité fonctionnelle du maire ou sous celle du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Actuellement, les agents d’un service commun porté par une intercommunalité doivent recevoir leurs instructions du président de l’intercommunalité, y compris lorsqu’ils réalisent certaines de leurs missions pour le compte des communes membres.
- Extension à l'ensemble des départements frontaliers des compétences attribuées à la collectivité européenne d'Alsace en matière transfrontalière. Ces départements se verraient reconnaître le rôle de chefs de file de la coopération transfrontalière et élaboreraient un schéma départemental de coopération transfrontalière (article 59 bis).
- Introduction dans le code de l'énergie d'une disposition prévoyant une meilleure coordination entre l'Etat, EDF et Engie, afin que leurs offres commerciales en matière de distribution de gaz ne pénalisent pas le développement de la chaleur renouvelable (article 63 bis).
- Création, au profit du maire ou de l’exécutif de l’établissement public compétent, d'une procédure de mise en demeure pour obliger un propriétaire à se conformer à ses obligations en matière d’assainissement collectif ou non collectif (article 64 bis A). La procédure pourrait être assortie d’une astreinte d’un montant maximal de 100 euros par jour (dans la limite totale de 5.000 euros).
- Renforcement des prérogatives des autorités locales compétentes pour assurer le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines (article 64 bis). Cette mission de contrôle serait expressément inscrite au sein du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, les agents du service bénéficieraient d'un accès aux propriétés privées pour exercer leurs missions de contrôle et d'entretien et de réalisation des installations de collecte des eaux pluviales.
- Ouverture aux fonctionnaires territoriaux de l'expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires au profit d'une association ou d'une fondation, dans le cadre du mécénat de compétence (article 69). Initialement, seuls les fonctionnaires d'Etat étaient concernés par l'expérimentation, mais le Sénat a ouvert celle-ci aux fonctionnaires territoriaux des communes de plus de 3.500 habitants, des départements, des régions et des EPCI à fiscalité propre. La Haute assemblée a aussi porté la durée de l'expérimentation de 4 à 5 ans.
- Assouplissement de la mise en œuvre de l'obligation pour les sociétés d'économie mixte locale (SEM) ou les sociétés publiques locales (SPL) d'obtenir l'accord exprès de la ou des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires, lorsque celles-ci prennent une participation dans le capital d’une société commerciale (article 70). Le Sénat juge que la procédure voulue par le gouvernement est "trop lourde" et risquerait donc de "gripper le fonctionnement des entreprises publiques locales".
- Redéfinition du cadre juridique de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public à l'égard des usagers – notamment les sportifs - qui fréquentent ces sites (article 73 bis A). L'amendement adopté dispose que "le gardien de l’espace naturel dans lequel s’exerce un sport de nature n’est pas responsable des dommages causés à un pratiquant (…) lorsque ceux-ci résultent de la réalisation d’un risque inhérent à la pratique sportive considérée." Le dispositif doit permettre d’alléger la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires des sites naturels, tout en responsabilisant les usagers.
- Création du statut des élus locaux qui, représentant une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités au conseil d'administration ou de surveillance d'une entreprise publique locale, siègent également au sein des organes d'une de ses filiales (article 73 bis). Il est prévu que, sauf clause contraire de leurs statuts, les SEM soient représentées à l'assemblée des associés ou actionnaires de leurs filiales par l'un des élus locaux qui siègent au sein de leur conseil d'administration ou de surveillance.
- Création d'un cadre juridique plus protecteur pour les élus locaux représentant leurs collectivités territoriales ou leurs groupements de collectivités territoriales au sein d’organismes extérieurs, tels que certaines associations, les missions locales, ou les offices publics de l'habitat (article 73 ter). Il fixe le principe selon lequel les élus ne sont pas considérés comme intéressés à l'affaire. L'amendement présenté par le gouvernement précise les cas de figure dans lesquels les élus locaux sont amenés à se déporter, pour éviter tout risque de conflit d’intérêts.
- Autorisation donnée aux sociétés publiques locales (SPL) d'exercer des activités accessoires pour des personnes publiques ou privées qui ne sont pas actionnaires de ces sociétés (article 73 quater). Les SPL auraient l'obligation d'exercer, non plus la totalité, mais plus de 80 % de leurs activités pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. Cette proportion est établie au regard des règles de la commande publique.
- Extension du régime du mécénat aux quelque 50 sociétés publiques locales (SPL) à caractère culturel, lesquelles sont exposées durement aux conséquences de la crise sanitaire (article 73 sexies). Les entreprises qui les soutiendront financièrement, bénéficieront d'une réduction d'impôt.
- Simplification de l'obligation pour certains élus locaux de déposer une déclaration d'intérêts et une déclaration de situation patrimoniale (article 73 octies). Les élus cumulant plusieurs mandats n'auraient plus qu'une déclaration à déposer (au lieu de deux, ou trois, voire plus, aujourd'hui). En outre, un élu qui quitterait ses fonctions avant l'expiration d'un délai de deux mois après son élection, serait exonéré de l'obligation de déposer des déclarations (article 73 septies). Ces évolutions ont été proposées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
- Extension aux intercommunalités à fiscalité propre d'au moins 20.000 habitants de la possibilité de créer une mission d’information et d’évaluation (article 74 bis B). Celle-ci est aujourd'hui réservée aux communes de 50.000 habitants et plus. Lorsqu’un sixième des membres le demande, le conseil municipal de ces communes délibère sur la création d’une telle mission. Celle-ci est "chargée de recueillir des éléments d’information sur une question d’intérêt communal ou de procéder à l’évaluation d’un service public communal".
- Autorisation donnée aux collectivités de reprendre des concessions funéraires abandonnées, après un délai d'un an, au lieu de trois ans actuellement (article 74 quinquies). Le même article oblige les opérateurs funéraires à actualiser chaque année les devis-modèles permettant au public de connaître les tarifs de leurs prestations. Une loi de décembre 2008 avait instauré l'obligation de dépôt de ces devis-modèles, sans prévoir leur mise à jour. Par ailleurs, la loi prévoit que ces documents sont rendus publics par les communes de plus de 5.000 habitants et les communes dans lesquelles les opérateurs ont leur siège.
Les sénateurs ont profondément remanié les dispositions portant sur l’échange de données rattachées aux "mesures de simplifications de l’action publique" comprises dans le titre VII du projet de loi dit 3DS. Le Sénat a ainsi restreint les obligations d’échanges de données entre administrations publiques (art. 50) au titre du principe "dites-le-nous une fois" en en dispensant les communes et collectivités de moins de 10.000 habitants. Jacqueline Gourault a regretté une disposition qui "exclut certaines communes du dispositif" et "sous-entendrait que certaines communes ne sont pas capables de remplir des dossiers". Le Sénat a par ailleurs introduit la possibilité pour les maires de recueillir, auprès des administrations qui les détiennent, des informations manquantes sur leur commune dans le cadre de recensements ou de remontées d’informations au profit d’administrations centrales. Cette disposition, qui devrait permettre aux communes de mieux connaitre le profil des personnes nouvellement implantées sur leur territoire, sera encadrée par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Cnil. L’article 50 bis crée un droit à l’erreur pour les collectivités territoriales et leurs groupements. Une collectivité s’étant trompée dans la saisie de sa situation se voit ainsi dispensée de sanction pécuniaire ou de privation d’une prestation si elle la régularise après avoir pris connaissance de son erreur, sauf en cas de fraude avérée. Plusieurs exceptions à ce droit à l’erreur sont prévues : obligations contractuelles, sécurité des personnes, protection de l’environnement, droit de l’Union européenne… L’article 50 ter (nouveau) prévoit la possibilité pour les collectivités d’insérer un volet contribution des collectivités "à la gestion des données de référence" et "cybersécurité des services publics" aux stratégies de développement des usages et services numériques (SDUSN). L’amendement défendu par Patrick Chaize visant à élargir le champ des données d’intérêt général – données que doivent mettre à disposition des acteurs privés – et à permettre aux collectivités de définir elles-mêmes la liste des données dont elles pourraient avoir besoin a en revanche été retoqué. L’article 51 a été adopté avec des aménagements techniques mineurs. Cet article vise à simplifier les procédures contentieuses de la Cnil afin de fluidifier la correction ou la répression des manquements au RGPD. On notera par ailleurs que l’article 52, qui permet d'inscrire dans la loi la compétence des communes en matière de création d’adresses et vise à les obliger à alimenter une base adresse a été rétabli par amendement dans la nuit du lundi 19 au mardi 20 juillet. Il prévoit que "les communes mettent à disposition les données relatives à la dénomination des voies et la numérotation des maisons et autres constructions dans le cadre de la mise à disposition des données de référence prévue à l’article L. 321‑4 du code des relations entre le public et l’administration". Il avait été supprimé par la commission des lois. Les sénateurs avaient estimé que la jurisprudence offrait une base juridique suffisante sur le rôle des communes en matière de dénomination des voies et que les difficultés de l'État à alimenter la Base adresse nationale (BAN) ne justifiaient pas de contraindre l'ensemble des communes à créer une base adresse locale (BAL). Il s’agit d’un revers pour l’Avicca et l’AMF qui avaient poussé cette disposition pour faciliter le déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire. Enfin un autre amendement, après l'article 52, vise à modifier et étendre la visioconférence pour la tenue des réunions des assemblées délibérantes aux conseils départementaux et régionaux, aux conseils des syndicats intercommunaux et aux syndicats mixtes fermés, par renvoi de l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour ces derniers. Rappelons que hors mesures exceptionnelles prévues dans le cadre des textes spécifiques au contexte de la crise sanitaire, un dispositif de réunion par visioconférence de l’organe délibérant existe déjà depuis la loi "engagement et proximité" pour les EPCI à fiscalité propre sur le modèle de la Polynésie française. Lucas Boncourt pour Localtis |