Produits autorisés, fonds de solidarité, aide à la numérisation : un nouveau train de mesures pour le commerce
Alors que la mobilisation en faveur du commerce de proximité ne faiblit pas, le gouvernement a mis en oeuvre mardi 3 novembre trois nouvelles mesures sur fond d'équité et de solidarité. Un décret fixe la liste des biens qui pourront continuer d'être vendus en grande surface (ce qui dessine en creux ceux qui ne doivent plus l'être). Le fonds de solidarité est renforcé avec une aide portée jusqu'à 10.000 euros. Enfin, le gouvernement veut aider les commerces à développer des services de livraison ou de retrait de commande.
Après une journée marathon où le gouvernement a tenté d’arrondir les angles sur la fermeture des commerces, un décret publié au Journal officiel ce mardi 3 novembre dresse la liste des produits autorisés à la vente dans les grandes surfaces. Une "tolérance" est cependant accordée jusqu’à mercredi pour se mettre en conformité.
Il s’agit d'appliquer la mesure annoncée dimanche soir par le Premier ministre Jean Castex sur TF1. Au nom de l'"équité", le gouvernement a en effet décidé de fermer les rayons "non essentiels" dans les grandes surfaces, plutôt que d'autoriser les petits commerces à rouvrir, comme le réclamaient de nombreux élus et représentants du commerce. Symboliquement, il n’est plus question d’interdire les produits "non essentiels" - terme jugé "blessant" par le ministre délégué aux PME Alain Griset - mais de lister ceux qui sont encore autorisés. Au-delà des produits essentiels, comme l’alimentaire, les centres commerciaux et les grandes surfaces de plus de 400 m2 peuvent continuer à vendre les "produits de toilette, d'hygiène, d'entretien et de puériculture", précise le décret. Les supérettes, d’une surface de vente inférieure à 400 m², ne sont donc pas concernées par ces restrictions.
Face aux nombreuses interrogations et commentaires suscités par le décret, Bercy est revenu dans le détail sur ce qui est autorisé : "les ventes de denrées alimentaires et les boissons, les produits de quincaillerie (dont les articles de cuisine, le petit électroménager, les piles et les ampoules) et de bricolage, la droguerie (produits de lavage et d’entretien et articles pour le nettoyage), les dispositifs médicaux grands publics et les masques, les articles de puériculture y compris les habits pour les nouveau-nés et les nourrissons, la mercerie, la papeterie et la presse, les produits informatiques et de télécommunication, les produits pour les animaux de compagnie, les produits d’hygiène, de toilette et beauté (articles d’hygiène corporelle, déodorants, rasages, produits pour les cheveux, maquillage etc.), les graines et engrais et les produits d’entretien des véhicules".
En revanche, les jouets, meubles, bijoux, livres et autres produits culturels, habillements, articles de sport, fleurs et gros électroménager ne pourront être proposés qu’en drive ou en ligne.
Activités à domicile
Par ailleurs, une jauge de capacité d’accueil est mise en place. Les établissements autorisés à recevoir du public "ne peuvent accueillir un nombre de clients supérieur à celui permettant de réserver à chacun une surface de 4 m2", précise le décret. Lorsque les circonstances locales l'exigent, le préfet de département "peut limiter le nombre maximum de clients pouvant être accueillis dans ces établissements". La capacité maximale d’accueil des commerces doit être "affichée et visible" depuis l’extérieur.
Le décret délimite par ailleurs le champ des activités professionnelles à domicile. Les activités à caractère commercial, sportif ou artistique et les activités de cours à domicile autres que de soutien scolaire sont autorisées si elles le sont également lorsqu’elles sont exercées en établissement recevant du public. Ce qui exclut par exemple les coiffeurs à domicile ou les esthéticiennes puisque les salons ont l’obligation de fermer. Les services à la personne, eux, sont autorisés.
Le Premier ministre a annoncé qu’une clause de revoyure serait prévue dans "quinze jours" pour envisager d’éventuelles réouvertures au regard de la situation sanitaire, même si de l’aveu même d’Alain Griset "l’espoir est minime".
Aide à la vente en ligne
Le gouvernement veut profiter de l’occasion pour pousser les boutiques à se digitaliser et développer des services de livraison ou de retrait de commande. C’est d’ailleurs la seule réponse apportée à la concurrence des géants du e-commerce qui voient leurs ventes s’envoler depuis le début de la crise. Bercy a ainsi annoncé, mardi, le lancement d’un appel à projets auprès d’offreurs de solutions numériques "prêts à s’engager pour accompagner les petites entreprises, notamment les commerces, artisans, restaurateurs et les PME dans la mise en place de services permettant la vente en ligne, tels que des offres de livraison de proximité, de paiement ou des solutions de places de marché locales". Les prestataires seront sélectionnés sur leur capacité à apporter une offre gratuite (ou à tarif préférentiel) au moins pendant la phase de confinement et à accompagner techniquement les commerçants. Les délais sont extrêmement courts : un premier "relevé intermédiaire" est fixé au 4 novembre à 18h, et les premières offres labellisées seront présentées le lendemain.
"Il est important de noter que le chiffre d’affaires généré par ces ventes ne sera pas pris en compte dans le calcul de l’aide au titre du fonds de solidarité", souligne Bercy.
Le fonds de solidarité renforcé
D’ailleurs, ce fonds de solidarité mis en place au printemps pour compenser les pertes d’activité des TPE et des indépendants a été sensiblement amélioré. Un décret du 2 novembre porte l’aide jusqu’à 10.000 euros, au lieu de 1.500, dans certains cas. Initialement il s’agissait de prendre en compte la nouvelle donne du "couvre-feu". La publication du décret a été retardée d’une semaine pour l'adapter au confinement.
Le fonds est désormais accessible aux entreprises de moins de 50 salariés sur l'ensemble du territoire. Il compensera la perte de chiffre d'affaires jusqu'à 10.000 euros pour l'ensemble des entreprises fermées administrativement jusqu’à la fin du mois de novembre. Les entreprises des secteurs du tourisme et activités connexes (restauration, événementiel, culture, etc.) qui accusent une baisse d'au moins 50% de leur chiffre d’affaires par rapport à la même période de 2019 seront logées à la même enseigne. Toutes les autres entreprises subissant une perte d'au moins la moitié de leur chiffre d'affaires seront éligibles à une aide de 1.500 euros. Le décret ouvre la possibilité de déposer la demande d'aide au titre du volet 2 (financé par les régions) jusqu'au 30 novembre 2020 (au lieu du 15 octobre).
L’Etat a prévu de décaisser 6 milliards d’euros supplémentaires pour abonder le fonds en novembre. Au total, 15 milliards d’euros sont décaissés pendant la durée du mois pour venir en aide aux entreprises, compte tenu des reports et exonérations de charges, des prêts directs de l’Etat ou des crédits d’impôts sur les loyers. En effet, les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement seront exonérées de cotisations sociales. La mesure s’applique aussi à celles des secteurs du tourisme, du sport, de la culture et de l'événementiel si leur chiffre d'affaires chute de plus de moitié durant cette période. Toutes les autres pourront reporter leurs charges sans pénalité. Mais Alain Griset a prévenu lundi devant la Sénat que l’Etat n’aurait pas la possibilité de mettre 15 milliards d’euros chaque mois sur la table. "Il faut très vite mettre en place une commission chargée de nous tracer des perspectives budgétaires à plus long terme."