Produits français dans les cantines : Gabriel Attal annonce une "conférence des solutions" avec les collectivités
Le projet de loi d'orientation agricole sera dévoilé "en fin de semaine", à l'occasion du Salon de l'agriculture qui ouvre ses portes le 24 février, a annoncé le gouvernement, mercredi, à l'occasion d'un point d'étape sur les 62 mesures annoncées pour répondre au mouvement d'exaspération actuel. Le Premier ministre a également annoncé une "conférence des solutions" associant les collectivités sur les cantines scolaires afin de répondre aux objectifs de la loi Egalim.
Le gouvernement met les petits plats dans les grands à l'approche du Salon de l'agriculture qui démarre samedi 24 février. Un mois après le début des manifestations, le Premier ministre, Gabriel Attal, et trois de ses ministres – Bruno Le Maire (Économie), Marc Fesneau (Agriculture) et Christophe Béchu (Transition écologique) – ont tenu une conférence de presse pour faire le point sur les avancées des 62 mesures annoncées depuis la fin janvier (voir notre article du 1er février), et présenter les grands axes du projet de loi d'orientation agricole, remis sur le métier il y a quelques semaines afin d'être complété.
Ces mesures ont permis de "lever les barrages" mais "nos agriculteurs attendent de voir pour nous croire", a concédé le chef du gouvernement, assurant pourtant des avancées rapides. "En trois semaines, 100% des chantiers ont été ouverts depuis que ces 62 engagements ont été pris. Nous avons abouti ou nous sommes sur le point de le faire pour huit engagements sur dix", a affirmé le chef du gouvernement, en introduction de son discours.
Intérêt fondamental de la nation
Le futur projet de loi d'orientation agricole "reconnaît noir sur blanc notre objectif de souveraineté agricole", a-t-il également annoncé. Comme déjà évoqué le 1er février, il "place l'agriculture alimentaire au rang des intérêts fondamentaux de la nation".
Ce projet de loi est la pierre angulaire du "Pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture" dévoilé par Marc Fesneau le 15 décembre, à Yvetot (voir notre article du 15 décembre), à l'issue d'une concertation lancée fin 2022 avec les chambres de l'agriculture et les régions et dont les conclusions avaient été rendues en juin 2023 (voir notre article du 9 juin 2023). Initialement programmée pour le 24 janvier, sa présentation avait été repoussée afin d'y ajouter un volet de "simplification". Il sera présenté "en fin de semaine" pour être "délibéré au printemps" en vue d'une commission mixte paritaire "à horizon du mois de juin", a indiqué Marc Fesneau mercredi. Selon le dossier de presse du gouvernement, ce projet de loi renommé "projet de loi pour une agriculture souveraine" devrait en fait être présenté au Conseil d'État cette semaine et en conseil des ministres courant mars.
Présomption d'urgence
Pour en connaître le détail, il faudra donc attendre encore quelques jours. Ses principes initiaux (orientation, formation, installation et foncier) seront maintenus. Parmi les principales mesures déjà connues : la création du réseau France services agriculture, point d'entrée unique pour les prétendants à l'installation, placé sous l'égide des chambres d'agriculture. "Nous inscrirons le principe du droit à l'essai", a indiqué le ministre. C'est-à-dire la possibilité déjà expérimentée dans plusieurs départements de tester un projet d'installation sur une année, avec un accompagnement spécifique.
Outre le nouveau titre sur les intérêts fondamentaux de la nation, le projet de loi comprendra un nouveau titre sur la simplification. De manière à "sécuriser juridiquement les actes des agriculteurs" souvent placés devant des réglementations contradictoires, a précisé Marc Fesneau, citant l'exemple du débroussaillement. Comme s'y était engagé le gouvernement, le texte introduira une "présomption d'urgence" pour les projets relatifs à la gestion de l'eau et certaines installations classées protection de l'environnement agricoles.
Alors que la FNSEA dénonçait un empilement de 14 réglementations sur les haies, le gouvernement promet une réglementation unique.
Le texte doit contenir "une disposition sur les chiens de protection de troupeau" et sur la "non-protégeabilité" de certains troupeaux, a annoncé le ministre, précisant qu'en application du nouveau plan Loup 2024-2029 présenté mardi "dans sa version définitive", un arrêté sera pris "d'ici la fin de semaine" sur la simplification des tirs.
Toujours dans le registre de la "simplification", le Premier ministre s'est engagé à "faciliter" l'attribution de visas pour que les saisonniers étrangers viennent travailler dans les fermes françaises.
Enfin, après avoir annoncé il y a trois semaines une "pause" dans l'application du plan de réduction des pesticides Écophyto, le Premier ministre a déclaré vouloir mettre fin à l'indicateur de référence Nodu jusqu'ici utilisé pour mesurer la réduction de l'usage des pesticides (fortement contesté par la FNSEA) pour privilégier l'indicateur européen HRI-1 ("indicateur de risque harmonisé").
Plus de revenus
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé un nouveau projet de loi Egalim pour donner "plus de revenus" aux agriculteurs. Une mission parlementaire confiée aux députés Alexis Izard (Essonne, Renaissance) et Anne-Laure Babault (Modem, Charente-Maritime) doit faire des propositions en ce sens pour un texte présenté au Parlement "d'ici l'été", a indiqué le Premier ministre. Il s'articulera autour de trois axes : la construction des prix, les indicateurs de coûts de production et les centrales d'achat européennes, qui permettent aux distributeurs de contourner la loi européenne. Le gouvernement entend par ailleurs porter un projet Egalim au niveau européen. "Grâce à l’engagement de la France, ce chantier a été ouvert par la Commission européenne", a assuré le Premier ministre.
Rappelant les objectifs de la loi Egalim dans la restauration collective (50% de produits durables et de qualité et 20% de bio), Gabriel Attal a annoncé une "conférence des solutions", associant État et collectivités locales d'ici au mois d'avril pour rattraper le retard pris dans ce domaine. "J’assume de vouloir que nous consommions davantage français", a-t-il dit.
"Ma cantine"
Plusieurs régions ont récemment annoncé des ambitions dans ce domaine. En 2022, la région Grand Est a ainsi lancé un programme baptisé "Adage" (Alimentation durable et autonome en Grand Est) avec l'objectif d'atteindre 65% de produits locaux dans les cantines dont un tiers de produits bios à horizon 2030. "Les objectifs 2024 pour le Grand Est sont d’atteindre 20% de produits locaux au moins en moyenne dans les lycées (contre 11% actuellement), 20% de produits sous signe de qualité (15% actuellement) et de passer la barre des 10% de bio (8% actuellement)", indique la région à Localtis.
Pour aider les gestionnaires de restaurants collectifs (État, collectivités, hôpitaux…) à atteindre ces objectifs, le ministère de l'Agriculture a développé une plateforme baptisée "ma cantine", qui permet de "s'autoévaluer" et de "s'améliorer".